FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1153  de  M.   Rochebloine François ( Union pour la démocratie française-Alliance - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  05/06/2000  page :  3333
Réponse publiée au JO le :  07/06/2000  page :  4860
Rubrique :  assurance maladie maternité : généralités
Tête d'analyse :  affiliation
Analyse :  couverture maladie universelle. application
Texte de la QUESTION : M. François Rochebloine souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences de la mise en place de la couverture maladie universelle en ce qui concerne certains soins dentaires. En l'absence d'un accord entre l'assurance maladie et les représentants des prestataires sanitaires, la fixation d'un montant maximal de remboursement des soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale autorisé à un niveau nettement inférieur à la réalité des tarifs pratiqués par les chirurgiens dentistes, est à l'origine de réelles difficultés à la fois pour les caisses de sécurité sociale, les praticiens et les patients eux-mêmes. Il résulte de cette situation une série de conséquences dommageables, dans la mesure où les praticiens sont amenés à limiter leurs interventions aux soins en reportant souvent la réalisation de prothèses. En outre, dans l'hypothèse où il y a dépassement des plafonds autorisés dans les devis soumis aux caisses primaires d'assurance maladie, les bénéficiaires se voient opposer un refus de prise en charge de leurs soins prothétiques. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement envisage de prendre des mesures afin de remédier à ces difficultés.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. François Rochebloine a présenté une question, n° 1153, ainsi rédigée:
«M. François Rochebloine souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences de la mise en place de la couverture maladie universelle en ce qui concerne certains soins dentaires. En l'absence d'un accord entre l'assurance maladie et les représentants des prestataires sanitaires, la fixation d'un montant maximal de remboursement des soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale autorisé à un niveau nettement inférieur à la réalité des tarifs pratiqués par les chirurgiens dentistes, est à l'origine de réelles difficultés à la fois pour les caisses de sécurité sociale, les praticiens et les patients eux-mêmes. Il résulte de cette situation une série de conséquences dommageables, dans la mesure où les praticiens sont amenés à limiter leurs interventions aux soins en reportant souvent la réalisation de prothèses. En outre, dans l'hypothèse où il y a dépassement des plafonds autorisés dans les devis soumis aux caisses primaires d'assurance maladie, les bénéficiaires se voient opposer un refus de prise en charge de leurs soins prothétiques. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si le Gouvernement envisage de prendre des mesures afin de remédier à ces difficultés.»
La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question.
M. François Rochebloine. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, mais je pense que M. le ministre délégué à la ville pourra m'apporter les réponses que je suis en droit d'attendre.
En faisant adopter l'an dernier la loi instituant la couverture maladie universelle, le Gouvernement s'était engagé à apporter une réponse globale, efficace et définitive à la question de l'accès des plus démunis aux soins. La CMU, selon les termes employés par Jean-Claude Boulard dans son rapport, devait permettre de «passer du droit juridiquement affirmé à la santé au droit réellement exercé». Mais derrière les discours, aussi ambitieux soient-ils, il y a la réalité d'un système complexe, difficile à mettre en place, il y a de multiples situations d'exclusion et de précarité auxquelles il n'est pas toujours facile de répondre.
L'idée même d'une CMU financée par la solidarité nationale est juste quand elle permet d'offrir une protection aux nombreuses personnes qui furent trop longtemps exclues du droit à la santé. Pour autant, alors que la CMU a bientôt six mois d'existence, nous devons nous demander si le dispositif actuel répond à l'exigence de solidarité à laquelle les Français sont attachés.
S'il n'est pas dans mes intentions de reproduire le débat qui a déjà eu lieu lors de la discussion du projet de loi, il me faut poser la question de la mise en oeuvre du dispositif car elle semble moins évidente que l'affirme Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. J'en veux pour preuve les dossiers individuels qui m'ont été soumis lors de rendez-vous à ma permanence. J'ai dû constater les problèmes liés à certains soins dentaires, les soins d'orthopédie dento-faciale.
Jusqu'au 31 décembre 1999, il n'existait qu'un système de prise en charge en orthodontie qui laissait au praticien la liberté de déterminer le montant de ses honoraires. Depuis le 1er janvier 2000, un certain nombre de nos concitoyens bénéficiaires de la CMU peuvent paradoxalement se retrouver dans une situation défavorable. Les honoraires sont plafonnés dans le système des tarifs dits opposables à 1 262 francs par semestre pour les traitements faisant appel à des appareillages amovibles, et à 2 500 francs par semestre pour les traitements recourant aux appareillages fixes. Dans ce dernier cas, la durée de prise en charge est limitée à seulement quatre semestres au lieu de six. De plus, les patients concernés se voient privés de la liberté d'adhérer à un système de couverture complémentaire.
Le praticien libéral a alors le choix entre trois attitudes: il accepte le système en assurant le traitement de ses patients dans les conditions qui lui sont actuellement imposées, c'est-à-dire en travaillant à perte; ou alors, violant les règles de déontologie de la profession, il ne prodigue que des soins au rabais ou des traitements de compromis qui risquent de ne pas être conformes aux données scientifiques et les patients présentant une pathologie sévère ne peuvent bénéficier d'un traitement adapté, souvent long, difficile et onéreux; enfin, dernière possibilité, il refuse tout simplement la prise en charge des patients ressortissant à la CMU et les adresse aux centres de soins des caisses ou aux centres hospitaliers universitaires de l'Assistance publique.
On le voit, l'absence d'un accord entre l'assurance maladie et les prestataires de soins n'est pas de nature à améliorer les relations entre les différents partenaires. L'article 26 de la loi autorisait, Mme la ministr,e à fixer de manière réglementaire un montant maximal de remboursement des soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale. Le niveau retenu semble nettement inférieur à la réalité des tarifs pratiqués par les chirurgiens-dentistes, ce qui n'a pas manqué de créer des tensions qui sont à l'origine de réelles difficultés, à la fois pour les caisses de sécurité sociale, les praticiens et les patients eux-mêmes.
Malgré tous les avertissements qui lui ont été adressés, Mme la ministre a optté pour la solution réglementaire alors qu'il y avait intérêt à privilégier, me semble-t-il, la voie du dialogue et de la concertation. J'ai pu observer les conséquences dommageables d'un tel choix: limitation par les praticiens de leurs interventions aux soins, report de la réalisation de prothèses, refus de prise en charge des soins prothétiques par les CPAM en cas de dépassement des plafonds autorisés dans les devis.
C'est la qualité même des soins qui est donc en question, ce que l'on ne peut que déplorer. Je relève d'ailleurs que les centres de santé eux-mêmes se plaignent des insuffisances du barème de prise en charge des prothèses. Il y a donc matière à réfléchir.
Cette critique vient s'ajouter à toutes celles déjà formulées à l'encontre d'une approche qui conduit à rendre le système coûteux et injuste - le seuil de ressources est limité à 3 500 francs par mois - et à déresponsabiliser les bénéficiaires.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser l'ampleur et les raisons des difficultés que je viens de signaler ? D'autre part, pourriez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend apporter les correctifs qui s'imposent tout en maintenant une offre de soins adaptée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Au titre de la solidarité nationale, le législateur a voulu faire bénéficier les personnes les plus défavorisées d'une couverture maladie gratuite qui complète la prise en charge des soins par la sécurité sociale. La CMU complémentaire lève d'importantes barrières financièresq qui faisaient obstacle à l'accès aux soins, et ce au profit d'environ 6 millions de personnes sur l'ensemble du territoire national.
A cet égard, la prise en charge de frais de prothèses dentaires et d'orthopédie dento-faciale par la CMU constitue une amélioration très significative de la couverture maladie pour l'ensemble de la population concernée et contribue, en même temps à une plus grande solvabilité de la demande de soins en la matière.
Pour les bénéficiaires de la CMU, les soins dentaires sont couverts à 100 % et le prix des prothèses, généralement libre, est encadré. Les niveaux de prix ont été établis après une enquête menée par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés sur les prix réellement pratiqués. Et il n'est pas acceptable que les praticiens refusent de respecter les montants qui ont été fixés, car ils mettent ainsi en cause l'accès aux soins des plus démunis.
Il est vrai que la couverture à 100 % est limitée à un plafond de prise en charge de 2 600 francs sur deux ans pour les frais engagés au-delà du tarif de responsabilité, conformément aux voeux des organismes complémentaires et la Caisse nationale d'assurance maladie.
Mais il faut souligner que ni les frais afférents aux prothèses dentaires amovibles de dix dents ou plus ni les traitements d'orthopédie dento-faciale, ni les interventions liées aux cas d'impérieuse nécessité médicale constatée par le service de contrôle médical ne sont soumis à ce plafond.
Compte tenu de ces aménagements, l'application de la règle du plafonnement ne constitue donc pas une restriction de l'accès aux soins dentaires, qui aurait été à l'évidence contraire à l'intention du Gouvernement comme du législateur.
Par ailleurs, le Gouvernement entend traiter la question de la prise en charge des actes relatifs aux prothèses dentaires plus globalement. Si la CMU constitue un progrès pour les plus modestes, c'est aussi l'accès de tous aux soins prothétiques qu'il faut favoriser. Une mission a ainsi été confiée sur ce sujet à M. Yahiel, qui doit - en concertation avec les praticiens, les caisses d'assurance maladie et les organismes complémentaires - , rendre ses conclusions à la fin du mois d'octobre prochain.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter, mais elles ne me donnent pas entière satisfaction même si je ne mets pas en doute la volonté du Gouvernement d'agir dans ce domaine.
Permettez-moi simplement de vous donner lecture d'un courrier que m'a récemment transmis une personne qui estime que la CMU représente davantage une perte qu'un bénéfice pour elle. S'adressant à la CPAM, elle écrivait: «Monsieur, vous m'aviez accordé la CMU du 14 février 2000 au 28 février 2001. Après m'être renseigné auprès de spécialistes, orthodontistes et opticiens, il apparaît que les remboursements qu'offrent la CMU ne couvrent pas mes dépenses habituelles. J'ai 2 940 francs de frais d'orthodontie par semestre, la prise en charge par la CMU est d'environ 2 600 francs pour deux ans. J'ai besoin, pour corriger ma myopie, de verres amincis et d'une monture d'un coût total de 1 000 francs, la prise en charge par la CMU est de 390 francs, sans possibilité de dépassement. Il est préférable pour moi que je continue, malgré ma situation, d'adhérer à une mutuelle. Je me permets donc de vous demander d'annuler ma demande de CMU».
Peu de temps après, lui a été envoyée la réponse suivante: «Je prends acte, ce jour, de votre décision nous demandant l'annulation de votre contrat de CMU complémentaire. Cette annulation intervient à compter du jour de votre courrier, soit le 21 février 2000. Vous voudrez bien prendre contact rapidement avec votre organisme complémentaire».
Monsieur le ministre, j'espère ainsi vous avoir montré combien il est nécessaire d'agir en ce domaine.
M. Jean-Marie Geveaux. J'ai eu connaissance d'un cas similaire.
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O