FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1155  de  M.   Estrosi Christian ( Rassemblement pour la République - Alpes-Maritimes ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  05/06/2000  page :  3334
Réponse publiée au JO le :  07/06/2000  page :  4862
Rubrique :  voirie
Tête d'analyse :  RD 2205
Analyse :  éboulements. désenclavement. vallée de la Tinée. Alpes-Maritimes
Texte de la QUESTION : M. Christian Estrosi appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'isolement des villages de Saint-Etienne-de-Tinée, Isola et Saint-Dalmas-le-Selvage, à la suite de l'éboulement, le 13 mai dernier, intervenu sur la RD 2205 dans la vallée de la Tinée, dans le département des Alpes-Maritimes. Les seuls accès ouverts depuis pour rejoindre ces villages doivent emprunter des cols de montagne, l'un relié au territoire italien et l'autre, le col de la Bonette à 2 800 mètres d'altitude, relié au département des Alpes-de-Haute-Provence. La durée du trajet pour accéder à ces villages depuis Nice est désormais de 4 heures en véhicule léger et de 8 heures en autobus. 3 000 personnes se trouvent donc aujourd'hui dans une situation de quasi-enclavement. L'activité économique qui repose en grande partie sur le tourisme est devenue presque inexistante. Les services publics ne sont plus assurés. Face à cette situation de crise, les populations ressentent un sentiment d'abandon de la part de l'Etat. Les élus ont adressé au Gouvernement deux propositions : le classement en zone sinistrée et la mobilisation d'un hélicoptère lourd de l'armée pour assurer des transports quotidiens pour les personnes et pour les denrées de première nécessité. Il souhaiterait connaître les intentions de l'Etat sur ces deux requêtes, essentielles pour la survie de ces villages.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Christian Estrosi a présenté une question, n° 1155, ainsi rédigée:
«M. Christian Estrosi appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'isolement des villages de Saint-Etienne-de-Tinée, Isola et Saint-Dalmas-le-Selvage, à la suite de l'éboulement, le 13 mai dernier, intervenu sur la RD 2205 dans la vallée de la Tinée, dans le département des Alpes-Maritimes. Les seuls accès ouverts depuis pour rejoindre ces villages doivent emprunter des cols de montagne, l'un relié au territoire italien et l'autre, le col de la Bonette à 2 800 mètres d'altitude, relié au département des Alpes-de-Haute-Provence. La durée du trajet pour accéder à ces villages depuis Nice est désormais de 4 heures en véhicule léger et de 8 heures en autobus. 3 000 personnes se trouvent donc aujourd'hui dans une situation de quasi-enclavement. L'activité économique qui repose en grande partie sur le tourisme est devenue presque inexistante. Les services publics ne sont plus assurés. Face à cette situation de crise, les populations ressentent un sentiment d'abandon de la part de l'Etat. Les élus ont adressé au Gouvernement deux propositions: le classement en zone sinistrée et la mobilisation d'un hélicoptère lourd de l'armée pour assurer des transports quotidiens pour les personnes et pour les denrées de première nécessité. Il souhaiterait connaître les intentions de l'Etat sur ces deux requêtes, essentielles pour la survie de ces villages.»
La parole est à M. Christian Estrosi, pour exposer sa question.
M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre délégué à la ville, je regrette que M. Chevènement ne soit pas présent pour accorder à la grave question que je veux aborder toute l'importance qu'elle mérite. En tout état de cause, je vous remercie de répondre, au nom du Gouvernement, à ma question.
L'une des plus belles vallées de France, la vallée de la Tinée dans le haut pays niçois, vit, depuis près de trois semaines, un véritable traumatisme. Le 13 mai dernier, l'éboulement de 3 000 mètres cubes de rochers a en effet totalement obstrué l'accès à la vallée par la RD 2205.
Les habitants des communes de Saint-Dalmas, de Saint-Etienne-de-Tinée, d'Isola, des hameaux environnants et des stations touristiques d'été et d'hiver d'Auron et d'Isola 2000 vivent dans l'isolement. Et ce n'est pas l'ouverture de voies touristiques d'été qui a pu briser leur enclavement: le col de la Bonette - le plus haut d'Europe à 2 900 mètres d'altitude - n'est pas sécurisé en cette période de l'année et le col de la Lombarde, à 2 400 mètres d'altitude, n'offre qu'un accès vers l'Italie.
Mes concitoyens de la haute Tinée, qui sont animés de ce bon sens qui forge le caractère et l'intelligence des montagnards et des habitants du monde rural, ont, certes, obtenu des avancées grâce à leur mobilisation aux côtés des élus, qu'il s'agisse du ravitaillement, de la prise en charge fiscale et sociale des entreprises en difficulté, du traitement sanitaire, ou du transport scolaire par héliportage. Toutefois, il a fallu attendre plus de quinze jours les hélicoptères de l'armée et cette opération est financée par les collectivités, ce qui est tout à fait inadmissible.
Malgré tout, un immense sentiment d'incompréhension, voire de mépris, s'est instauré. Le défaut d'informations relatives à la réouverture de la route, la gestion des travaux, le manque de mobilisation des moyens de l'Etat ont donné aux habitants l'impression qu'ils se trouvaient dans une véritable enclave au sein du territoire national.
Si l'on peut espérer que cette situation trouvera une issue très bientôt, les plaies risquent d'être particulièrement longues à panser.
L'Etat n'a désormais qu'un seul moyen d'apporter une aide, si modeste soit-elle, aux commerces et aux entreprises sinistrés: le conseil des ministres doit déclarer l'état de catastrophe naturelle pour les communes de Saint-Etienne-de-Tinée, d'Isola et de Saint-Dalmas.
En ayant ce matin, à l'Assemblée nationale, une pensée émue pour mes concitoyens de la haute Tinée, je vous demande, monsieur le ministre, si, oui ou non, votre gouvernement est prêt à prendre une telle décision.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le député, le 13 mai dernier, un important éboulement de rochers a coupé la route départementale 2205 qui relie la vallée de la haute Tinée au littoral, entraînant l'enclavement partiel de trois communes, Saint-Etienne-de-Tinée, Isola, Saint-Dalmas-le-Selvage, soit 3 000 habitants environ.
La remise en état de cet axe est conditionnée par le traitement préalable, par explosion, d'un bloc rocheux de 25 000 tonnes qui, fragilisé, menace de tomber.
Dès le samedi 13 mai en fin de journée, les services de l'Etat se sont mobilisés afin d'assurer la sécurité des habitants de la haute Tinée et de répondre aux difficultés liées à l'enclavement partiel des communes concernées.
La DDE a procédé à la réouverture de deux cols dès le 14 mai, puis le vendredi 19 mai 2000. L'ouverture de ces cols désenclave - certes partiellement - le secteur de la haute Tinée et permet l'acheminement et l'approvisionnement des produits de première nécessité.
La couverture sanitaire a été renforcée. Un médecin urgentiste du SAMU des Alpes-Maritimes a été détaché à l'hôpital local. En outre, un véhicule de secours aux asphyxiés et blessés a été positionné dans la haute Tinée. Les évacuations sanitaires sont réalisées, en cas de besoin, par l'hélicoptère de la sécurité civile et la nuit ou en cas de mauvaises conditions météorologiques, par voie routière en direction de Gap.
La direction de La Poste a organisé des modalités d'acheminement du courrier trois fois par semaine. En étroite collaboration avec le conseil général, les mesures ont été prises pour que les établissements scolaires puissent continuer à fonctionner normalement. Si le recours systématique aux hélicoptères de l'armée ne peut être envisagé car aucune menace grave et directe ne pèse sur les personnes, une demande ponctuelle a été satisfaite. Trois Puma ont acheminé les internes du collège de Saint-Etienne-de-Tinée.
En outre, le préfet s'est attaché, avec l'ensemble des services et administrations, à prendre les mesures nécessaires pour que la vie économique soit la moins perturbée. La situation des entreprises du secteur a été examinée une première fois lors de la séance du CODEFI, le 26 mai dernier. En accord avec le trésorier-payeur général, les éventuelles difficultés rencontrées par les milieux économiques seront examinées avec attention et pourront faire l'objet de mesures adaptées. Le préfet organise, aujourd'hui mardi 6 juin, une nouvelle réunion à laquelle est associée la Banque de France.
Enfin, s'agissant de la demande de classement en zone sinistrée au titre des catastrophes naturelles, il convient de noter que l'éboulement n'a pas occasionné directement des dommages à des maisons d'habitation ou à des entreprises. Les seuls dégâts constatés concernent la voirie départementale qui ne fait pas l'objet d'une couverture par un contrat d'assurance. Dès lors, il n'apparaît pas que les préjudices évoqués puissent se rattacher au cadre législatif s'appliquant au régime des catastrophes naturelles. Toutefois, j'ai demandé au préfet de me transmettre un dossier afin d'examiner avec précision si les éventuelles pertes d'exploitation des entreprises et commerces pouvaient entrer dans le champ de la loi.
Monsieur le député, les différentes mesures prises par le préfet montrent que les services de l'Etat aident d'une manière particulièrement attentive les habitants de la vallée de la haute Tinée à traverser cette période difficile.
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre, je suis quelque peu déçu par cette longue énumération que j'aurai moi-même résumée et qui n'apporte aucune information nouvelle, ni aux habitants de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui se sentent concernés par la détresse de leurs concitoyens de la haute Tinée, ni à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux du canton de Saint-Etienne-de-Tinée.
Vous essayez de nous donner le sentiment qu'on a créé là-bas toutes les conditions pour qu'une vie normale puisse s'instaurer, alors que le sinistre dure depuis plus de trois semaines. Il est en effet du devoir de l'Etat d'assurer la continuité des services publics sur n'importe quelle partie du territoire national, quelle qu'en soit la situation. Or il est aujourd'hui plus facile de vivre sur des îles telles que la Corse, la Guadeloupe ou la Martinique, quotidiennement reliées à la métropole par des transports publics, maritimes ou aériens, que dans le canton de Saint-Etienne-de-Tinée, dans le haut pays niçois ! Je trouve déplorable qu'au bout de quinze jours on nous ait «lâché» trois hélicoptères de l'armée, d'ailleurs payés par les collectivités locales. La solidarité nationale commandait en effet que ce soit l'Etat qui les prenne en charge; il s'agit d'équipements lourds de l'armée, qui appartiennent aux citoyens français et auxquels les habitants de la haute Tinée contribuent eux aussi par le biais de l'impôt national.
Vous nous dites que tout est réglé au plan sanitaire. Pourtant, quelqu'un qui habite à une heure de l'hôpital de son chef-lieu de département, Nice, par la voie de circulation normale, devrait, en cas de drame sanitaire au milieu de la nuit, prendre une ambulance, emprunter un col non sécurisé à 2 900 mètres d'altitude pour rejoindre, au bout de cinq heures, l'hôpital de Gap ! Est-ce normal, de la part de votre gouvernement, de traiter ainsi la population ?
On nous dit gentiment et avec ironie que La Poste achemine le courrier trois fois par semaine. Mais n'est-il pas de son devoir de l'acheminer tous les jours de la semaine sur toutes les parcelles du territoire national ? Je pourrais vous citer bien d'autres exemples, monsieur le ministre...
Nous allons devoir panser nos plaies. La situation économique est épouvantable. Nous perdons des emplois. Les entreprises ne peuvent plus ni fournir leurs clients ni se fournir depuis plus de trois semaines. Est-ce que vous savez ce que cela signifie, lorsque plus un centime n'entre dans votre caisse pendant une aussi longue période ? La seule solution est de déclarer cette zone sinistrée au titre des catastrophes naturelles car cette situation est prévue dans les contrats d'assurance.
Vous m'avez répondu, monsieur le ministre, ce qui est un encouragement minimum, que vous aviez demandé au préfet d'approfondir l'analyse de cette situation. Mais le préfet lui-même m'avait affirmé avoir communiqué au ministère de l'intérieur tous les éléments nécessaires pour appuyer cette demande de classement en zone sinistrée !
Je souhaitais vous entendre dire ce matin que le Gouvernement proposerait ce classement demain en conseil des ministres, ce qui aurait, après tant d'angoisse, de douleur et de larmes, mis un peu de baume au coeur de l'ensemble de mes concitoyens du canton de la haute Tinée.
Je regrette profondément que vous ne me répondiez pas précisément et que vous ne m'affirmiez pas, d'ores et déjà, pour rassurer mes concitoyens, que vous êtes prêt à prendre cette décision.
RPR 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O