FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1156  de  M.   Hage Georges ( Communiste - Nord ) QG
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  18/02/1999  page :  1557
Réponse publiée au JO le :  18/02/1999  page :  1557
Rubrique :  risques professionnels
Tête d'analyse :  accidents du travail et maladies professionnelles
Analyse :  lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Georges Hage.
M. Georges Hage. Ma question s'adresse à Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Madame la ministre, réunis à Strasbourg en juin dernier, les médecins du travail ont constaté que l'aménagement du temps de travail provoquait de nouvelles pathologies («Ah, les 35 heures !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qu'aux risques physiques croissants s'ajoutaient désormais les troubles mentaux et psychiques. (Rires sur les mêmes bancs.)
M. Richard Cazenave. Cela se voit !
M. Georges Hage. Cela vous fait rire ! Ils vous auront entendu au moment où se tient à Renault-Douai une conférence de presse sur le sujet.
Ce constat des médecins du travail se vérifie électivement chez Renault, entreprise à 40 % de capitaux d'Etat. En témoignent, dans l'usine de Douai, le nombre d'accidents enregistrés en 1998 - sept fois plus que ceux réellement déclarés - et, nous interpellant d'outre-tombe, vingt et un salariés décédés par cancers, maladies cardio-vasculaires et suicides.
M. Yves Fromion. Il faut privatiser !
M. Georges Hage. Madame la ministre, vous ne pouvez ignorer l'inflexion de cette courbe tragique, non plus que l'ascension sans précédent de la courbe des profits, sous la férule avisée de M. Schweitzer. Renault entend battre tous les records ! Si l'on juge qu'il est urgent de baisser la moyenne d'âge, c'est pour remplacer quatre salariés par une embauche de chair fraîche («Oh !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) que de surcroît on paiera moins !
A Douai, le journal d'entreprise affirme sentencieusement cette tautologie consubstantielle au capitalisme (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants): ...
M. le président. Monsieur Hage, veuillez conclure, je vous prie !
M. Georges Hage. ... la loi des 35 heures ne saurait nuire à la production si l'on consent un effort de productivité. Veut-on supprimer les pauses, le lavage des mains et autres commodités ? Ou encore chasser le malade ?
M. Philippe Briand. Non à la productivité !
M. Georges Hage. «Caves de Lille, on meurt sous vos plafonds de pierres», écrivait il y a 150 ans Victor Hugo dans Les Châtiments. Que n'ai-je son verbe pour dénoncer la mort sur les chaînes de Schweitzer ! Mais ce dernier n'est pas unique en son genre en ce monde capitaliste que nous souffrons encore !
Madame la ministre, vous qui avez en charge le travail et la santé, une commission d'enquête et des mesures appropriées ne s'imposent-elles point pour remédier à cette malédiction du travail ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe communiste.)
M. le président. Les questions de M. Hage sont toujours très intéressantes, mais elles laissent très peu de place à la réponse !
La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, je suis évidemment sensible à votre citation de Victor Hugo puisqu'elle parle des morts de Lille, tués sur les chaînes ou au travail, dans le textile, l'habillement, les mines ou la sidérurgie.
J'ai été très attentive au chiffre rendu public par la CGT en 1998 sur l'usine Renault de Douai. Depuis, nous avons lancé plusieurs enquêtes. L'inspection du travail, en liaison avec le service de prévention de la CNAM, mène actuellement une enquête non seulement sur l'ensemble des accidents du travail, mais également sur les incidents inscrits au registre de l'infirmerie de cette entreprise. A l'initiative du médecin-inspecteur régional, une étude épidémiologique est par ailleurs mise en place avec les médecins du travail et l'institut universitaire de Lille, pour vérifier aussi le taux de mortalité des salariés dans cette usine. Enfin, nous sommes en train d'examiner l'ensemble des cas de maladies professionnelles qui, ces dernières années, ont été déclarés. En attendant les résultats de ces enquêtes, le CHSCT s'est saisi de ces questions, et c'est une bonne chose.
Comme vous le savez, les problèmes d'accidents du travail et d'atteintes à la santé physique et mentale des travailleurs sont au coeur même des préoccupations de mon ministère et de l'action des inspecteurs du travail. Le 25 février, je réunirai le Conseil supérieur de prévention des risques professionnels et je rappellerai à cette occasion les priorités que nous avons fixées pour l'année: contrôle de l'hygiène, de la sécurité et de l'application de la législation sur les conditions de travail dans les entreprises. Car là est la base: le travail ne doit pas tuer, le travail ne doit pas meurtrir sur le plan physique comme sur le plan mental.
Nous avons pris, vous le savez, des mesures pour une meilleure reconnaissance et une meilleure réparation des maladies professionnelles. Mais il est vrai que l'espérance de vie est, en France, très différente selon les catégories socioprofessionnelles. Nous examinerons prochainement le texte sur la couverture maladie universelle. En permettant à tous de se faire soigner et en favorisant la prévention des maladies, notamment les plus graves, dans toutes les catégories sociales, elle représentera certainement un progrès considérable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
COM 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O