FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1172  de  M.   Cathala Laurent ( Socialiste - Val-de-Marne ) QOSD
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  19/06/2000  page :  3607
Réponse publiée au JO le :  21/06/2000  page :  5573
Rubrique :  sécurité publique
Tête d'analyse :  plans de prévention des risques
Analyse :  inondations. application. Créteil
Texte de la QUESTION : M. Laurent Cathala appelle l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences préjudiciables pour l'avenir de Créteil du projet de plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) prescrit par l'arrêté préfectoral du 24 avril 1998 et qui vient de faire l'objet d'une procédure d'enquête publique. Le principe de précaution auquel adhère ce projet ne peut se traduire par une interdiction totale de vivre et de travailler à proximité des fleuves et des rivières qui ont été les lieux privilégiés de l'implantation des hommes depuis les origines. Ainsi, au terme d'une procédure sans réelle concertation préalable, si le projet de PPRI pour Créteil devait être approuvé en l'état, annexé au plan d'occupation des sols, il imposerait de telles contraintes pour cette ville que tout son équilibre et ses possibilités de développement futur s'en trouveraient affectés. En effet, il modifie en profondeur les règles d'urbanisme sans la moindre analyse locale des réalités topographiques, humaines et sociologiques. Ainsi, les îles de la Marne à Créteil, îles Brise-Pain et Sainte-Catherine, classées en zone rouge c'est-à-dire en zone de grand écoulement, deviendraient désormais inconstructibles alors qu'elles sont urbanisées à 98 % de leur surface. Les propriétaires seraient alors dans l'impossibilité de procéder à la reconstruction de leur habitation en cas de sinistre. De plus, ils subiraient un important préjudice du fait de la dévalorisation de leur patrimoine sans qu'aucune compensation ne leur soit apportée. En tout état de cause, des études complémentaires sont indispensables à une meilleure connaissance des risques préalablement à l'adoption du PPRI. Ces études doivent absolument être entreprises par les services de l'Etat. Parallèlement, les services techniques de la ville de Créteil mèneront leurs propres études. Il lui demande donc de suspendre la procédure d'élaboration du PPRI dans l'attente du reclassement de cette zone non pas en zone de grand écoulement mais en zone orange, c'est-à-dire autorisant les reconstructions sur la base de la crue de 1910.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Laurent Cathala a présenté une question, n° 1172, ainsi rédigée:
«M. Laurent Cathala appelle l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur les conséquences préjudiciables pour l'avenir de Créteil du projet de plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) prescrit par l'arrêté préfectoral du 24 avril 1998 et qui vient de faire l'objet d'une procédure d'enquête publique. Le principe de précaution auquel adhère ce projet ne peut se traduire par une interdiction totale de vivre et de travailler à proximité des fleuves et des rivières qui ont été les lieux privilégiés de l'implantation des hommes depuis les origines. Ainsi, au terme d'une procédure sans réelle concertation préalable, si le projet de PPRI pour Créteil devait être approuvé en l'état, annexé au plan d'occupation des sols, il imposerait de telles contraintes pour cette ville que tout son équilibre et ses possibilités de développement futur s'en trouveraient affectés. En effet, il modifie en profondeur les règles d'urbanisme sans la moindre analyse locale des réalités topographiques, humaines et sociologiques. Ainsi, les îles de la Marne à Créteil, îles Brise-Pain et Sainte-Catherine, classées en zone rouge, c'est-à-dire en zone de grand écoulement, deviendraient désormais inconstructibles, alors qu'elles sont urbanisées à 98 % de leur surface. Les propriétaires seraient alors dans l'impossibilité de procéder à la reconstruction de leur habitation en cas de sinistre. De plus, ils subiraient un important préjudice du fait de la dévalorisation de leur patrimoine, sans qu'aucune compensation ne leur soit apportée. En tout état de cause, des études complémentaires sont indispensables à une meilleure connaissance des risques préalablement à l'adoption du PPRI. Ces études doivent absolument être entreprises par les services de l'Etat. Parallèlement, les services techniques de la ville de Créteil mèneront leurs propres études. Il lui demande donc de suspendre la procédure d'élaboration du PPRI dans l'attente du reclassement de cette zone non pas en zone de grand écoulement, mais en zone orange, c'est-à-dire autorisant les reconstructions sur la base de la crue de 1910.»
La parole est à M. Laurent Cathala, pour exposer sa question.
M. Laurent Cathala. Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur le plan de prévention des risques d'inondation dans le département du Val-de-Marne.
J'évoquerai d'abord les conditions d'élaboration de ce plan. En effet, celui-ci s'est fait sans réelle concertation et sans aucune étude technique sérieuse.
Quant aux conséquences de ce plan, elles sont particulièrement graves, tant pour les riverains des îles des bords de Marne que pour les collectivités concernées, notamment la commune de Créteil. En effet, il résulte de ce plan des classements en différentes zones, notamment en zone rouge, c'est-à-dire en zone de grand écoulement de la rivière, alors que cette qualification ne repose sur aucune justification technique.
Dès lors, les riverains de ces îles ne peuvent pas modifier leur patrimoine bâti, que ce soit pour des raisons d'ordre familial, ou tout simplement pour se protéger des risques d'inondation. Le bâti étant figé en l'état, il ne peut que s'ensuivre un dépérissement du secteur et une dévalorisation des biens, ce qui ressemble fort à une spoliation déguisée puisqu'aucune mesure d'indemnisation n'est prévue.
Je dénoncerai également les disparités de traitement qui peuvent exister. En effet, on peut considérer que la zone des crues de la Marne ne se limite pas à quelques secteurs du Val-de-Marne. Il en est de même pour la Seine, et je pense en particulier, à l'île Seguin, dont l'urbanisation fait l'objet d'études importantes - qu'il s'agisse de l'installation d'activités économiques ou de la construction de logements - et qui semble avoir été épargnée par de semblables dispositions. Bref, on ne peut que s'interroger sur les différences de traitement appliquées à des situations égales.
De plus, un plan de prévention des risques d'inondation n'est cohérent que s'il est élaboré à l'échelle régionale ou interrégionale. Du reste, la Cour des comptes a fait observer que la réalisation d'ouvrages en amont coûterait certainement moins cher que l'indemnisation des dommages causés aux biens par des crues.
Tout cela me conduit à poser les questions suivantes: le Gouvernement envisage-t-il d'harmoniser le traitement prévu pour les sites des bords de Marne avec celui appliqué aux autres sites de la région parisienne qui se trouvent dans la même situation ?
S'agissant plus particulièrement de la commune de Créteil, compte-t-il assouplir le plan de prévention des risques, lequel a été rejeté avec force non seulement par les riverains à l'occasion de l'enquête publique mais également par nombre de communes du département ?
Enfin, pouvons-nous espérer que les secteurs en cause soient classés en zone orange, c'est-à-dire en zone autorisant les reconstructions sur la base de la crue du siècle de 1910 et de celle de 1924 ?
Le Gouvernement envisage-t-il d'assouplir le plan de prévention des risques du Val-de-Marne, qui, en l'état, fait une interprétation erronée de la loi Barnier et emporte des conséquences graves tant pour l'environnement que pour la protection des biens et des personnes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Alain Richard, ministre de la défense. Madame la présidente, monsieur le député, il m'a été demandé de remplacer ma collègue Dominique Voynet, qui est retenue ce matin par une réunion interministérielle impérative.
Ma légitimité pour traiter de ce sujet est tout à fait partielle, encore que j'aie été rapporteur de la loi sur les catastrophes naturelles, qui, il y a dix-huit ans, a créé les plans de prévention. La loi Barnier a modifié ces plans par la suite car l'ensemble des acteurs, qu'ils soient du côté de l'Etat ou de celui des collectivités locales, ne s'étaient pas beaucoup dépêchés pour les élaborer, eu égard notamment au fait qu'ils affectaient des intérêts privés.
Monsieur Cathala, je vais vous donner connaissance de la réponse que Mme Voynet m'a transmise.
L'expérience des crues passées, aussi bien en France qu'en Europe, conduit, en matière de prévention des inondations, à privilégier des dispositions d'urbanisme pour développer en priorité les secteurs non inondables et pour maîtriser l'urbanisation en zone inondable. Le seul moyen de protection est en effet d'y construire le moins possible et d'y concevoir les aménagements en fonction des risques de crue. Les actions possibles sur les crues elles-mêmes étant peu efficaces quand celles-ci sont importantes, c'est en limitant la vulnérabilité des constructions que l'on parviendra à un développement vraiment durable.
Il faut rappeler que l'occupation des zones inondables est la principale explication des dommages observés à la suite des inondations. Une étude effectuée par l'Institution interdépartementale des barrages réservoirs du bassin de la Seine a montré qu'une crue analogue à celle observée en 1910 - la crue des cent dernières années que tout le monde prend comme référence - provoquerait en région Ile-de-France des dommages évalués entre 50 et 70 milliards de francs malgré les aménagements réalisés pour limiter les effets des crues. Ces dommages toucheraient principalement les habitations dans les zones de grand écoulement. Le manque de précaution dans le développement de l'Ile-de-France avant les années 90 a donc conduit à exposer plus de 700 000 habitants à des crues centennales.
C'est pour ces raisons que la mise en oeuvre de plans de prévention des risques fait partie des priorités du ministère de l'environnement.
Un plan de prévention des risques naturels a été prescrit le 20 avril 1998 pour les risques d'inondation de la Seine et de la Marne sur vingt-quatre communes du Val-de-Marne. Ce document s'inscrit dans une démarche régionale de prise en compte des risques d'inondation du fait du débordement de la Seine et de la Marne.
Des PPR ont été ainsi prescrits sur l'ensemble des communes riveraines des deux fleuves en région Ile-de-France. D'autres sont également en cours de réalisation en amont, dans le département de l'Yonne, et en aval, dans le département de l'Eure.
Cette approche reflète la mise en place d'une gestion judicieuse du bassin face aux risques d'inondation.
L'élaboration du PPR concernant la Seine et la Marne a fait l'objet d'une concertation avec l'ensemble des communes concernées, d'abord au travers d'une réunion organisée par les services de l'Etat le 15 janvier 1999, puis dans le courant de juillet de l'année passée, par la transmission aux communes d'un avant-projet de plan. Aujourd'hui, la concertation se poursuit, comme le prévoit la procédure légale, par l'organisation d'une enquête publique du 1er au 30 juin, au cours de laquelle chacun pourra s'exprimer.
Vous avez évoqué la situation des îles de la Marne, qui sont classées en zone de grand écoulement et qui deviendraient inconstructibles en application du PPR, alors qu'elles sont fortement urbanisées. Les mesures prévues par le plan visent, en l'espèce, à ne pas aggraver la vulnérabilité des ces îles aux inondations car en cas de crue analogue à celle de 1910, elles seraient recouvertes de deux à trois mètres d'eau. Cette situation n'est pas celle de l'ensemble des îles de la Seine, notamment l'île Séguin qui resterait hors d'eau car elle a été remblayée dans le passé, et cela même dans le cas d'une crue centennale.
Comme vous l'avez indiqué, les mesures envisagées concernant les îles de la Marne peuvent avoir des conséquences sur la valeur des propriétés.
Le législateur a tranché la question d'une éventuelle indemnisation en ne retenant pas l'indemnisation des servitudes d'urbanisme, de même qu'il n'en a pas prévu pour les terrains pouvant être classés dans les zones ND des POS. C'est en l'espèce leurs caractéristiques physiques qui rendent les terrains peu aptes au développement, le plan de prévention des risques ne faisant que rendre objectif un caractère inondable qui devrait de toute manière conduire à refuser les permis de construire par application du code de l'urbanisme.
Cependant, selon l'estimation du ministère de l'environnement, les habitations existantes ne devraient pas subir elles-mêmes de dépréciations, si l'on se réfère aux observations qui ont pu être faites à l'occasion de l'approbation d'autre PPR. En effet, les conséquences d'un affichage du risque sur la valeur vénale des biens sont compensées par l'absence de possibilités nouvelles de construction dans ces secteurs et la rareté qui s'ensuit. Les îles étant bâties à 98 %, la question de la dépréciation des biens bâtis et des terrains non construits devrait, par conséquent, rester marginale. Ce n'est que dans le cas où les habitations viendraient à être fortement dégradées ou détruites que la reconstruction pourrait être interdite par le PPR.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Cathala.
M. Laurent Cathala. Monsieur le ministre, cette réponse ne me satisfait pas.
Dans les secteurs concernés, l'urbanisation est déjà totale, ainsi que vous l'avez reconnu vous-même. Il s'agit donc de préserver la qualité des sites en évitant tout dépérissement. Et l'on sait très bien qu'en figeant le bâti, on induira forcément une dégradation du cadre de vie, indépendamment des conséquences économiques pour les riverains.
Nous prônons tous la mixité urbaine, et certains secteurs de nos villes sont des éléments forts de l'équilibre social. Cet élément doit aussi être pris en compte.
Je souhaite en conséquence que nous puissions poursuivre la discussion et que, en attendant, le plan de prévention des risques d'inondation de la Seine et de la Marne ne soit pas appliqué.
Mme la présidente. La parole est à M. le minsitre.
M. le ministre de la défense. Monsieur Cathala, je transmettrai votre demande à ma collègue ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O