FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1181  de  M.   Kert Christian ( Union pour la démocratie française-Alliance - Bouches-du-Rhône ) QOSD
Ministère interrogé :  éducation nationale
Ministère attributaire :  éducation nationale
Question publiée au JO le :  19/06/2000  page :  3608
Réponse publiée au JO le :  21/06/2000  page :  5581
Rubrique :  santé
Tête d'analyse :  dyslexie et dysphasie
Analyse :  lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Christian Kert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des enfants souffrant de dyslexie ou de l'un des deux autres dysfonctionnements qui lui sont proches : la dysorthographie et la dyscalculie. Parce qu'elle est invisible, la dyslexie est très difficile à repérer ; l'élève est en permanent décalage entre ses aptitudes intellectuelles et ses résultats acquis au prix d'efforts considérables et souvent vains. Ces troubles touchent plus de 4 % de la population et, actuellement, une partie seulement des enfants qui en souffrent sont dépistés et soignés. A la suite de nombreuses rencontres avec des associations de parents et des intervenants auprès de personnes souffrant de ces dysfonctionnements, il a déposé le 9 novembre dernier une proposition de loi (n° 1906) relative au dépistage de la dyslexie et à la formation des personnels enseignants. Dans le même temps un groupe de travail a été mis en place par le Gouvernement sous la direction de Jean-Charles Ringard, inspecteur d'académie. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de faire inscrire sa proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ou de lui donner une suite sous une autre forme, et de prendre en compte les recommandations du rapport Ringard.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Christian Kert a présenté une question, n° 1181, ainsi rédigée:
«M. Christian Kert souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la situation des enfants souffrant de dyslexie ou de l'un des deux autres dysfonctionnements qui lui sont proches : la dysorthographie et la dyscalculie. Parce qu'elle est invisible, la dyslexie est très difficile à repérer; l'élève est en permanent décalage entre ses aptitudes intellectuelles et ses résultats acquis au prix d'efforts considérables et souvent vains. Ces troubles touchent plus de 4 % de la population et, actuellement, une partie seulement des enfants qui en souffrent sont dépistés et soignés. A la suite de nombreuses rencontres avec des associations de parents et des intervenants auprès de personnes souffrant de ces dysfonctionnements, il a déposé le 9 novembre dernier une proposition de loi (n° 1906) relative au dépistage de la dyslexie et à la formation des personnels enseignants. Dans le même temps, un groupe de travail a été mis en place par le Gouvernement sous la direction de Jean-Charles Ringard, inspecteur d'académie. C'est pourquoi il lui demande s'il envisage de faire inscrire sa proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, ou de lui donner une suite sous une autre forme, et de prendre en compte les recommandations du rapport Ringard.»
La parole est à M. Christian Kert, pour exposer sa question.
M. Christian Kert. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ma question est au coeur de l'actualité puisque vous avez présenté ce matin même un plan pour l'enseignement primaire en France, mais je ne sais pas encore si vous y avez évoqué le problème que je souhaite aborder ce matin, celui du dépistage et de la lutte contre la dyslexie dans l'enseignement.
Parce qu'elle est invisible, la dyslexie est très difficile à repérer; l'élève est en permanent décalage entre ses aptitudes intellectuelles et ses résultats, acquis au prix d'efforts considérables et souvent vains. Ces troubles touchent plus de 4 % de la population. Or, actuellement, une petite partie seulement des enfants qui en souffrent sont dépistés et une partie infime est soignée. Leur intégration scolaire est très difficile. Les lieux de diagnostic sont en nombre insuffisant et les enseignants ne sont pas formés à ce dépistage.
Surtout, on constate une pénurie et une profonde inadaptation des structures pour les enfants gravement touchés, près de 1 % de la population enfantine, soit 6 000 enfants par classe d'âge, qui ont besoin de ces structures pendant deux ans au minimum. De fait, les besoins en termes d'information et de formation sont considérables, pour les professionnels de la santé et de l'éducation en tout premier lieu.
A la suite de nombreuses rencontres avec des associations de parents et avec des intervenants auprès des personnes souffrant de ces dysfonctionnements, j'ai déposé, le 9 novembre dernier, une proposition de loi destinée à favoriser le dépistage de la dyslexie et, parallèlement, la formation des personnels enseignants. Dans le même temps, un groupe de travail était mis en place par Mme la ministre de l'enseignement scolaire. La direction en a été alors confiée à l'inspecteur d'académie Jean-CharlesRingard, qui a remis un rapport de 80 pages à Mme Ségolène Royal au mois de janvier. Ce rapport fait d'ailleurs référence à ma proposition de loi, laquelle a été cosignée par près de 130 députés, issus de la plupart des groupes de l'Assemblée.
Monsieur le ministre, tous les éléments semblent aujourd'hui rassemblés pour vous permettre de prendre les dispositions qui s'imposent afin de répondre à l'impatience des parents, qui comprennent mal que l'on n'ait pas encore apporté de réponses concrètes à leurs préoccupations. Ces parents savent bien que, tant que la France ne prendra pas exemple sur d'autres pays européens comme la Hollande, la Belgique, l'Espagne, ou sur des pays plus lointains comme les Etats-Unis ou le Canada, tant qu'elle ne formera pas des enseignants à une pédagogie spécifique adaptée, qui complète la rééducation médicale par orthophonie et psychomotricité, leurs enfants auront moins de chance que d'autres de vaincre leur handicap.
Ma question est donc directe: envisagez-vous de faire inscrire à l'ordre du jour la proposition de loi que j'ai déposée sur le bureau de l'Assemblée, ou comptez-vous, sous une autre forme, donner une suite à cette proposition et aux recommandations du rapport de Jean-Charles Ringard ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, la question de la dyslexie est en effet préoccupante. On peut estimer que près de 4 % des élèves ont des difficultés importantes en lecture et que près de 1 % sont atteints de troubles très sévères du langage oral, dénommés dysphasie. Or les troubles du langage, oral ou écrit, sont souvent la cause d'échecs scolaires qui engendrent chez les enfants et les adolescents des sentiments de dévalorisation, d'anxiété et de culpabilité venant renforcer l'échec scolaire.
C'est aussi une question qui, en France, contrairement à d'autres pays, revêt un caractère passionnel. De sérieuses polémiques ont opposé ces dernières années, d'une part, les tenants d'une approche strictement pédagogique des difficultés d'apprentissage et, d'autre part, les associations de parents, soutenues par certains médecins attachés à ce que le caractère pathologique des troubles du langage soit reconnu.
A défaut d'un consensus scientifique sur l'étiologie de la dyslexie et de la dysphasie, il était urgent d'agir pour améliorer la prise en charge des élèves. C'est pourquoi, à l'automne dernier, Ségolène Royal, alors ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, a confié à Jean-Charles Ringard, inspecteur d'académie, la mission d'animer un groupe de travail sur cette question. Il s'agissait en premier lieu d'élucider le problème posé à l'école, de dresser l'état des réponses existantes et d'élaborer ensuite des recommandations. La méthode retenue a permis d'apaiser les tensions entre les différents partenaires, puis d'obtenir un large consensus autour du rapport et de ses conclusions.
J'ai donc décidé, sur la base des recommandations de ce rapport, et en liaison étroite avec Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux personnes handicapées, de bâtir un plan d'action pour améliorer la scolarisation des élèves dyslexiques et dysphasiques. Plusieurs perspectives d'action sont à l'étude.
Tout d'abord, renforcer, dès l'école maternelle, les pratiques pédagogiques centrées sur l'acquisition de la langue orale - j'en ai parlé ce matin -, celles-ci constituant un mode de prévention pour tous les enfants, y compris ceux présentant un trouble du langage.
Ensuite, mieux repérer, dès les premières années de la scolarité, les troubles naissants. J'ai exposé ce matin quelques propositions à cet égard. Les enseignants, les membres des réseaux d'aide spécialisée et les médecins scolaires doivent être sensibilisés, formés à ce repérage. Pour cela, il leur sera bientôt possible de disposer de batteries d'exercices leur permettant d'évaluer les compétences des enfants.
Il est également nécessaire qu'un diagnostic soit établi plus rapidement et plus sûrement. Ainsi, dans chaque académie, pourrait être créé un réseau-ressources, composé de professionnels de la santé spécialement agréés, travaillant en liaison avec les services de l'éducation nationale.
Enfin, lorsque le trouble du langage est avéré, un projet éducatif personnalisé devra être mis en place. Il permettra de définir et de coordonner les actions pédagogiques, thérapeutiques et éducatives. La prise en charge des enfants pourra s'effectuer, selon la gravité du trouble, au sein d'une classe ordinaire ou dans le cadre d'un pôle d'accueil spécialisé en école ou en collège, ou éventuellement, pour les cas les plus sévères, dans un établissement spécialisé.
Voilà, monsieur le député, les grandes lignes de l'action que je compte entreprendre dès la prochaine rentrée scolaire pour améliorer la scolarisation des élèves dyslexiques et dysphasiques.
Faut-il, comme vous l'avez proposé récemment, légiférer sur cette question ? Je ne le crois pas, compte tenu du calendrier parlementaire. Un texte de loi prendrait du temps et n'apporterait pas de réponse immédiate. Or, vous l'avez dit vous-même, on attend aujourd'hui de l'éducation nationale une action rapide, efficace et coordonnée avec celle du ministère de la santé.
Naturellement, nous nous inspirerons des termes de votre proposition, ainsi que de ce que vous venez de dire à l'instant. Sur le fond, par conséquent, nous nous retrouverons. Sur la forme, il nous faut agir vite et fort, et j'espère qu'à la rentrée prochaine vous pourrez constater vous-même que des changements importants ont été opérés.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert.
M. Christian Kert. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Il faut en effet aller vite, car il y a une véritable impatience. Je vous sais donc gré d'avoir pris en compte le souci des parents et des associations de voir mettre en oeuvre une véritable formation des enseignants au dépistage. Sans doute conviendrait-il aussi d'envisager sous un autre jour les relations entre le monde de l'enseignement et les orthophonistes qui, une fois le dépistage effectué, suivent les enfants et peuvent assurer la thérapie nécessaire.
Cela dit, il ne s'agit pas, j'y insiste, d'un problème de forme. Choisissez la solution qui vous agrée, mais donnez suite à cette revendication des parents d'élèves.
UDF 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O