Question N° :
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Question publiée au JO le :
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Analyse : |
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Texte de la REPONSE : |
«M. Laurent Dominati attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les lacunes de la législation applicable aux établissements des catégories dites sex-shop et peep-show dont les activités sont vouées au commerce ou au spectacle de la pornographie et qui prolifèrent de manière désordonnée dans certaines zones urbaines, entraînant des nuisances nombreuses, des atteintes à la décence publique et à la tranquillité des riverains. Il souligne que la multiplication et la concentration des établissements pornographiques favorisent l'apparition de diverses formes d'infractions, telles que les atteintes à la dignité des personnes, la prostitution, le proxénétisme, le trafic de drogue et le blanchiment de capitaux d'origine douteuse. Il rappelle qu'il a déposé, à deux reprises, une proposition de loi visant, d'une part, à modifier les dispositions de la loi du 30 juillet 1987 pour étendre à 200 mètres le périmètre d'interdiction d'établissements de ce type autour de lieux d'enseignement, de culte ou d'installations fréquentées par la jeunesse et, d'autre part, à en empêcher la création à moins de 75 mètres les uns des autres. Il demande en outre que les dispositions de la loi du 18 mars 1999 soient renforcées vis-à-vis des spectacles de type peep-show afin, par exemple, que les licences actuellement délivrées de manière systématique par les directions régionales des affaires culturelles puissent être subordonnées à la présentation de garanties strictes de moralité de la part des entrepreneurs ou producteurs de spectacles concernés, avec des modalités plus souples de retrait desdites autorisations en cas d'infractions.» La parole est à M. Laurent Dominati, pour exposer sa question. M. Laurent Dominati. Monsieur le ministre de l'intérieur, j'interroge Mme la garde des sceaux sur les lacunes de la loi en ce qui concerne - cela peut prêter à sourire, mais ce n'est en fait pas drôle du tout - les établissements à caractère pornographique. Il existe deux types d'établissements pornographiques: d'une part, les sex-shops et, d'autre part, les peep-shows. Les sex-shops obéissent à une législation qui les assimilent à une librairie. Ils ont quelques contraintes particulières: il leur est interdit de s'établir à moins de cent mètres d'une école, leur accès est interdit aux mineurs et, enfin, ils doivent rendre leurs vitres opaques. Quant aux peep-shows, qui ont proliféré notamment rue Saint-Denis, où ils sont passés d'une vingtaine il y a quelques années à plus de quarante-deux aujourd'hui selon les chiffres des services de la mairie et des services de police, ils sont considérés comme des entreprises de spectacles. A ce titre, ils ne sont pas soumis à l'obligation de s'établir à plus de cent mètres d'une école, mais ils doivent faire l'objet d'une déclaration auprès de la direction régionale des affaires culturelles. S'ils oublient de le faire, cette omission ne donne lieu à aucune sanction; c'est dire qu'ils peuvent s'installer dans une totale liberté. Les services de police et les services de la mairie font ce qu'ils peuvent, c'est-à-dire ce que leur permettent la loi ou les instructions qu'ils reçoivent. Le préfet de police m'a indiqué qu'au cours de l'année passée 111 procès-verbaux avaient été établis, principalement en raison d'affichettes incitant les passants à entrer dans ces établissements. Le préfet de police reconnaît que ces procès-verbaux ne sont que de peu d'utilité compte tenu du montant modique des amendes exigées auprès des gérants des établissements; et, une fois la police passée, comme elle n'a pas le droit de saisir les affichettes, celles-ci sont systématiquement replacées. J'ai déposé une proposition de loi dès 1993. J'étais intervenu auprès du garde des sceaux de l'époque, M. Méhaignerie, ainsi qu'auprès du ministre de l'intérieur. Je suis également intervenu auprès du successeur de M. Méhaignerie, Jacques Toubon, qui m'a indiqué qu'il ferait passer des amendements permettant une meilleure réglementation des sex-shops et des peep-shows lors de la discussion du projet de loi concernant la protection des mineurs. Le Gouvernement auquel vous appartenez a défendu ce projet de loi mais il a rejeté ces différents amendements. J'avais déposé les mêmes amendements lors de la discussion de la loi de 1989, défendue par un gouvernement où siégeaient vos amis et concernant les entreprises de spectacles: je proposais de soumettre les entrepreneurs des «spectacles vivants» que sont les peep-shows à des contraintes particulières et de faciliter les retraits d'autorisation. Il est vrai, monsieur le ministre, que vos services sont confrontés à un problème: les gérants changent constamment et on n'arrive jamais à savoir qui est vraiment derrière eux. Je me retourne vers vous car je crois savoir que vous êtes vous-même saisi par le préfet de police et les services de la chancellerie des difficultés dues à l'incapacité de la législation actuelle à freiner véritablement l'expansion de ce type de commerce. Or celui-ci n'est pas seulement nuisible aux habitants de la rue Saint-Denis et du quartier environnant: il est nuisible aux enfants qui vont à l'école de la rue Saint-Denis comme à ceux qui vont à la crèche. Il est scandaleux de constater qu'une rue se spécialise dans ce type de commerce, à l'exception de tout autre; en quelques années, je le rappelle, le nombre de ces établissements y a doublé. Mais il ne s'agit pas seulement de cela: ce type de commerce entraîne, aux dires des services de police, d'autres délits extrêmement graves qui nuisent à tout le quartier. Le commissaire du 2e arrondissement considère que ce sont ces établissements qui augmentent la dangerosité du quartier, avec le trafic de drogue et ce que j'appellerai le proxénétisme, bien que, à ma connaissance une seule action ait été engagée pour proxénétisme dans cette rue; c'est dire à quel point la tâche des services de police et de la justice est difficile ! N'identifier qu'une seule action de proxénétisme dans le quartier, il faut le faire ! Mais sans doute les services concernés ne peuvent-ils pas agir autrement en raison de la loi. J'ajoute que les cassettes qui sont vendues dans ces établissements font, du fait des imperfections récentes du code pénal, admettre comme tout à fait normales des pratiques sadomasochistes, mais aussi zoophiles et même pédophiles. Il y a là une source de blanchiment, de commerce de drogue, de proxénétisme, de pédophilie, qui est concentrée dans un seul quartier, où la pratique du prête-nom est constante. Monsieur le ministre, que peut-on faire ? Que fait-on ? Une coordination des riverains s'est constituée. Certains proposent carrément de filmer la rue Saint-Denis afin de dissuader le chaland qui passe. On a, en effet, le sentiment d'une totale impunité de ceux qui sont là et de ceux qui profitent du système. J'ai donc écrit à Mme la garde des sceaux, qui ne pourra me répondre elle-même aujourd'hui. Mais vous, monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes au banc du Gouvernement et je m'en réjouis. Je vous ai écrit à vous aussi, comme à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité car il semble qu'il n'y ait pas de législation concernant les «artistes» des peep-shows. J'ai également écrit à Mme la ministre de la culture, qui a la tutelle des entreprises de spectacles. Je suis un peu désespéré car j'avais eu l'espoir d'aboutir au bout de quatre années sous la précédente majorité. Et, depuis presque trois ans, j'espère pouvoir aboutir avec vous. Nous arriverons peut-être, au bout de dix ans, à mettre sur pied une législation en ce domaine. Mes questions seront assez simples. Quel avenir le Gouvernement compte-t-il réserver à la proposition de loi que j'ai redéposée cette année, fort du soutien de plus de quarante députés ? Avez-vous l'intention de déposer un projet de loi sur la question, car je ne vous demande pas de reprendre ma proposition de loi ? Si vous ne comptez pas déposer un texte, quelle action de type interministériel comptez-vous développer pour mettre fin à ce que l'on doit appeler le «scandale de la rue Saint-Denis» ? Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, Mme Guigou m'a prié de vous transmettre ses excuses. Retenue par des obligations impérieuses, elle m'a demandé de répondre à la question que vous lui avez posée. Le Gouvernement comprend votre souhait d'éviter la prolifération des sex-shops ou des commerces de nature voisine, tels que les peep-shows, surtout si, par leur manque de discrétion, ces commerces constituent une véritable agression pour les riverains et les passants. Je rappelle qu'il existe un certain nombre de dispositions législatives et réglementaires qui permettent d'ores et déjà de sanctionner les nuisances que ce type de commerce peut engendrer. Il s'agit tout d'abord de l'article 227-24 du code pénal, qui punit d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 200 000 francs d'amende notamment le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, un message à caractère pornographique lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur. Pour ne pas encourir de poursuites, les personnes qui tiennent ces commerces doivent veiller, d'une part, à ce que les précautions suffisantes soient prises pour éviter qu'un mineur n'entre dans les établissements et, d'autre part, à ce qu'aucun message pornographique ne soit visible par les passants, parmi lesquels peut toujours se trouver un mineur. Cette base légale permet des interventions pouvant aboutir à des peines très lourdes. Les vitrines de ces officines doivent donc présenter une apparence très discrète. La contravention de quatrième classe prévue par l'article R. 624-2 du code pénal, qui sanctionne le fait de diffuser sur la voie publique des messages contraires à la décence, permet également de limiter le caractère choquant que peuvent présenter les vitrines de ces commerces. Enfin, la loi du 30 juillet 1987, que vous avez évoquée dans le texte de votre question, instaure un périmètre de sécurité en interdisant l'installation de commerces de publications interdites aux mineurs à moins de cent mètres des établissements d'enseignement. Par ailleurs, les infractions que vous avez mentionnées et qui peuvent accompagner l'installation de ces commerces sont poursuivies en tant que telles - insuffisamment, selon vous, comme en témoigne la multiplication des peep-shows. Faut-il pour autant renforcer encore la législation, comme vous le proposez, par l'extension du périmètre de sécurité, l'interdiction d'installations trop rapprochées et la création de conditions spécifiques pour l'octroi de la licence d'exploitation de spectacle lorsqu'il s'agit de spectacles pornographiques ? Ces propositions font l'objet d'un examen plus approfondi par le Gouvernement. Sans être hostile par principe à un durcissement de la législation, Mme Guigou considère que de telles dispositions ne feraient que déplacer géographiquement le problème, plutôt qu'elles ne diminueraient véritablement les nuisances produites par ces activités. Votre proposition de loi date de 1993. Il s'est donc passé quatre ans sans que, avec la précédente majorité, vous ayez pu aboutir. Quant au gouvernement actuel, il n'exclut pas de modifier la législation en ce qui concerne notamment les peep-shows. Je me propose d'intervenir auprès de Mme Tasca, puisque c'est son ministère, par l'intermédiaire des directions régionales de l'action culturelle, qui délivre les autorisations, pour qu'une politique plus restrictive soit conduite et pour que la législation existante soit plus strictement appliquée, y compris la législation du travail, de telle sorte que les désagréments subis par les riverains et les risques de création de nids de délinquance autour de ces commerces soient combattus. J'ajoute, monsieur le député, que, si un certain nombre de cassettes vendues par ces établissements comportent des séquences de caractère clairement pédophile, le problème n'est pas de légiférer car la loi existe, et il convient de la faire appliquer. Il faut donc porter ces éléments à la connaissance de la police, qui fera le nécessaire pour que la justice soit saisie et puisse sévir comme il se doit. Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Dominati. M. Laurent Dominati. Je suis extrêmement déçu de cette réponse, monsieur le ministre. Très sincèrement, une telle question n'a pas à être débattue en opposant majorité et opposition. Pour des raisons de bon sens, elle devrait intéresser - si je puis dire - et choquer tout le monde. Vous m'avez parlé du code pénal et des peines très sévères qu'il prévoit. Mais indiquez-moi un seul exemple où ces dispositions aient été appliquées à un commerce de la rue Saint-Denis ! Vous évoquez les interdictions visant les mineurs. Certes, il est arrivé une fois qu'un gérant soit pris en flagrant délit pour avoir laissé entrer un mineur. Il a été puni d'une amende, mais aucune suite n'a été donnée par le Parquet. Vous ne pouvez donc pas me répondre que les peines sont très sévères. Vous ne pouvez pas non plus prétendre que l'apposition d'affichettes est sévèrement sanctionnée par la loi. Le préfet, que j'ai cité de mémoire, m'a dit lui-même que, de toute façon, cela ne servait à rien. Vous ne pouvez pas prétendre qu'il n'y a pas de cassettes zoophiles, pédophiles ou autres en vente dans ces commerces, car vos services savent fort bien qu'il y en a. Si vous ne m'écoutez pas, si vous n'écoutez pas les riverains, monsieur le ministre de l'intérieur, je vous demande au moins, car vous êtes aussi concerné que le garde des sceaux par cette question, d'écouter vos commissaires et le préfet de police. Vous ne pouvez pas laisser au coeur de Paris perdurer un sentiment de non-droit s'agissant de sujets aussi sensibles, qui concernent non seulement les bonnes moeurs et la morale mais intéressent aussi les mineurs. Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je ne suis pas un habitué de la rue Saint-Denis. (Sourires.) Je ne peux donc pas porter un jugement par moi-même. Quant aux éléments de réponse que je vous ai donnés, ils correspondent aux informations fournies par la Chancellerie. Une loi existe; elle prévoit des peines sévères. M. Laurent Dominati. Pas dans ce cas-là ! M. le ministre de l'intérieur. Ce n'est pas au ministre de l'intérieur de se substituer aux instances judiciaires, qui doivent appliquer la loi. La police recevra, croyez-moi, des instructions pour renforcer les contrôles et déférer à la justice ceux qui tombent sous le coup de la loi; mais le problème que vous posez dépasse ma compétence. |