FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 11946  de  M.   Yamgnane Kofi ( Socialiste - Finistère ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  23/03/1998  page :  1545
Réponse publiée au JO le :  11/05/1998  page :  2646
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Irak
Analyse :  embargo. attitude de la France
Texte de la QUESTION : M. Kofi Yamgnane attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur le bien-fondé d'un maintien de l'embargo instauré suite à la guerre du Golfe. Le 6 août 1990 a été votée, par le Conseil de sécurité de l'ONU, à l'encontre de l'Irak, la résolution n° 661 mettant en place l'embargo le plus sévère adopté depuis 1945. Fin septembre 1990, ce dispositif était complété d'un embargo aérien, d'un renforcement des mesures navales ainsi que de sanctions contre les pays qui tenteraient de contourner ces règles. En août 1991, l'Irak, qui a alors évacué le Koweit, se voit imposer la résolution n° 712 qui lie la vente du pétrole irakien à l'achat de vivres. La résolution pétrole contre nourriture du 14 avril 1993, qui assouplit la mesure de 1991, est également refusée par l'Irak qui y voit une atteinte à sa souveraineté. Cette résolution 986 trouve à s'appliquer suite à un accord intervenu en mai 1996, accord visant à soulager les souffrances de la population irakienne. Le 20 février 1998, le Conseil de sécurité augmente, à l'unanimité, le quota semestriel d'exportation de pétrole. Les conséquences de l'embargo, après huit années d'instauration, ont essentiellement été néfastes pour la population irakienne. Un système de rationnement a été mis en place qui, à défaut de famine, a entraîné une malnutrition générale dans le pays. L'absence totale, puis partielle de médicaments a créé une situation sanitaire catastrophique : mortalité infantile en constante augmentation, réduction de l'espérance de vie, épidémies de toutes natures... Politiquement, l'embargo ne semble pas avoir, par contre, gêné véritablement Saddam Hussein, renforçant son statut de victime aux yeux des opinions arabes, y compris irakienne. La « satanisation » dont il est victime de la part des autorités américaines, et qui s'explique sans doute plus par des nécessités de politique intérieure que par des raisons véritablement stratégiques, ne semble pas, ainsi que l'ont encore démontré les récents événements liés au démantèlement des armes chimiques, devoir apporter plus de résultats en termes de paix. Paradoxalement, l'image de Saddam Hussein profite de l'embargo. La France, grâce aux récentes initiatives diplomatiques du Président de la République et du Gouvernement en faveur de la paix, occupe désormais une place de choix quant à la recherche d'une sortie possible à cet état de crise internationale. Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser si la France envisage d'intervenir auprès du Conseil de sécurité afin de procéder à une levée de l'embargo contre le respect par l'Irak des engagements récemment réaffirmés. Ne pouvant entraîner la chute de Saddam Hussein, seul le peuple irakien supporte, dans les faits, cette mesure, il s'avère nettement souhaitable que en plus de ne pas frapper la bonne cible, ces sanctions ne contribuent pas à renforcer la position du chef de l'Etat irakien.
Texte de la REPONSE : Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, au lendemain de la guerre du Golfe, la résolution 687 (1991), qui fixe les termes du cessez-le-feu, ainsi que les conditions de la levée des sanctions qui pèsent sur l'Iraq. Ce texte prévoit, à son paragraphe 22, que l'embargo pétrolier ne pourra être levé qu'une fois que la Commission spéciale des Nations unies et l'Agence internationale de l'énergie atomique auront constaté qu'il n'y a plus d'armes de destruction massive dans ce pays. Sept années après l'entrée en vigueur de cette résolution, l'Iraq ne s'est toujours pas pleinement conformé à ses obligations internationales et, à ce stade, ce constat n'a pu être fait. En effet, les déclarations iraquiennes relatives aux programmes d'armements chimiques et biologiques présentent encore de grandes lacunes. Cela étant, des progrès considérables ont été accomplis, en particulier sur les volets nucléaire et balistique. La France considère que le Conseil de sécurité devrait reconnaître ces progrès, afin d'encourager l'Iraq à accélérer sa collaboration avec la Commission spéciale. Ce processus, prévu par les résolutions, est la seule voie menant à la levée de l'embargo pétrolier qui pèse sur ce pays. Comme l'honorable parlementaire le rappelle, la France a joué un rôle important dans le dénouement de la crise des sites présidentiels au mois de février dernier. Les initiatives diplomatiques qu'elle a prises et qui ont finalement prévalu étaient toutes fondées sur les résolutions du Conseil de sécurité et prenaient en compte le respect de la souveraineté et de la dignité de l'Iraq. L'accord du 23 février, signé par M. Kofi Annan et M. Tareq Aziz, reflète cet équilibre. La France, à ce stade, se réjouit de ces développements positifs. Fidèle à sa position respectueuse du droit et soucieuse de justice et d'équilibre, elle continuera de faire valoir ses vues au Conseil de sécurité et d'appeler les autorités iraquiennes à collaborer davantage avec les inspecteurs de la Commission spéciale. Dès lors que l'Iraq se sera conformé à toutes ses obligations en matière d'élimination des armes de destruction massive, le paragraphe 22 de la résolution 687 devra être appliqué. La France, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, y veillera. La France reste néanmoins vivement préoccupée par la situation humanitaire en Iraq, dont l'honorable parlementaire souligne à juste titre la gravité. Elle n'a pas ménagé ses efforts pour améliorer le dispositif « pétrole contre nourriture » et permettre, par l'adoption de la résolution 1153, d'augmenter le plafond des ventes de pétroles autorisées de 2 à 5,2 milliards de dollars par semestre. Cette réforme devrait permettre de prévenir une aggravation de la situation dans laquelle se trouve la population iraquienne. La France a particulièrement insisté sur la nécessité pour l'Iraq d'être autorisé à réhabiliter les écoles et les hôpitaux, à importer des pièces de rechange pour les équipements pétroliers et électriques ainsi que les réseaux d'aduction d'eau, afin de stopper la dégradation d'infrastructures vitales pour l'économie et la société iraquiennes. Pour autant, le mécanisme provisoire institué par la résolution 986 ne saurait se substituer à la levée de l'embargo pétrolier, qui interviendra lorsque les conditions précisées précédemment seront pleinement remplies par le gouvernement iraquien.
SOC 11 REP_PUB Bretagne O