Texte de la QUESTION :
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M. Marc-Philippe Daubresse attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur l'inquiétude des maîtres contractuels exerçant dans les établissements d'enseignement privés sous contrat avec l'Etat. Ces établissements sont aujourd'hui pour la plupart d'entre eux véritablement associés au service public d'enseignement. Tenus d'accueillir tous les jeunes sans distinction, leurs enseignants ambitionnent de jouer leur rôle, à la place qui est la leur, dans la mise en oeuvre de la politique éducative de la nation. Or certaines interprétations jurisprudentielles récentes risquent de remettre en cause ce choix politique. La loi du 31 décembre 1959 modifiée (dite loi Debré) a offert aux établissements d'enseignement privés de passer avec l'Etat, selon le cas, un contrat simple ou d'association. Cette même loi a prévu que deux catégories de maîtres peuvent enseigner dans les établissements sous contrat d'association : soit des maîtres titulaires de la fonction publique ; soit des maîtres ayant passé un contrat avec l'Etat. La situation de ces derniers a fait, au cours des années, l'objet d'interprétations divergentes puisque : pour le Conseil d'Etat « un maître contractuel d'un établissement privé lié à l'Etat par contrat d'association n'exerce pas une activité privée mais est un agent public » (CE, 26 juin 1987, arrêt Lelièvre) ; pour la Cour de cassation « le maître au service d'un établissement privé sous contrat d'association se trouve placé sous la subordination et l'autorité du chef d'établissement qui le dirige et le contrôle » (Cass., ass. plén.. 20-12-1991, Mme Bailly c/ Association union des familles de l'Avalonnais). Or il se trouve qu'actuellement on peut constater que c'est l'interprétation de la Cour de cassation qui s'impose progressivement, ce qui ne va pas sans poser de questions. En effet, ces décisions, en particulier celles émanant de la Cour de cassation, conduisent à considérer que l'employeur des maîtres est l'établissement et non l'Etat. Cela a été en particulier le cas pour le paiement des heures de délégation des élus délégués du personnel ou au comité d'entreprise ainsi que pour le versement de l'indemnité de départ en retraite (IDR) aux maîtres contractuels. Ainsi, alors que la loi du 31 décembre 1959 avait clairement distingué les maîtres agréés (qui enseignent dans les classes sous contrat simple et sont de droit privé) des maîtres contractuels (qui enseignent dans les classes sous contrat d'association et sont de droit public), cette distinction est progressivement remise en cause, les décisions de la Cour de cassation tendant à faire de tous les maîtres (à l'exception des fonctionnaires) exerçant dans un établissement privé sous contrat des salariés de droit privé. Il y a là une transformation fondamentale de la volonté du législateur qui ne peut être sans conséquence sur l'association même de ces établissements au service public d'éducation et, en particulier, sur leur nécessaire ouverture à tous les jeunes. Aussi, la majorité des enseignants des établissements privés sous contrat, consciente du risque de « privatisation » qui pèse ainsi sur elle, réclame un « statut de droit public » qui réaffirme clairement le rôle et la place de l'Etat employeur, et leur permette d'exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles au service de tous les jeunes dans le cadre d'une véritable association au service public d'éducation. Le Gouvernement semble avoir fait le choix de s'abriter aujourd'hui derrière ce qu'il estime être la stricte application de la loi et persiste à ignorer ces revendications. Il souhaiterait connaître les projets sur cette question afin de rassurer ces personnels méritants, d'autant qu'il est possible de clarifier, par voie législative et réglementaire, la situation des enseignants contractuels et de réaffirmer que seul l'Etat est leur employeur.
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Texte de la REPONSE :
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La situation juridique des maîtres contractuels des établissements d'enseignement privés est complexe et fait l'objet d'une concertation permanente entre le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et les organisations représentatives des établissements d'enseignement privés sous contrat et de leurs maîtres. En effet, alors que la nature du contrat d'enseignement passé avec l'autorité académique n'a pas été définie par la loi Debré sur les rapports entre l'Etat et les établissements d'enseignement privés et ses textes d'application, la jurisprudence a reconnu un caractère administratif à ce contrat, ces maîtres constituant une catégorie particulière d'agents publics et la convention passée entre un maître contractuel et l'autorité académique étant qualifiée de contrat de droit public. Toutefois, les tribunaux judiciaires se sont reconnus compétents pour connaître des différends liés à la relation de travail avec le chef d'établissement. Tel a été le cas, en effet, pour le paiement des heures de délégation des représentants du personnel et pour le versement de l'indemnité de départ à la retraite. Dans ces deux situations, les tribunaux civils ont estimé que le code du travail devait s'appliquer, alors même que dans le premier cas les maîtres bénéficiaient déjà du régime de décharges syndicales applicable dans l'enseignement public, au titre du principe de parité énoncé dans l'article 15 de la loi Debré, introduit par la loi n° 77-1285 du 25 novembre 1977. Ces faits ne remettent toutefois pas en cause le principe de parité ni aucun terme de l'article 15 précité, qui dispose que les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables aux maîtres contractuels ou agréés, justifiant du même niveau de formation, de l'enseignement privé. Ces dispositions ont été mises en oeuvre notamment par l'intervention des décrets n°s 78-252 du 8 mars 1978 et 80-7 du 2 janvier 1980. C'est d'ailleurs en se fondant sur ce principe que le Conseil d'Etat a confirmé que le paiement de l'indemnité de départ à la retraite, qui ne constitue ni une charge sociale obligatoire ni un élément de rémunération susceptible d'être attribué aux maîtres de l'enseignement public, ne devait pas être mis à la charge de l'Etat. Le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ne souhaite pas modifier les équilibres issus de quarante ans d'application de la loi Debré. Il n'en restera pas moins attentif aux propositions des organisations représentatives des établissements d'enseignement privés sous contrat et de leurs maîtres, sous réserve qu'elles se situent dans le cadre de ces équilibres et que, susceptibles de recueillir un large consensus, elles contribuent au renforcement de la paix scolaire à laquelle le Gouvernement est attaché.
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