FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1205  de  Mme   Ameline Nicole ( Démocratie libérale et indépendants - Calvados ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  02/10/2000  page :  5554
Réponse publiée au JO le :  04/10/2000  page :  6303
Rubrique :  aquaculture et pêche professionnelle
Tête d'analyse :  marins pêcheurs
Analyse :  aides de l'Etat
Texte de la QUESTION : Mme Nicole Ameline souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la mise en place du dispositif adopté en faveur des marins-pêcheurs, à la suite de l'augmentation importante du coût du carburant ces derniers mois. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser les modalités pratiques et le calendrier des dispositions qu'il a annoncées et notamment leur application précise sur le terrain, en tenant compte des situations locales spécifiques des petits ports côtiers comme ceux de Trouville-sur-Mer et Honfleur. Au moment où l'estuaire de la Seine connaît de fortes mutations économiques et environnementales, avec l'émergence de Port 2000, au moment où, par ailleurs, les risques encourus par cette profession sont malheureusement renforcés par des possibilités limitées de renouvellement de la flottille, dues aux contraintes communautaires, une analyse fine et précise des intérêts de ces ports lui paraît nécessaire. Elle souhaite donc connaître sa position sur les solutions à apporter aux difficultés conjoncturelles rencontrées par ces marins-pêcheurs et, au-delà, sur les propositions que le Gouvernement souhaite avancer en matière de sécurité maritime ou d'organisation des filières, à l'issue de la présidence française de l'Union européenne.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. Mme Nicole Ameline a présenté une question, n° 1205, ainsi rédigé:
«Mme Nicole Ameline souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la mise en place du dispositif adopté en faveur des marins-pêcheurs, à la suite de l'augmentation importante du coût du carburant ces derniers mois. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser les modalités pratiques et le calendrier des dispositions qu'il a annoncées et notamment leur application précise sur le terrain, en tenant compte des situations locales spécifiques des petits ports côtiers comme ceux de Trouville-sur-Mer et Honfleur. Au moment où l'estuaire de la Seine connaît de fortes mutations économiques et environnementales, avec l'émergence de Port 2000, au moment où, par ailleurs, les risques encourus par cette profession sont malheureusement renforcés par des possibilités limitées de renouvellement de la flottille, dues aux contraintes communautaires, une analyse fine et précise des intérêts de ces ports lui paraît nécessaire. Elle souhaite donc connaître sa position sur les solutions à apporter aux difficultés conjoncturelles rencontrées par ces marins-pêcheurs et, au-delà, sur les propositions que le Gouvernement souhaite avancer en matière de sécurité maritime ou d'organisation des filières, à l'issue de la présidence française de l'Union européenne.»
La parole est à Mme Nicole Ameline, pour exposer sa question.
Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre de l'agriculture, je souhaiterais attirer votre attention sur la mise en place du dispositif adopté en faveur des marins pêcheurs à la suite de l'augmentation importante du coût du carburant que nous avons pu constater ces derniers mois.
Je vous remercie de me préciser les modalités pratiques ainsi que le calendrier des dispositions annoncées et leur application sur le terrain, en tenant compte des situations locales spécifiques et diversifiées des petits ports côtiers comme ceux de Trouville ou de Honfleur, qui disposent déjà de statuts un peu spéciaux et s'interrogent donc sur le bénéfice de ces aides.
Je pose cette question dans un contexte très particulier que vous connaissez, qui est la transformation de l'estuaire de la Seine.
Nous avons déjà évoqué ensemble ces questions. Des mutations économiques importantes vont intervenir avec Port 2000, des modifications environnementales, et je profite de l'arrivée de M. le ministre des transports pour souligner que la commision d'enquête de Port 2000 vient de rendre un rapport qui ne nous paraît pas acceptable pour l'environnement. L'avenir de la pêche dans ce secteur est menacé et les conclusions de l'enquête font état d'une sorte de mépris assez souverain sur les interrogations légitimes des acteurs économiques de ce secteur ainsi que des élus en matière de pollution et de protection de la ressource halieutique. Je m'étonne d'ailleurs qu'il y ait un tel décalage par rapport à l'état d'esprit qui était le nôtre dans cette rive gauche de l'estuaire au départ, un esprit de collaboration.
Je reviens très directement à la pêche. Dans ce contexte local, dans le contexte européen qui, inutile de vous le rappeler, limite singulièrement les capacités de renouvellement de la flotille de pêche, il me paraît essentiel qu'il y ait un regard spécifique sur cette petite pêche côtière qui est l'un des aspects importants de notre filière économique régionale et qui s'interroge beaucoup sur son avenir. Je voudrais également situer cette question dans le cadre de la présidence française car la sécurité maritime, et l'approfondissement de notre filière de pêche me paraissaient être aussi un objectif de la présidence française. Quel est votre sentiment sur cette question ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame la députée, je répondrai pour l'essentiel évidemment à votre question concernant la pêche mais puisque mon collègue et ami Jean-Claude Gayssot est présent, vous savez que vous aurez près de lui toutes les réponses nécessaires aussi bien sur Port 2000 que sur les problèmes de sécurité maritime, qui sont des sujets qui le préoccupent au quotidien.
Je profite simplement de votre question pour dire, au nom du Gouvernement, mon émotion devant le drame qui a frappé la pêche française ce week-end, un chalutier de Lorient de trente-huit mètres, l'An Orient, ayant sombré à quatre-vingt-dix milles à l'ouest de l'Irlande dans des conditions sur lesquelles le BEA-mer a ouvert une enquête. Il y avait onze personnes à bord. L'une d'elles au moins est morte, puisqu'elle a été vue par les trois survivants que nous avons pu recueillir grâce à l'intervention efficace des autorités irlandaises, et il y a sept disparus. Ce drame bouleverse évidemment l'ensemble du secteur de la pêche. Le Gouvernement a transmis à la famille de celui qui est décédé ses condoléances les plus chaleureuses et à celles qui vivent dans l'angoisse, les familles des disparus, l'assurance que toutes les recherches sont entreprises. Nous avons nous-mêmes délégué un avion sur la zone pour coopérer avec les autorités irlandaises.
J'en viens aux difficultés que vous soulignez, c'est-à-dire l'influence sur le secteur de la pêche de la hausse du prix du carburant, qui a eu évidemment, en termes d'alourdissement des charges, des conséquences d'autant plus dommageables qu'elle prenait la suite des dégâts provoqués par la tempête et la marée noire, lourd tribut payé par ce secteur dans les mois précédents.
J'en profite pour vous dire que je suis heureux que vous posiez cette question, d'autant que j'ai entendu un responsable de l'opposition, certes pas de votre groupe, dire qu'en matière de pêche le Gouvernement avait cédé trop et trop vite. Je souhaite donc que le président du groupe UDF - puisqu'il s'agit de lui -, qui a fait cette déclaration fracassante, explique aux pêcheurs de France ce qu'il fallait faire ou ne pas faire pour les soutenir, car je considère que le Gouvernement a fait son devoir pour un secteur qui dépendait le plus de cette hausse du prix du carburant. Quand les chalutiers consomment 2 000 litres d'essence par jour, 12 000 litres par semaine, comme c'est le cas d'un grand nombre d'entre eux, ce qui est d'ailleurs sans doute excessif et nous amènera à revoir l'état de dépendance de ce secteur par rapport au carburant, c'est l'économie même de la pêche qui était en cause et l'équilibre même de ces entreprises de pêche qui était menacé, au point même que des armements avaient décidé de ne plus envoyer leurs bateaux en mer pour ne pas pêcher à perte, si j'ose dire.
Je pense donc que nous avons fait notre devoir pour aider ce secteur de la pêche.
Dès le mois d'avril, d'ailleurs, nous avions complété le dispositif mis en place le 12 janvier en faveur des victimes de la tempête et du naufrage de l'Erika, et affecté 75 millions de francs supplémentaires. Arrêté dans le cadre d'une étroite concertation menée avec les professionnels sous l'égide du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, ce dispositif a consisté en la prise en charge par l'Etat de 50 % des charges salariales et patronales acquittées par les pêcheurs pendant trois mois.
Puis, face à la persistance des difficultés rencontrées par les entreprises, c'est-à-dire face à la montée continue du prix du carburant au printemps, nous avions décidé de reconduire cette mesure pour une nouvelle période de trois mois à compter du mois de juillet.
A la fin du mois d'août, la situation du secteur a connu une nouvelle dégradation avec une hausse très sévère et sans précédent du prix du carburant.
La gravité de cette évolution et ses conséquences pour le secteur ont conduit le Gouvernement à décider très rapidement de mettre en place un plan global pour la pêche permettant de compenser la hausse des coûts et de les ramener à un niveau supportable pour l'équilibre des entreprises que nous avons défini avec les professionnels.
Vous savez que le gazole vendu aux pêcheurs bénéficie d'une totale détaxation, ce qui fait fi de nombreuses querelles. On nous explique, en effet, que la hausse du prix du carburant pèse sur les Français de manière insupportable à cause des taxes et des impôts. Or c'est dans le domaine où il n'y a aucune taxe que le secteur économique est le plus menacé. C'est donc le prix du brut qui pèse d'abord et avant tout sur le pouvoir d'achat des Français !
Le gazole vendu aux pêcheurs bénéficiant d'une totale détaxation, il a été décidé de mettre en oeuvre une aide des pouvoirs publics grâce à un allégement partiel ou total des charges sociales et portuaires. Les modalités en ont été arrêtées en étroite concertation avec la représentation professionnelle afin de tenir compte de la sévérité des difficultés rencontrées par les différentes flottilles.
Ce dipositif comporte deux volets.
Le premier est un allégement des charges sociales dues à l'Etablissement national des invalides de la marine et à la caisse d'allocations familiales, à un taux compris entre 50 % et 100 % selon une typologie des navires définie par les professionnels pour refléter le niveau relatif de leurs charges, c'est-à-dire en fonction de leur dépendance au carburant. Dans ce cadre, la situation des petits navires côtiers a fait l'objet d'un traitement adapté auquel a souscrit la représentation professionnelle. Cette mesure est effective à compter du 1er septembre et sera même appliquée rétroactivement au 1er juillet pour les allocations familiales.
Le second volet consiste en la prise en charge, pendant une année, de la redevance d'équipement des ports de pêche acquittée par les pêcheurs. Par ailleurs, et pour les catégories de navires les plus fragilisées par la hausse du prix du carburant, les pêcheurs sont exonérés de tout ou partie de la taxe de criée qu'ils payent normalement sur les produits vendus.
Je sais qu'il existe une grande diversité de situations dans les différents ports du littoral. Nous avons essayé de répondre au mieux à l'ensemble des problèmes posés tout en évitant qu'un excès de complexité ne conduise à retarder la mise en oeuvre de ces mesures dans le contexte d'urgence que nous connaissons.
J'ai souhaité par ailleurs que les collectivités puissent apporter des réponses adaptées dans des situations locales très spécifiques que ne permettrait pas d'appréhender totalement le plan global décidé par le Gouvernement. Certaines y ont répondu, d'autres pas encore. J'espère qu'elles y viendront.
Enfin, vous avez raison de souligner que ce problème est général à toute l'Europe et appelle, pour le moins, une réflexion communautaire.
C'est en ce sens que, dès le début du mois de septembre, j'ai interpellé le commissaire et mes collègues européens afin que les problèmes rencontrées par l'ensemble de la pêche communautaire soient examinés et que des solutions communes soient explorées afin de restaurer la compétitivité des entreprises de pêche.
Dans le cadre de notre présidence, nous avons très rapidement pris l'initiative d'organiser une réunion qui a permis de dresser un état des difficultés rencontrées partout sans exception sur le littoral communautaire et d'interpeller ainsi la Commission européenne sur la gravité d'une situation devenue globale.
Tel est, madame la député, l'ensemble des mesures que nous avons prises. Je crois que le secteur de la pêche était menacé dans son équilibre et même dans son existence. Nous avons pris des mesures le plus vite possible, dès le début de la crise, en montant en régime au fur et à mesure de la montée du prix du carburant. La réaction du monde professionnel, qui non seulement a approuvé ce plan mais a participé largement à son élaboration et à son application, montre que le Gouvernement a répondu à son attente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Ameline.
Mme Nicole Ameline. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces indications. Je prends acte que les ports et particulièrement les plus petits d'entre eux, qui ne sont pas les moins importants, font partie de vos préoccupations.
Sur les questions européennes, je me permets de souligner que la subsidiarité s'imposerait beaucoup plus qu'elle n'existe aujourd'hui.
Je termine mon propos en revenant un instant sur l'estuaire de la Seine et sur Port 2000: un projet économique que nous soutenons tous ne peut se faire au détriment d'activités traditionnelles et vitales, et je vous demande instamment de regarder particulièrement ce problème de la disparition de la ressource.
DL 11 REP_PUB Basse-Normandie O