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DEBAT : |
Mme Marie-Hélène Aubert. Monsieur le Premier ministre, pendant dix ans, la communauté internationale n'a pas envoyé de signaux suffisants, ni pour arrêter les agissements criminels du dictateur serbe Milosevic, qui porte néanmoins l'entière responsabilité de cette guerre, ni pour soutenir l'action des démocrates serbes et kosovars, tel Ibrahim Rugova, dont le sort politique, voire physique, est tragique, ainsi que celui de ses compagnons. Les initiatives prises depuis plusieurs mois par la communauté internationale, notamment par la France, ont rompu fort heureusement, mais tardivement, cette passivité. Les négociations de Rambouillet ont constitué une étape importante de la recherche d'une solution politique et pacifique. Là encore, Milosevic porte la responsabilité de l'échec. Une intervention militaire paraissait dès lors inévitable. Pourtant, nous devons nous poser la question: aurait-on pu, en privilégiant des solutions politiques européennes, éviter l'engrenage militaire, en permettant à la Russie de prendre toute sa place, évitant ainsi de donner un prétexte à Milosevic pour rompre les discussions ? Dans le contexte actuel, la tentative de médiation russe pouvait difficilement aboutir. Aujourd'hui, des frappes aériennes sont en cours, à propos desquelles nous avions exprimé des réticences, notamment à cause des risques encourus par les populations civiles kosovares, dans la mesure où tous les pays engagés avaient affirmé d'emblée - n'était-ce pas une erreur ? - qu'un dispositif terrestre était exclu. Ainsi, chacun voit bien que les frappes ne suffisent pas à résoudre la crise, quand elles ne sont pas accusées de l'aggraver. L'épuration ethnique a lieu dans le même temps, et le risque de partition du Kosovo, que nous redoutons, est de plus en plus évoqué; c'est inacceptable. L'urgence et la priorité, maintenant, sont de stopper ce processus, afin d'éviter qu'il ne devienne irréversible. L'hypothèse d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'une zone globale et générale de protection humanitaire du Kosovo - avec le retrait des forces spéciales serbes, l'arrêt des combats par l'UCK, la mise en place de forces d'interposition du type «casques bleus» - est-elle envisageable, que Milosevic l'accepte ou non ? En cas d'échec de ce type de proposition, peut-on à l'avance exclure toute intervention militaire sur le terrain, au risque de laisser expulser ou massacrer les populations civiles ? Les Français, que nous représentons ici, sont inquiets et effarés devant la catastrophe humanitaire en cours, qu'aucune mesure prise jusqu'à ce jour n'a pu empêcher. Ils attendent, comme nous, des réponses claires et précises du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame la députée, j'ai reçu ce matin, après le conseil des ministres, les présidents des groupes parlementaires ainsi que les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. L'échange d'informations et le dialogue qui s'est noué à cette occasion ont été utiles. J'ai dit à vos représentants que le Gouvernement, au travers des ministres compétents et de moi-même, était à la disposition du Parlement, en tant que de besoin, pour nourrir ce courant d'informations et poursuivre ce dialogue. Nous avons pris note de suggestions utiles formulées par différents représentants de groupes. Dans la période où nous sommes, chacun exprime, et c'est normal, ses convictions. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. André Santini. Pas lorsqu'on est au Gouvernement ! M. Renaud Donnedieu de Vabres. Lorsqu'on est au Gouvernement, on ferme sa gueule ! M. le Premier ministre. Lorsqu'une grande démocratie comme la nôtre est face à la question de la paix ou de la guerre, à la question de l'oppression ou de la liberté, de la civilisation ou de la barbarie, le pays et le Parlement débattent, ou discutent dans les médias et au sein de l'instance politique collégiale que constitue le Gouvernement, au conseil des ministres devant le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. André Santini. Le Gouvernement est vraiment très pluriel, comme la majorité ! M. le Premier ministre. Monsieur Santini, le moins que l'on puisse dire,... M. François Rochebloine. C'est que vous êtes embêté ! M. le Premier ministre. ... c'est que, dans cette circonstance difficile, le ministre des affaires étrangères, par son action diplomatique, le ministre de la défense, par son travail de mobilisation et d'organisation des armées, le Premier ministre et le Gouvernement dans sa collégialité assument pleinement les missions qu'ils doivent remplir au sein de l'exécutif. Vous devriez en prendre la mesure. (Mêmes mouvements.) M. Charles Cova. C'est la pagaille ! M. le Premier ministre. Le débat ayant eu lieu, nous pouvons dire que nous partageons deux convictions fondamentales. La première, qui a été exprimée par tous les groupes politiques, est la condamnation absolue de M. Milosevic, de son régime et de la politique de purification ethnique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),... M. François Rochebloine. C'est trop facile ! M. le Premier ministre. ... le refus de la violence et des exactions. La deuxième conviction que nous partageons, c'est que notre objectif est celui d'une issue politique à la crise, mais qui interdise l'actuelle répression et permette aux Kosovars de vivre en paix et libres sur leur terre, même si celle-ci, selon nous, aujourd'hui, doit être une partie autonome dans la République fédérale de Yougoslavie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) A partir du moment où nous sommes d'accord et où l'essentiel des forces politiques françaises partagent ces deux objectifs,... M. Renaud Donnedieu de Vabres. Et les communistes ? M. François Goulard. Dites-le-leur ! M. le Premier ministre. ... la discussion a lieu ensuite sur les moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! M. le Premier ministre. Il ne faut à cet égard pas se tromper quant à la responsabilité, et encore moins quant à la culpabilité. La question centrale, aujourd'hui, n'est pas celle de l'OTAN, c'est celle de la politique de purification ethnique de M. Milosevic. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Pierre Lellouche. Vous avez raison, mais dites-le à vos alliés communistes ! M. le Premier ministre. La question centrale n'est pas celle des frappes, c'est celle de la politique d'exactions conduite par M. Milosevic au Kosovo. Il est vrai - et c'est la position des autorités politiques françaises, du Président de la République comme du Gouvernement - que nous préférons, lors des crises, agir sous l'égide et avec un mandat de l'Organisation des Nations unies. Mais cela n'était pas possible en l'occurrence, à moins d'accepter l'impuissance et le fait accompli. Nous avons donc agi dans le cadre de l'OTAN. C'est celui dans lequel nous pouvions agir, et faire de la question de l'OTAN la question centrale ne serait pas pertinent. M. Pierre Lellouche. Dites-le aux communistes ! M. le Premier ministre. C'est la troisième fois que M. Milosevic, après la Croatie, après la Bosnie, s'efforce d'imposer une politique de violence et de ruse; il est temps maintenant qu'il y soit mis un terme. M. François Rochebloine. Très bien ! M. le Premier ministre. C'est pourquoi, face à des autorités serbes qui ont programmé méthodiquement leur politique, notamment leur politique de répression au Kosovo, nous devons faire preuve de détermination et de constance. Nous devons savoir que ce n'est pas en quelques jours, et par les frappes, que nous porterons des coups suffisants à l'appareil militaire et répressif de la Serbie; mais nous avons les moyens de porter des coups suffisants à cet appareil dans les jours qui viennent. Il faut apporter des réponses sur le plan humanitaire, et vous avez insisté sur ce point, madame la députée. C'est ce que nous faisons. Charles Josselin, au nom du Gouvernement, suivra une mission d'experts français partie dès ce matin sur le terrain pour évaluer les besoins de manière précise. Il se rendra demain en Albanie et en Macédoine, en liaison avec cette mission, avec l'Union européenne et Mme Emma Bonino, accompagné du secrétaire d'Etat allemand. Le Gouvernement a arrêté les premières modalités d'un plan d'urgence qui comprend quatre composantes: un soutien à l'action du Haut Commissariat aux réfugiés dans des zones sécurisées, une action coordonnée avec nos partenaires européens, notamment allemands et italiens, des actions nationales montées par l'action humanitaire, la sécurité civile et le ministère de la santé, et la mise à la disposition, notamment du HCR, des moyens de transport de la défense. Nous sommes tous, bien entendus profondément impressionnés et bouleversés par ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui quittent le Kosovo. Mais je préfère qu'ils quittent aujourd'hui le Kosovo pour pouvoir y revenir demain, plutôt que de mourir sur place, comme ce fut le cas pour des dizaines de milliers de personnes en Bosnie, il y a quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Nous prenons la mesure de cette catastrophe humanitaire. Il convient de bien expliquer à l'opinion européenne et aux Français que celle-ci est réversible si, et seulement si, le conflit en cours ne se termine pas aux conditions de M. Milosevic, mais aux conditions fixées par les nations civilisées dans l'Europe de la fin du xxe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) C'est ainsi que ces centaines de milliers d'hommes et de femmes pourront revenir dans leur pays. Le Gouvernement et le Président de la République sont ouverts à toute issue politique qui pourrait se présenter, puisque notre objectif est une solution politique. Nous avons pris connaissance du compte rendu de la mission effectuée hier, à Belgrade, par M. Primakov, et j'en ai informé vos représentants ce matin. Elle ne laisse pas ouverte une solution, puisque M. Milosevic fixe les conditions et demande l'arrêt des bombardements sans prendre l'engagement de renoncer aux exactions et de retirer ses troupes avant d'accepter d'envisager un débat politique. Si, dans le cadre de l'ONU, d'une conférence des Balkans ou dans tout autre cadre politique disponible, une issue peut se présenter, nous saisirons l'occasion, mais nous pensons qu'il faut créer en même temps les conditions militaires, politiques et psychologiques pour que M. Milosevic renonce à sa politique de puissance, à sa politique de purification ethnique, pour que, cette fois, il soit obligé de céder, qu'il sorte perdant de ce conflit et que nous puissions, alors, bâtir les conditions d'une Europe prospère, d'une Europe démocratique, et non d'une Europe tentée par le retour de la barbarie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) |