FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1255  de  M.   Jacquot Claude ( Socialiste - Vosges ) QOSD
Ministère interrogé :  anciens combattants
Ministère attributaire :  anciens combattants
Question publiée au JO le :  25/12/2000  page :  7215
Réponse publiée au JO le :  10/01/2001  page :  27
Rubrique :  anciens combattants et victimes de guerre
Tête d'analyse :  orphelins
Analyse :  enfants de déportés ou résistants. indemnisation
Texte de la QUESTION : M. Claude Jacquot appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 qui institue une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Si l'on peut se féliciter de la mise en place d'une réparation pour les enfants dont le père ou la mère a été déporté à partir de la France, victimes de persécutions antisémites durant l'occupation, on peut regretter que ce dispositif ne soit pas étendu à tous les enfants de déportés, morts en camp de concentration ou lors de leur transfert. En effet, de nombreuses associations d'enfants de déportés déplorent le caractère limitatif du décret. Elles souhaiteraient que soit envisagée une extension de l'indemnisation à toutes les catégories d'orphelins de déportés qui ont connu, eux aussi, l'absence de parents et la souffrance qui en découle. Compte tenu de ces éléments, il souhaiterait connaître ses intentions sur cette question.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Claude Jacquot a présenté une question, n° 1255, ainsi rédigée:
«M. Claude Jacquot appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 qui institue une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Si l'on peut se féliciter de la mise en place d'une réparation pour les enfants dont le père ou la mère a été déporté à partir de la France, victimes de persécutions antisémites durant l'Occupation, on peut regretter que ce dispositif ne soit pas étendu à tous les enfants de déportés, morts en camp de concentration ou lors de leur transfert. En effet, de nombreuses associations d'enfants de déportés déplorent le caractère limitatif du décret. Elles souhaiteraient que soit envisagée une extension de l'indemnisation à toutes les catégories d'orphelins de déportés qui ont connu, eux aussi, l'absence de parents et la souffrance qui en découle. Compte tenu de ces éléments, il souhaiterait connaître ses intentions sur cette question.»
La parole est à M. Claude Jacquot, pour exposer sa question.
M. Claude Jacquot. Monsieur le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins de déportés arrêtés dans le cadre des persécutions antisémites. Cette décision a suscité une certaine émotion dans le monde des déportés qui la considère comme discriminatoire puisqu'elle ne concerne qu'une partie des orphelins de déportés. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de nous en entretenir en août 2000, et vous m'aviez alors fait part de la grande attention que vous portiez à ce problème. M. le Premier ministre, que j'avais alerté à la suite de la réaction des associations de déportés, m'avait répondu, par courrier du 24 août, que le Gouvernement, conscient de la souffrance qui fut celle de tous les orphelins de déportés, mènerait une réflexion globale sur les conditions dans lesquelles l'Etat les a indemnisés. Une proposition de loi visant à reconnaître le droit à réparation aux orphelins de toutes les victimes de persécutions mortes en déportation a été présentée le 11 décembre au Sénat.
Comme beaucoup de mes collègues, j'ai reçu un certain nombre de ces personnes, pour lesquelles la parution de ce décret fait resurgir des souvenirs douloureux, et qui ne comprennent pas pourquoi elles sont exlues de cette mesure.
M. Thierry Mariani. Tout à fait !
M. Claude Jacquot. Si l'on peut se féliciter de l'instauration d'un droit à réparation pour les orphelins de déportés qui ont souffert de persécutions antisémites, il serait souhaitable d'étendre ce dispositif à tous les autres orphelins de déportés, qui ont vécu eux aussi les souffrances d'enfants qui n'ont pas ou peu connu leurs parents. Que leurs parents aient été victimes de l'antisémitisme ou qu'ils soient morts en raison de leurs opinions ou de leur engagement héroïque, la plupart de ces enfants n'ont pas eu les mêmes chances que l'ensemble des petits Français. Outre l'absence maternelle ou paternelle et les épreuves psychologiques qu'ils ont endurées, ils ont souvent dû travailler très jeunes pour contribuer à l'apport des ressources nécessaires à la vie de leur famille.
Au regard de cette situation dramatique vécue par les orphelins de l'ensemble des déportés, je souhaiterais savoir ce que compte faire le Gouvernement pour qu'une solution équitable et satisfaisante pour tous soit trouvée.
M. Thierry Mariani. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le député, c'est naturellement une bonne question et elle m'amène à évoquer très rapidement les conditions dans lesquelles a été prise la décision conduisant au décret du 13 juillet 2000. A l'origine, il y a le travail de mémoire sur la période de l'Occupation que la période a accompli en reconnaissant notamment le rôle des pouvoirs politiques de l'époque, de Pétain, de Laval et de l'administration placée sous leurs ordres dans la politique d'extermination du peuple juif menée par les nazis. Nous avons prêté la main à cette opération dans les conditions historiques que vous connaissez. Cette vérité, peu à peu, s'est imposée à nous. Le président Mitterrand a instauré une journée commémorative de la rafle du Veld'Hiv. Et puis, il y a eu la grande déclaration du président Chirac le 16 juillet 1995.
Ensuite, le Premier ministre Alain Juppé a confié à M. Mattéoli une mission, confirmée par l'actuel Premier ministre, consistant à étudier les spoliations dont les Français de confession juive ont été victimes au moment de l'Occupation et l'ensemble des conséquences que la nation devait en tirer. Cette mission a rendu un certain nombre de rapports d'étape et de rapports conclusifs, qui ont amené le Premier ministre, M. Jospin, le 13 novembre 1999, devant l'assemblée générale du Conseil représentatif des institutions juives de France, à déclarer que le Gouvernement se proposait d'indemniser les orphelins juifs dont les parents, ou l'un des parents, ont été déportés depuis le territoire français. C'est cette indemnisation qu'a instaurée le décret du 13 juillet 2000, avec l'attribution soit d'un capital forfaitaire soit d'une rente mensuelle.
Faut-il rappeler le caractère particulier de la situation faite à cette époque aux enfants juifs ? Ces enfants, si j'ose établir des degrés dans l'horreur, étaient poursuivis pour être exterminés parce qu'ils étaient juifs. Je ne méconnais pas, bien entendu, les drames humains vécus par les orphelins de résistants et de fusillés. Mais force est de souligner que ce qui était mis en oeuvre, c'était une politique discriminatoire visant à l'extermination du peuple juif. C'est pourquoi le décret est lui-même discriminatoire: il attribue une indemnisation à une catégorie, les enfants juifs de parents morts en déportation. Tels seront les arguments développés par le Gouvernement devant le Conseil d'Etat auprès duquel de nombreux recours ont été déposés.
Pour autant, personne ne peut méconnaître les souffrances subies par les jeunes enfants dont les parents non juifs sont morts en déportation ou ont été fusillés sur le territoire national. C'est pourquoi, comme le Premier ministre vous l'a indiqué au mois d'août dernier dans la réponse qu'il vous a adressée, monsieur le député, le Gouvernement se préoccupe de l'ensemble des cas des orphelins de la Seconde Guerre mondiale.
J'ai attendu le débat budgétaire car la question que vous évoquez aurait pu connaître certaines évolutions. Tel n'a pas été le cas et mes services se sont mis au travail. D'ici quelque temps, je présenterai un bilan exhaustif de la situation de ces orphelins, quelle que soit l'origine de la tragédie qui les a touchés, que leurs parents, résistants, non-juifs, soient morts en déportation ou aient été fusillés sur le territoire national. Si la législation française a oublié certains d'entre eux, nous veillerons à ce que la nation remplisse correctement son devoir de reconnaissance et de réparation.
Telle est, monsieur le député, la réponse que je pouvais apporter à la question, en effet, très importante qui parcourt l'ensemble du territoire national et qui nous a été rapportée par le monde des vétérans anciens combattants.
M. le président. La parole est à M. Claude Jacquot.
M. Claude Jacquot. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai bien noté le souci du Gouvernement d'apporter des éclaircissements supplémentaires. Il est vrai que le monde des déportés attend des réponses. Nous verrons quelle sera l'issue des recours déposés. Quant aux résultats de votre étude, ils seront certainement tout à fait intéressants. Des précisions étaient bien nécessaires. Je vous en remercie.
SOC 11 REP_PUB Lorraine O