FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1262  de  Mme   Casanova Odette ( Socialiste - Var ) QG
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  01/04/1999  page :  3103
Réponse publiée au JO le :  01/04/1999  page :  3103
Rubrique :  avortement
Tête d'analyse :  IVG
Analyse :  loi n° 75-17 du 17 janvier 1975. application. rapport Nisand
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Odette Casanova.
Mme Odette Casanova. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, je souhaite appeler votre attention sur les conclusions du rapport qui vous a été remis le 19 mars dernier par le professeur Israël Nisand, au sujet de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse dans le service public hospitalier.
Entre 1976 et aujourd'hui, le nombre des IVG a connu une légère baisse dans notre pays et, selon M. Nisand, la légalisation de l'avortement n'a pas entraîné sa banalisation. En effet, le recours à l'IVG demeure, pour une grande majorité des femmes, un acte accidentel et unique. L'IVG ne se substitue donc pas à une contraception; elle en pallie les échecs. Cependant, dans ce cadre général, l'auteur de cette étude dresse un tableau relativement préoccupant de la situation. Ainsi, de nombreux services publics de gynécologie ne pratiqueraient aucune IVG, certains d'entre eux ne respectant pas l'obligation légale de pratiquer des avortements. Une place marginale serait accordée aux structures d'accueil des femmes souhaitant avorter au sein des hôpitaux publics. Les IVG seraient pratiquées par des personnels vacataires mal rémunérés et souvent non remplacés lorsqu'ils prennent leurs congés.
L'auteur évoque également un contingentement systématique des IVG acceptées dans la limite d'un nombre de lits dédiés arbitrairement à cette intervention, un allongement des délais de rendez-vous et un faible emploi de la procédure d'urgence pour les femmes proches du délai légal. La réponse insuffisante du service public expliquerait pour partie l'augmentation très importante des prises en charges d'IVG effectuées par des établissements privés. Ces structures, selon l'auteur du rapport, respectent très inégalement les procédures administratives et médicales réglementaires et réclament, en contrepartie des actes d'intervention, des honoraires prohibitifs.
Pour remédier à cette situation, le professeur Israël Nisand avance vingt-quatre propositions, notamment l'intégration de l'IVG à l'activité quotidienne de tous les services de gynécologie du secteur public hospitalier, la généralisation de l'aide médicale gratuite pour l'IVG des femmes ne disposant pas de couverture sociale ou encore la désignation, dans chaque région, d'une structure hospitalière habilitée à recevoir des patientes qui ont dépassé le stade légal.
En conséquence, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me faire connaître l'appréciation générale que vous portez sur le contenu de cette étude. En outre, envisagez-vous de prendre prochainement des décisions susceptibles de favoriser une prise en charge plus sûre et plus égalitaire des femmes entrant dans les dispositifs médicaux d'IVG ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Bernard Kouchner et moi-même avons effectivement demandé au professeur Nisand de faire un bilan de l'application de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse vingt-cinq ans après son vote. Force est de constater que beaucoup de femmes, de jeunes filles, notamment dans des catégories sociales défavorisées, n'accèdent pas aujourd'hui à l'IVG dans des conditions satisfaisantes.
Je voudrais d'abord souligner que, contrairement à ce que prétendaient ses adversaires, l'interruption volontaire de grossesse ne s'est pas banalisée et n'a, à aucun moment, été considérée comme un moyen de contraception classique. Et nous nous en réjouissons.
Le professeur Nisand fait de nombreuses propositions, dont certaines nous apparaissent très intéressantes. Bernard Kouchner, Nicole Péry et moi-même travaillons actuellement à plusieurs questions.
Comment faire en sorte que les structures publiques soient plus ouvertes à l'IVG partout sur notre territoire alors qu'actuellement la moitié de ces interventions sont pratiquées dans le secteur privé, souvent dans des conditions coûteuses ?
Comment faire en sorte que les femmes qui découvrent tardivement leur grossesse ou qui ont des difficultés à la faire connaître et les jeunes filles qui n'arrivent pas à obtenir l'autorisation parentale n'aillent pas se faire avorter à l'étranger en recherchant, parfois dans des conditions très difficiles, l'argent nécessaire ?
Comment faire en sorte qu'il y ait, dans chaque région, un lieu d'accueil permettant d'informer et d'accompagner celles qui ont besoin de conseils aussi bien sur la contraception que sur l'avortement.
Nous souhaitons pouvoir annoncer, dans les semaines qui viennent, des mesures portant sur la contraception et l'avortement. Il nous faut développer le recours à la contraception, notamment chez les jeunes qui aujourd'hui confondent préservatif et contraception. Il nous faut étendre les modes de contraception orale, et notamment la pilule du lendemain. Nous venons de prendre certaines dispositions en ce sens. Nous allons lancer une grande campagne sur la contraception et annoncer des mesures dans le cadre des propositions du rapport Nisand pour que l'avortement soit un droit pour tous, en continuant à souhaiter qu'il soit marginal parce que la contraception doit continuer à progresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
SOC 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O