FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1266  de  Mme   Bachelot-Narquin Roselyne ( Rassemblement pour la République - Maine-et-Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  25/12/2000  page :  7217
Réponse publiée au JO le :  10/01/2001  page :  31
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  informatique
Analyse :  bull. emploi et activité
Texte de la QUESTION : Mme Roselyne Bachelot-Narquin appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le fait que l'Etat et France Télécom sont actionnaires à hauteur de 17 % de l'entreprise Bull. Or, les salariés de l'entreprise, et tout particulièrement ceux du site d'Angers, expriment leur très grande inquiétude devant la série de ventes et filialisations effectuées par le groupe, suite aux pertes importantes constatées au premier semestre 2000. Dans le Maine-et-Loire, trois unités Bull sont présentes. Tout d'abord BCS, qui fabrique des circuits imprimés, est spécialisée dans les produits haut de gamme et risque de se voir pénalisée si Bull n'est plus « constructeur ». BILS (Bull Industriel et Logistique) assure la logistique de groupe et se voit menacée par des partenariats qui affichent des objectifs identiques : NEC ou IBM. Enfin, INTEGRIS Trélazé, dédiée au service des logiciels aux clients, se voit aussi remettre en question par la prise de participation d'un repreneur. L'influence de l'Etat au conseil d'administration est forte puisque l'Etat détient directement ou indirectement plus du tiers du capital. Aussi elle lui demande s'il entend utiliser sa position d'actionnaire principal pour soutenir et préserver les activités de Bull et les emplois qui y sont liés.
Texte de la REPONSE : M. le président. Mme Roselyne Bachelot-Narquin a présenté une question, n° 1266, ainsi rédigée:
«Mme Roselyne Bachelot-Narquin appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le fait que l'Etat et France Télécom sont actionnaires à hauteur de 17 % de l'entreprise Bull. Or les salariés de l'entreprise, et tout particulièrement ceux du site d'Angers, expriment leur très grande inquiétude devant la série de ventes et filialisations effectuées par le groupe, suite aux pertes importantes constatées au premier semestre 2000. Dans le Maine-et-Loire, trois unités Bull sont présentes. Tout d'abord BCS, qui fabrique des circuits imprimés, est spécialisée dans les produits haut de gamme et risque de se voir pénalisée si Bull n'est plus «constructeur». BILS (Bull Industriel et Logistique) assure la logistique de groupe et se voit menacée par des partenariats qui affichent des objectifs identiques: NEC ou IBM. Enfin, INTEGRIS Trélazé, dédiée au service des logiciels aux clients, se voit aussi remettre en question par la prise de participation d'un repreneur. L'influence de l'Etat au conseil d'administration est forte puisque l'Etat détient directement ou indirectement plus du tiers du capital. Aussi elle lui demande s'il entend utiliser sa position d'actionnaire principal pour soutenir et préserver les activités de Bull et les emplois qui y sont liés.»
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour exposer sa question.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Monsieur le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, la situation du groupe français Bull inquiète. A la suite des mauvais résultats du premier semestre 2000, puis de ceux du deuxième semestre, pires que prévu, la réorganisation annoncée a été avancée, réorganisation en holding présentée comme un recentrage sur les deux principales activités du groupe: les services et les serveurs. Ces annonces rassurantes ne peuvent masquer la réalité de ce qu'il faut bien appeler «l'exception Bull» dans un secteur informatique par ailleurs en plein développement.
Après des pertes à hauteur de 628 millions de francs au premier trimestre, une série de ventes et de filialisations a été entamée. Elle a commencé d'ailleurs dès la fin de 1999, puisque
l'activité terminaux de paiement était alors cédée à Ingenico. En juin 2000, la filiale Bull Electronic Angers était cédée au groupe américain Act Manufacturing. En juillet 2000, la filiale cartes à puce CP8 était créée et nous apprenions, il y a quelques jours, que le groupe vendait CP8 à Schlumberger pour se désendetter et financer sa restructation. En septembre, Evidian, fournisseur de logiciels, était créé avec une volonté de cession clairement affichée. Et les choses vont continuer au premier semestre 2001, avec la filialisation, en vue d'une prise de participation, d'ISD, Infrastructure and Systems Division, et d'OSS, Outsourcing and Support Services, regroupée avec CSI et la maintenance.
Ces restructurations financières se déploient avec un coût social important, puisque l'on nous annonce la suppression de 1 800 postes, soit 10 % de l'effectif, d'ici à dix-huit mois. Faut-il rappeler que le site d'Angers, qui employait 3 600 personnes dans les années 80, n'en compte plus que 700 ?
L'Etat est actionnaire de Bull à hauteur de 17 %, France Télécom également. Son influence au conseil d'administration est donc forte puisqu'il contrôle directement ou indirectement plus du tiers du capital. Mais, en fait, alors que nous craignons le démantèlement pur et simple du dernier constructeur informatique européen, ce
démantèlement semble se dérouler dans l'indifférence gouvernementale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes questions sont simples.
Des questions de fond: avec un tel dépeçage, que deviennent les synergies actuelles de Bull, basées sur des solutions globales apportées aux clients ? Comment Bull pourra-t-il assurer son avenir face à une telle dépendance technologique américaine et asiatique ?
Des questions de méthode: avez-vous recherché et exploré tous les partenariats industriels possibles pour agrandir le tour de table ? Sur le plan social, êtes-vous prêts à soutenir les mesures d'âge envisagées par la direction - FNE, PRP - et même à étendre au groupe par décret les mesures CASA de préretraite instituées dans l'automobile ? Dans la situation financière très délicate du groupe, rien ne peut être fait sans une aide substantielle de l'Etat.
Mais finalement, la question qui prime est celle-ci: le Gouvernement a-t-il décidé, alors qu'il en est l'actionnaire principal, d'assister en spectateur à la liquidation de l'informatique française ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au commerce extérieur.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Madame la députée, Christian Pierret, retenu par d'autres obligations, m'a prié de vous transmettre les éléments de réponse suivants.
Le groupe Bull est actuellement confronté à des difficultés liées à la faiblesse persistante du marché des serveurs informatiques en Europe et tout particulièrement en France, ainsi qu'au caractère trop tardif, pour générer une croissance du chiffre d'affaires et des marges, de la reprise des commandes constatée ces derniers mois sur l'ensemble des activités du groupe.
Ces difficultés ont conduit le président du groupe à prendre des mesures structurelles qui comprennent la filialisation et le recentrage sur les activités de serveurs informatiques et de services, ainsi qu'une adaptation des effectifs correspondant à des suppressions de postes qui concernent environ 10 % du personnel.
Ces décisions ont été approuvées par l'ensemble des actionnaires du groupe: NEC, Motorola, Daï Nippon Printing, ainsi que l'Etat et France Télécom, qui n'en sont pas les actionnaires majoritaires.
Des redéploiements de l'activité ont été effectués par le passé dans des conditions qui en ont préservé la pérennité et ont même permis, dans certains cas, de créer des emplois. Des recherches de partenaires peuvent parfois conduire à maintenir l'activité et les compétences en dehors du groupe Bull; des discussions sont ainsi en cours sur la filiale de cartes à puce Bull CP8.
Pour les différents sites de Bull dans le Maine-et-Loire, qui concernent respectivement la fabrication de circuits imprimés intégrés pour la filiale MCI, la logistique mondiale du groupe pour BILS et les services d'infogérance pour INTEGRIS Trélazé, les décisions susceptibles d'être prises ne sont pas encore connues aujourd'hui. Mais, s'agissant des mesures d'adaptation des effectifs en cours d'élaboration, il apparaît au premier abord que ces sites seraient moins concernés.
En toute hypothèse, il appartient naturellement à l'entreprise de décider et de rendre publiques les orientations relatives aux effectifs et les mesures précises correspondantes. Le Gouvernement sera extrêmement vigilant à ce qu'elles permettent d'assurer la pérennité de ces sites, comme de l'ensemble des sites de Bull sur le territoire, en veillant à conserver au maximum les fortes compétences humaines et technologiques, et les activités qui y sont rattachées.
M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne céderai pas à la bienséance habituelle en vous remerciant, car votre réponse embarrassée illustre bien le paradoxe de la situation de Bull: une économie mondiale en pleine croissance, des créations d'emplois qui explosent dans le secteur informatique où l'on parle même de pénurie de main-d'oeuvre, et Bull qui périclite !
Il y a quelques années, à Angers, François Mitterrand, accompagné de Laurent Fabius, voyait dans la prise de commande de ce secteur par l'Etat la garantie de sa pérennité et il nous promettait la création de milliers d'emplois. Eh bien, ce n'est pas parce que vous avez échoué il y a quelques années qu'il faut nous laisser tomber aujourd'hui.
Il y a effectivement trois unités Bull sur le bassin d'Angers: BCS, BILS et INTEGRIS Trélazé.
INTEGRIS paraît moins menacée puisque cette unité est opérationnelle dans le service des logiciels aux clients, secteur en croissance, mais restera-t-elle à Angers et sous quelle identité ?
Pour Bull Industriel et Logistique, si NEC prend une participation dans cette filiale, dès lors qu'il existe d'autres unités de recherche et de fabrication dans le groupe NEC, le risque est purement et simplement la fermeture.
Pour l'unité BCS, qui fabrique des circuits imprimés, la stratégie que vous cautionnez programme la fin de l'activité. Alors, monsieur le secrétaire d'Etat, je prends date aujourd'hui, car le Gouvernement est comptable, dans tous les sens du terme, de l'avenir de Bull.
RPR 11 REP_PUB Pays-de-Loire O