FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 12902  de  M.   Ferrand Jean-Michel ( Rassemblement pour la République - Vaucluse ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  13/04/1998  page :  1999
Réponse publiée au JO le :  22/06/1998  page :  3374
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Tadjikistan
Analyse :  prise d'otages. décès d'une ressortissante française
Texte de la QUESTION : M. Jean-Michel Ferrand attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les circonstances qui ont conduit au décès tragique de Mlle Kareen Mane, le 30 novembre 1997, à Dushanbe, au Tadjikistan. Suite à la prise d'otages dont Kareen Mane et Franck Janier-Dubry ont été victimes, des négociations ont eu lieu entre les représentants du Gouvernement français et les autorités tadjikes. Durant toute la durée de la crise, l'ambassadeur de France à Moscou et au Tadjikistan, présent sur place, a insisté sur la nécessité de négociations en douceur et du non-emploi de la force, afin d'aboutir à une libération souple des otages. Les familles des otages ont cru en cette promesse, qui avait été expressément demandée par les autorités françaises à celles du Tadjikistan, de ne jamais employer la force. Or, le 30 novembre, Mlle Kareen Mane est décédée lors d'une opération menée par les forces de sécurité tadjikes, à l'aide d'un véhicule blindé léger, et dirigée par le ministre tadjike de la sécurité, venu sur place. Cette opération militaire a été décidée en contradiction totale avec la promesse qui avait été faite de ne pas utiliser la force, et sans en référer aux représentants des autorités françaises, puisque l'ambassadeur de France a appris le 30 novembre, au matin, que l'opération était en train de se dérouler. La famille de Mlle Mane est aujourd'hui en droit de s'interroger sur les circonstances de son décès tragique. Il lui demande donc des réponses précises en ce qui concerne d'une part les raisons de l'utilisation de la force par les autorités tadjikes, en violation de la parole donnée pendant les négociations, d'autre part l'identité du responsable qui a donné l'ordre des assauts. Enfin les raisons pour lesquelles les autorités françaises n'ont pas été consultées avant cette décision de conduire une opération militaire.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu interroger le ministre sur les circonstances du décès de notre compatriote, Mlle Kareen Mane, le 30 novembre 1997 à Douchanbé au Tadjikistan. Mlle Kareen Mane et son compagnon, M. Franck Janier-Dubry, qui travaillaient tous deux à Douchanbé depuis plus d'un an, ont été enlevés à leur domicile le 18 novembre au soir par un groupe armé qui réclamait la libération de Bakhrom Sadirov, frère d'un chef de guerre local, Rizvon Sadirov. Dès l'annonce de l'enlèvement de nos deux compatriotes, notre ambassadeur à Moscou, également accrédité auprès des autorités tadjikes, s'est rendu à Douchanbé. Il a eu sur place tous les contacts possibles, tant avec les autorités gouvernementales qu'avec les représentants de l'opposition tadjike. Des contacts ont également été pris par nos représentants, notamment lors de la conférence internationale sur le Tadjikistan qui s'est tenue à Vienne les 24 et 25 novembre 1997. Tout au long de la prise d'otages, les autorités françaises ont insisté sur la nécessité d'obtenir la libération de nos compatriotes sains et saufs. L'ambassadeur a de nouveau répété ce message dans la nuit du 29 au 30 novembre, après qu'un premier recours à la force par les autorités tadjikes se fut achevé par la libération d'un des deux otages, M. Franck Janier-Dubry. Le déroulement des faits, dans la matinée du 30 novembre et jusqu'à la constatation du décès de Mlle Mane, fait l'objet d'une enquête officielle du gouvernement tadjik. Les autorités françaises, par l'entremise de notre ambassadeur, ont insisté et continuent d'insister pour que l'enquête soit menée en profondeur, mais dans les meilleurs délais possibles et qu'elle permette de faire toute la lumière sur ces événements et sur les responsabilités en cause, qu'il s'agisse des forces de l'ordre tadjikes et des ravisseurs. Les forces de l'ordre étaient, à notre connaissance, placées sous l'autorité du ministre de la sécurité, M. Zoukhourov, représentant le gouvernement tadjik. Selon les indications données par le ministre Zoukhourov le 30 novembre dans l'après-midi à notre ambassadeur, les négociations engagées la veille au soir avec les ravisseurs, qui avaient repris en début de matinée, sont apparues bloquées lorsque les ravisseurs ont formulé une nouvelle revendication exigeant qu'un leur apporte « la tête » du chef de l'opposition contre la libération de Mlle Mane. Le ministre de la sécurité, qui était sur place à ce moment-là, a alors ordonné une manoeuvre de force visant à neutraliser les ravisseurs. Les autorités tadjikes ont indiqué n'avoir pu, à ce moment, consulter notre ambassadeur, en raison de l'urgence et des contraintes de sécurité pesant sur la zone. Cette explication n'a évidemment pas été jugée pertinente par l'ambassadeur. Les autorités tadjikes maintiennent que l'objet de leur décision de faire usage de la force était de parvenir à libérer Mlle Mane saine et sauve, tout en reconnaissant leur responsabilité dans l'échec de cette tentative. Le Gouvernement français attend de l'enquête en cours qu'elle fasse toute la lumière sur l'enchaînement des faits et des décisions ayant conduit au décès de Mlle Mane. Il souhaite que cette enquête aide aussi à faire en sorte qu'un pareil drame puisse à l'avenir, s'il y avait lieu, être évité, quelle que soit la nationalité des personnes en cause. L'honorable parlementaire peut être assuré que le Gouvernement français continuera à demander, avec toute la détermination nécessaire, aux autorités tadjites la communication de l'enquête qu'elles ont ordonné. Ce message vient d'être à nouveau réitéré par le secrétaire général du ministère des affaires étrangères qui a rencontré à Paris, le 19 mai dernier, le président tadjik Rakhmonov, de passage à l'occasion d'une réunion des bailleurs de fonds organisée par la banque mondiale.
RPR 11 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O