FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 130  de  M.   Tourret Alain ( Radical, Citoyen et Vert - Calvados ) QG
Ministère interrogé :  Premier Ministre
Ministère attributaire :  Premier Ministre
Question publiée au JO le :  05/11/1997  page :  5325
Réponse publiée au JO le :  05/11/1997  page :  5325
Rubrique :  transports routiers
Tête d'analyse :  chauffeurs routiers
Analyse :  grève
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.
M. Alain Tourret. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, plus de cent cinquante barrages routiers renvoient à la France et à l'Europe l'image d'un conflit social, l'image d'une société bloquée où l'épreuve de force l'emporte sur la discussion.
Les routiers, il est vrai, ont notre sympathie dans ce conflit. Ils ont été trompés l'an dernier, grugés par le patronat qui s'était engagé à leur payer des primes. Seule une faible minorité d'employeurs a respecté sa parole, les autres la refusant en arguant du fait qu'ils n'étaient pas engagés par une simple recommandation. Et les routiers continuent de travailler trois cents heures par mois, ruinant et leur santé et leur vie de famille.
Plus globalement, monsieur le Premier ministre, ils sont victimes d'un patronat incapable de discuter, préférant la politique de la chaise vide à celle de la discussion véritable. Ils sont par ailleurs victimes de la dérégulation et de la déréglementation au niveau européen. Le libéralisme sauvage contribue ainsi à la perte et des entreprises et des salariés du transport.
Ils sont victimes, enfin, d'un choix de société au détriment du rail. Trop de route rappelons-le, tue le transport routier.
Monsieur le Premier ministre, ce conflit est le premier que doit affronter votre gouvernement.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour relancer le dialogue social sans lequel ce conflit va s'installer dans la durée, au détriment des intérêts de la France et des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, un nouveau conflit des routiers vient effectivement de s'engager dans notre pays.
L'action engagée par les chauffeurs routiers s'explique aujourd'hui par une exigence de dignité compte tenu des conditions particulièrement difficiles de leur travail. Elle s'explique aussi par leur volonté de voir respectée la parole donnée, ce qui n'a pas été le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le malaise actuel est donc dû à deux causes principales: sans doute la situation économique du secteur, sur laquelle il faudra se pencher pour faire évoluer ce secteur avec la profession, mais aussi le non-respect, par certaines entreprises des engagements pris à l'issue du précédent conflit et notamment ceux touchant au paiement d'une prime de 3 000 francs.
Les négociations ouvertes depuis plusieurs semaines relèvent de la pleine responsabilité des partenaires sociaux, mais le Gouvernement, et particulièrement le ministre des transports, se sont engagés. Car notre position, face à un conflit, ce n'est pas de laisser courir avant, pourrir pendant et trahir après ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
Les négociations n'ont pas pu aboutir à un accord accepté, jugé satisfaisant par les chauffeurs, bien qu'elles aient débouché sur l'élaboration d'une déclaration commune. Je le dis clairement, même si je veux m'exprimer vis-à-vis des protagonistes avec mesure, comme c'est mon rôle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
L'absence, dans les derniers moments de la négociation, de la principale fédération d'employeurs a sans aucun doute pesé lourdement dans la décision de s'engager dans le conflit prise majoritairement par les salariés du transport routier.
Je regrette que cette négociation n'ait pas abouti.
Le Gouvernement, conscient de ses responsabilités d'Etat et dans le respect plein et entier du droit de grève, porte la plus grande attention au conflit afin d'en limiter l'impact sur la vie quotidienne des Français et de faire respecter nos engagements internationaux.
Mais surtout, et c'est sur ce point que je voudrais finir, le Gouvernement joue pleinement son rôle pour créer les conditions d'une issue positive et rapide de ce conflit. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. Guy Teissier. Abaissez les charges !
M. le Premier ministre. Je rappelle qu'au nom de l'Etat - et d'une certaine façon en votre nom, messieurs de l'opposition ! - nous avons inscrit au budget de 1998 les engagements financiers et les crédits que vous n'aviez pas prévus en 1997 afin que soit mis en oeuvre le congé de fin d'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Le ministre chargé des transports, Jean-Claude Gayssot, dont je salue l'action menée en pleine collaboration avec moi (Applaudissements sur les mêmes bancs), s'est rendu en personne sur les lieux de la négociation (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française) pour annoncer un ensemble de mesures destinées à assurer un contrôle rigoureux des conditions économiques et sociales d'exercice de la profession.
M. Thierry Mariani. Il n'a rien fait !
M. Guy Teissier. Envoyez Maxime Gremetz !
M. le Premier ministre. Il était aussi, et cet acte symbolique a son importance, au contact des routiers, pendant la nuit, sur un barrage (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) pour témoigner que nous prenons en compte ces problèmes, même si nous entendons assumer nos responsabilités d'Etat.
M. Thierry Mariani. C'est du cinéma !
M. le Premier ministre. Aujourd'hui et devant vous, je confirme qu'un projet de loi sera soumis au conseil des ministres dès lundi prochain, puis présenté prochainement au Parlement. Il permettra de renforcer le contrôle des infractions à la réglementation des transports et au droit au travail; il généralisera par ailleurs l'obligation de formation à l'ensemble des conducteurs.
M. Dominique Bussereau. Et rien dans le budget !
M. le Premier ministre. Un décret destiné à assurer un meilleur contrôle de l'accès à la profession de transporteur sera publié dans les prochains jours.
M. Arnaud Lepercq. Et encore des contrôles !
M. le Premier ministre. Le dispositif d'allégement des charges sociales pour les entreprises respectant les règles conventionnelles sur le temps de travail, décidées l'année dernière ou il y a deux ans pour l'année en cours, sera prolongé.
J'ai par ailleurs décidé un allégement de la taxe professionnelle, qui sera pris en charge par l'Etat.
M. François d'Aubert et M. Thierry Mariani. Et Bruxelles ?
M. le Premier ministre. Cette décision a pour objectif de lever les obstacles financiers dans toutes les entreprises, afin que l'accord qui sera signé soit appliqué par l'ensemble des entreprises. Et le Gouvernement sera particulièrement vigilant sur ce point.
Je précise à nouveau clairement que cet effort financier de l'Etat est destiné à faciliter la signature, puis l'application effective de l'accord; en d'autres termes, il doit se traduire dans les feuilles de paie des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
En outre, le Gouvernement a noté la préoccupation des salariés et des employés des transports de parvenir à maîtriser, avec les professions qui utilisent le transport routier, la question des temps d'attente et des conditions de déchargement, quand les routiers, après huit ou neuf heures de trajet, sont obligés - ils le disaient hier - de décharger des palettes. Cette question pourra être abordée, pourquoi pas ? dans le cadre de conventions liant les entreprises utilisatrices, les clients et les entreprises des travailleurs routiers.
M. Arnaud Lepercq. Et les Espagnols ?
M. Thierry Mariani. Baissez les charges des entreprises !
Mme Nicole Bricq. Et vous, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. le Premier ministre. La discussion a repris ce matin. L'épreuve de force doit être surmontée; j'en appelle au sens de la responsabilité de tous.
Le Gouvernement souhaite vivement que les négociations aboutissent et engagent le plus possible de parties prenantes dans les heures qui viennent. En tout cas, quel que soit le nombre de ces parties prenantes, le Gouvernement s'engage, je m'engage à ce que l'accord à venir et que j'appelle de mes voeux, comme tous les Français, soit immédiatement applicable à l'ensemble de la profession. Je confirme à cet égard que la procédure d'extension prévue par le code du travail sera mise en oeuvre sans délai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mesdames, messieurs les députés, il ne peut y avoir de dialogue social sans respect de la parole donnée, qu'il s'agisse de la parole d'hier ou qu'il s'agisse de la parole d'aujourd'hui. («Vilvorde !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) L'application réelle et complète des accords conclus doit s'imposer. Je donne ici solennellement, au nom du Gouvernement, la garantie que ce sera le cas. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RCV 11 REP_PUB Basse-Normandie O