FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1325  de  M.   Fillon François ( Rassemblement pour la République - Sarthe ) QG
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  12/05/1999  page :  4305
Réponse publiée au JO le :  12/05/1999  page :  4305
Rubrique :  collectivités territoriales
Tête d'analyse :  Corse
Analyse :  incendie criminel. gendarmerie
DEBAT : M. le président. La parole est à M. François Fillon.
M. François Fillon. Monsieur le Premier ministre, l'affaire de l'incendie du restaurant Chez Francis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) n'est pas un fait divers dont on pourrait attendre tranquillement (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...
M. le président. Une seconde, monsieur Fillon.
M. François Fillon. Je remarque, monsieur le président, que le groupe socialiste ne veut pas écouter cette question.
M. le président. Mesdames, messieurs de la majorité, il faut écouter M. Fillon dans le silence de la même façon que Mmes et MM. de l'opposition écouteront la réponse dans le silence. C'est la règle démocratique dans un Parlement comme le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Philippe Vasseur. Cela gratte où ça fait mal !
M. le président. Je vous en prie.
Monsieur Fillon, vous avez seul la parole et pas M. Vasseur.
M. François Fillon. Monsieur le Premier ministre, l'affaire de l'incendie du restaurant Chez Francis n'est pas un fait divers dont on pourrait attendre tranquillement que la justice l'élucide.
M. Christian Bataille. Vous n'avez pas confiance en la justice ?
M. François Fillon. Il s'agit d'une affaire d'Etat: c'est une affaire d'Etat parce qu'elle met en cause l'Etat; c'est une affaire d'Etat parce qu'elle met en cause le droit; c'est une affaire d'Etat parce qu'elle met en cause la place de la Corse dans la République.
La justice nous dira peut-être qui est coupable de cet acte pathétique, mais elle ne répondra pas à la question essentielle: comment, après l'assassinat d'un préfet, le premier dans l'histoire de la République, comment après l'incarcération d'un préfet, la première dans l'histoire de la République, l'autorité de l'Etat peut-elle être rétablie en Corse ? Seul le Gouvernement peut répondre à cette question parce que c'est une question politique.
Mme Nicole Bricq. Il a déjà répondu !
M. François Fillon. Vous affirmez que vous n'êtes pas coupable d'avoir ordonné ou couvert des actes illégaux en Corse. Je suis prêt à vous croire; j'ai envie de vous croire.
Mme Odette Grzegrzulka. Menteur !
M. François Fillon. Mais je ne peux pas accepter que vous refusiez d'assumer vos responsabilités politiques.
Vous avez choisi le préfet Bonnet. Vous lui avez donné des pouvoirs exceptionnels. Vous ne pouvez donc pas vous en tenir à la thèse de sa seule responsabilité et encore moins à celle de ses désordres mentaux.
Mme Odette Grzegrzulka. La question !
M. François Fillon. Vous pouvez d'autant moins le faire que cette thèse est la quatrième que vous défendez.
M. Dominique Dord. Eh oui !
M. François Fillon. Après «les gendarmes n'y sont pour rien»; après «les gendarmes sont tombés dans un traquenard»; après «les gendarmes sont seuls responsables»; vous ne résoudrez pas la crise politique ouverte par cette affaire avec «le préfet Bonnet est responsable de tout».
Monsieur le Premier ministre, nous ne demandons la démission de personnes («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous demandons seulement la vérité.
Vous avez aujoud'hui, ici, à l'Assemblée nationale, une dernière occasion d'assumer votre responsabilité en disant au pays toute la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Un peu de silence, s'il vous plaît. M. le ministre de l'intérieur a seul la parole.
M. Richard Cazenave. Va-t-il encore nous lire une lettre du préfet Bonnet ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, dans aucun système, et à plus forte raison dans aucune démocratie, on ne peut exclure que se produise un dysfonctionnement. Simplement, on peut exiger qu'il soit rapidement détecté et sanctionné.
M. Jean-Luc Warsmann. Et assumé !
M. le ministre de l'intérieur. En l'occurrence, cet acte aberrant était imprévisible car il ne correspondait en aucune manière à la politique d'établissement de l'Etat de droit. Il en est la négation même.
Je vous appelle donc à une certaine circonspection, monsieur le député, car, dans cette affaire, il faut que la justice procède aux confrontations nécessaires. Or elle ne l'a pas encore fait.
M. Richard Cazenave. Si cela va aussi vite que pour le préfet Erignac, cela va prendre du temps !
M. le ministre de l'intérieur. Avant même de prononcer un jugement définitif, j'aimerais que vous gardiez présent à l'esprit le souci d'une élémentaire justice.
Je voudrais que l'opposition qui, naturellement, est faite pour s'opposer, ne le fasse pas au mépris d'un certain nombre de principes (Murmures) et sur les décombres de l'Etat qu'il nous appartient à tous de défendre. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean Ueberschlag. Vous n'avez pas de leçons à donner !
M. Arnaud Lepercq. C'est trop facile !
M. Pierre Lellouche. Répondez à la question !
M. le ministre de l'intérieur. Je tiens tout de même à souligner que ce dysfonctionnement a été rapidement mis en lumière et sanctionné, bien que l'on ne connaisse pas encore toute la réalité. De toute façon, nous la connaîtrons, et le Gouvernement n'a jamais cherché à la dissimuler (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Il a eu le souci de tirer, aussi vite que cela était possible, toutes les conséquences de ce que l'on savait, c'est-à-dire les aveux des trois gendarmes puis la garde à vue du préfet.
J'aimerais donc que l'opposition garde une certaine mesure. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Une partie de l'opposition insulaire s'est mise à la remorque des nationalistes. Je ne dis pas toute l'opposition insulaire, mais j'écoute ce que dit M. le député Francisci, quand il condamne très fermement la stratégie d'alliance de M. Rossi avec les nationalistes pour porter à la tête de la commission Europe de l'Assemblée de Corse M. Talamoni, tête de la liste Corsica Nazione (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), lequel, jusqu'à plus ample informé, n'a pas condamné le recours à l'action clandestine et à la violence. Or je souhaiterais que, dans cette affaire, on ne fasse pas preuve de naïveté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
M. Pierre Lellouche. Monsieur Chevènement, gardez le sens de la mesure !
M. le ministre de l'intérieur. Chacun sait bien que la situation qui prévaut en Corse ne date pas d'hier. A cet égard, je n'aurai pas la mauvaise grâce de faire un retour en arrière. Pourtant cela me serait très facile. Mais je vous dis que vous n'avez pas le droit de vous solidariser avec les nationalistes, avec ceux qui manient le revolver et le bâton de dynamite, avec ceux qui font régner la peur, le chantage et le racket. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jean Ueberschlag. N'importe quoi !
M. Arnaud Lepercq. Pyromane !
M. le ministre de l'intérieur. La droite républicaine et continentale s'honorerait en se désolidarisant de ceux qui, jusqu'à présent, ont refusé de condamner la violence nationaliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)
RPR 11 REP_PUB Pays-de-Loire O