Texte de la QUESTION :
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M. Philippe Martin attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les préoccupations des professionnels du livre et de la librairie confrontés à une vive concurrence des grossistes et au non-respect de la loi sur le prix unique. La fourniture aux collectivités étant hors du champ d'application de la loi sur le prix unique, le secteur de la librairie s'insurge contre la pratique visant à abaisser exagérément les prix. Afin de garantir aux utilisateurs, aux éditeurs et aux libraires les conditions de la diversité et de la qualité, la profession demande l'instauration d'un plafonnement des remises. Compte tenu des inquiétudes émises sur ce sujet, il lui demande de bien vouloir préciser la suite qu'elle entend réserver à cette proposition et, plus largement, de lui indiquer si un renforcement de la loi du 10 août 1981 est envisagé.
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Texte de la REPONSE :
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La loi sur le prix du livre promulguée le 10 août 1981 pose comme principe que le même livre doit être vendu au même prix sur l'ensemble du territoire national. Toutefois les détaillants peuvent accorder une remise de 5 % par rapport au prix de vente au public fixé par l'éditeur. Après plus de quinze années d'expérience, cette loi est reconnue par la majorité des professionnels (auteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires) comme particulièrement pertinente. En 1981, lors du débat à l'Assemblée nationale et au Sénat sur le contenu de la loi sur le prix unique du livre, il était toutefois apparu souhaitable de permettre aux collectivités d'acheter des livres à un prix inférieur au prix de vente fixé par l'éditeur, afin de favoriser le développement de la lecture publique. En effet, à l'époque, le réseau des bibliothèques départementales et municipales était bien moins développé qu'aujourd'hui et toute mesure d'encouragement paraissait nécessaire. D'autre part, le fait de permettre aux associations de parents d'élèves de bénéficier des mêmes avantages apparaissait comme une mesure d'ordre social. Ces considérations ont justifié l'adoption de l'article 3 de la loi du 10 août 1981 qui prévoit des dérogations pour un certain nombre de personnes morales, énumérées de façon limitative. Actuellement les grossistes indépendants, les dépôts régionaux mis en place par les éditeurs, voire les éditeurs eux-mêmes, servent la plupart des commandes de livres des collectivités. Seules quelques grosses librairies indépendantes, dont la surface financière et les conditions d'achat sont plus favorables, peuvent rivaliser. Du fait de l'absence de plafonnement des rabais aux collectivités, on a assisté à une surenchère de ces entreprises, qui proposent aujourd'hui des rabais se situant ordinairement dans une fourchette de 15 à 28 % du prix de vente au public, le rabais moyen étant par ailleurs de 25 % pour le livre scolaire. Cette surenchère a notamment pour origine l'attitude de nombreuses collectivités qui, interprétant de manière restrictive le code des marchés publics, privilégient le critère du « moins-disant », sans prendre suffisamment en compte les aspects qualitatifs de la fourniture (fiabilité des commandes, délais rapides de livraison, traitement des commandes en provenance des petits éditeurs, consultation des ouvrages sur place, animations organisées par les libraires avec les bibliothécaires, etc.) ni l'intérêt du maintien d'un réseau dense et décentralisé de points de vente du livre. Devant cette situation, la plupart des libraires demandent aujourd'hui le plafonnement des rabais aux collectivités, afin de stimuler l'activité du secteur et d'améliorer la rentabilité du commerce de la librairie. Un plafonnement de 10 % des rabais aux collectivités tendrait en effet à rétablir des conditions de concurrence équitables entre tous les vendeurs ou revendeurs susceptibles de s'adresser aux collectivités (libraires, grossistes, éditeurs). Ces taux auraient l'avantage d'offrir aux revendeurs une marge relativement élevée tout en maintenant une distinction entre le régime des particuliers et celui des collectivités, favorisant ces dernières. En outre, cette modification rapprocherait le régime français de ceux en vigueur dans les pays européens (Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Danemark) qui pratiquent un plafonnement des rabais aux collectivités allant de 5 à 15 %. Une telle modification de la loi du 10 août 1981 répondrait sans aucun doute à des préoccupations que partage le ministère de la culture et de la communication. Elle entraînerait en revanche un renchérissement des coûts d'acquisition par les collectivités locales dont la perspective, en l'état actuel des choses, fait obstacle à son adoption.
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