Texte de la QUESTION :
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Mme Véronique Neiertz interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le dysfonctionnement créé par l'application de deux décrets parus en décembre 1996 et instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution. D'une part, le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (J.O. du 13 décembre) modifiant le tarif des huissiers enterine des actes inutiles (tel que l'envoi d'un simple courrier), désormais tarifiés, et introduit la notion d'honoraires dans cette nouvelle tarification. Selon les termes de l'article 6 de ce décret, l'huissier confronté à une situation d'urgence (qu'il reste à définir de façon objective) peut fixer un tarif différent, supérieur à celui prévu par le texte. Une assignation en référé serait donc plus lourdement taxée. D'autre part, le décret n° 96-1130 du 18 décembre 1996 (J.O. du 26 décembre) modifie la saisine du juge de l'exécution du tribunal de grande instance. Cette saisine pouvait se réaliser soit par lettre recommandé avec avis de réception, soit par simple déclaration au greffe, soit par assignation avec huissier. Depuis l'application de ce décret, la saisine du juge de l'exécution ne peut se faire que par assignation. Le passage obligé par huissier ou par avocat devient dissuasif pour les personnes en difficulté qui abandonnent cette procédure (demande de délais en cas d'expulsion ou de saisie-vente, etc...). De plus, en Seine-Saint-Denis, il est fréquent de constater que les huissiers opposent un refus aux particuliers qui les saisissent. Quant au bénéfice de l'aide juridictionnelle, les délais de réponse du tribunal de grande instance de Bobigny sont de huit à douze mois. Cette situation pénalise gravement les familles en difficulté. En conséquence, elle lui demande de revoir ces décrets afin que soit supprimée la notion d'honoraire libre dans le tarif des huissiers et que soient rétablis les moyens de saisine du juge de l'exécution (lettre recommandée avec avis de réception, simple déclaration) qu'il était possible d'utiliser avant l'application de ces décrets.
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Texte de la REPONSE :
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la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le dispositif introduit par le décret n° 96-1130 du 18 décembre 1996 a essentiellement pour objet de clarifier les attributions du juge de l'exécution en matière de délais de grâce, de lui permettre de relever d'office son incompétence et de généraliser la saisine de celui-ci par voie d'assignation. S'agissant plus particulièrement de ce dernier point de la réforme, le juge de l'exécution pouvait, sous l'empire du décret de 1992, être saisi, quel que soit le montant du litige, par simple déclaration au greffe ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette modalité propre à faciliter l'accès à la justice, n'est cependant pas apparue sans inconvénient en pratique. En effet, la grande technicité des voies d'exécution appelle tout particulièrement une formalisation des prétentions et des moyens du demandeur, dans le souci d'une bonne administration de la justice, dans l'intérêt des justiciables et pour la qualité de la défense des parties. En outre, l'intervention, en amont de la procédure, d'un professionnel du droit apparaît de nature à faciliter la compréhension par l'intéressé de la spécificité du contentieux du juge de l'exécution qui ne tend pas à remettre en cause les titres exécutoires mais à trancher les contestations susceptibles de surgir dans la mise en oeuvre des mesures d'exécution forcée. Ainsi la pertinence du recours au juge de l'exécution doit être précisément évaluée. Enfin, si l'assignation engendre des frais, son montant est limité et son coût peut être pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle qui peut être sollicitée sans forme particulière, tant auprès du bureau d'aide juridictionnelle de la juridiction qui aura à connaître de l'affaire, que des services du tribunal de grande instance dans le ressort duquel est domicilié le demandeur. Les demandes d'aide sont, en pratique, traitées dans un délai raisonnable de l'ordre de trois mois et en tout état de cause interrompent les délais pour agir. Il n'en reste pas moins qu'il y aura lieu de dresser un bilan d'application de la réforme le moment venu eu égard à ses enjeux. S'agissant du tarif des huissiers de justice, qui fait l'objet d'un projet de décret modificatif pour exonérer les créanciers prud'homaux et d'aliments des droits de l'article 11, sera fait observer que le décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 comporte déjà des mécanismes qui permettent d'atténuer le coût des actes dressés par les huissiers. Aussi, par exemple, l'article 7 de ce décret prévoit une réduction de moitié du droit fixe applicable aux petites créances. Quant aux honoraires libres, ils ne concernent qu'une catégorie limitée d'actes et sont, de surcroît, réservés aux seuls cas d'urgence ou de difficultés particulières. Leur perception, comme l'ensemble des rémunérations allouées aux huissiers de justice, est, au demeurant, soumise au contrôle du juge taxateur. Enfin, il doit être rappelé qu'aux termes de l'article 15 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, ceux-ci sont tenus d'exercer leur ministère toutes les fois qu'ils en sont requis, sauf en cas d'empêchement, de liens de parenté ou d'alliance. Hormis ces cas, le fait, pour un huissier de justice, de refuser son concours est donc passible de sanctions.
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