FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1401  de  M.   Forgues Pierre ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QOSD
Ministère interrogé :  anciens combattants
Ministère attributaire :  anciens combattants
Question publiée au JO le :  28/05/2001  page :  3020
Réponse publiée au JO le :  30/05/2001  page :  3516
Rubrique :  cérémonies publiques et fêtes légales
Tête d'analyse :  journée nationale du souvenir des anciens combattants et victimes morts pour la France en Afrique du Nord
Analyse :  création
Texte de la QUESTION : M. Pierre Forgues attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants, sur l'officialisation de la date du 19 mars come date commémorative de la guerre d'Algérie a propos de laquelle il ne souhaite pas prendre de décision tant qu'elle ne fera pas l'unanimité au sein du monde combattant. Vu la situation actuelle, cette unanimité ne pourra être faite que lorsque tous les protagonistes seront décédés. En effet, les organisations refusant la date du 19 mars sont essentiellement composées d'anciens de l'OAS ou d'anciens Français d'Algérie qui en grand nombre n'ont jamais accepté que l'Algérie accède à l'indépendance. D'ailleurs, un certain nombre de ces personnes sont en partie responsables du non-respect du cessez-le-feu après le 19 mars 1962. La majeure partie de la population française (72 %) est favorable à cette date du 19 mars ainsi que la majeure partie des combattants. De plus, cette date semble bien choisie car elle correspond à une étape importante dans la résolution de ce conflit, même si les atrocités n'ont pas pris fin immédiatement. Cette commémoration ne doit pas être prise comme une insulte aux victimes, au contraire, elle doit être l'occasion de se souvenir de toutes les victimes, civiles ou militaires, avant ou après le 19 mars 1962. Cette date du 19 mars peut être comparée à celle du 11 novembre, date de la signature de l'armistice de la Première Guerre mondiale. Pourtant la Première Guerre mondiale n'a pas pris fin ce jour-là, il y eut des morts après cette date, mais celle-ci représente le jour où les belligérants ont souhaité mettre fin à cette guerre. Le 18 mars 1962, les belligérants, en décidant un cessez-le-feu applicable dès le 19 mars, ont montré aux populations d'origine française ou algérienne leur souhait de mettre fin à ce conflit, même si ce cessez-le-feu ne fut pas respecté par tous les combattants. Dans le choix d'une date de commémoration, la symbolique doit être importante, c'est pourquoi la date du 19 mars lui semble particulièrement bien choisie car elle représente une amorce de fin de conflit entre les deux parties adverses, et un soulagement pour les appelés qui avaient enfin un espoir de rentrer chez eux, pour leur famille et pour les populations civiles qui vivaient dans ces zones de conflit. Il lui demande donc de bien vouloir reconsidérer sa position.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Pierre Forgues a présenté une question, n° 1401, ainsi rédigée:
«M. Pierre Forgues attire l'attention deM. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants sur l'officialisation de la date du 19 mars come date commémorative de la guerre d'Algérie a propos de laquelle il ne souhaite pas prendre de décision tant qu'elle ne fera pas l'unanimité au sein du monde combattant. Vu la situation actuelle, cette unanimité ne pourra être faite que lorsque tous les protagonistes seront décédés. En effet, les organisations refusant la date du 19 mars sont essentiellement composées d'anciens de l'OAS ou d'anciens Français d'Algérie qui, en grand nombre, n'ont jamais accepté que l'Algérie accède à l'indépendance. D'ailleurs, un certain nombre de ces personnes sont en partie responsables du non-respect du cessez-le-feu après le 19 mars 1962. La majeure partie de la population française (72 %) est favorable à cette date du 19 mars ainsi que la majeure partie des combattants. De plus, cette date semble bien choisie car elle correspond à une étape importante dans la résolution de ce conflit, même si les atrocités n'ont pas pris fin immédiatement. Cette commémoration ne doit pas être prise comme une insulte aux victimes, au contraire, elle doit être l'occasion de se souvenir de toutes les victimes, civiles ou militaires, avant ou après le 19 mars 1962. Cette date du 19 mars peut être comparée à celle du 11 novembre, date de la signature de l'armistice de la Première Guerre mondiale. Pourtant la Première Guerre mondiale n'a pas pris fin ce jour-là, il y eut des morts après cette date, mais celle-ci représente le jour où les belligérants ont souhaité mettre fin à cette guerre. Le 18 mars 1962, les belligérants, en décidant un cessez-le-feu applicable dès le 19 mars, ont montré aux populations d'origine française ou algérienne leur souhait de mettre fin à ce conflit, même si ce cessez-le-feu ne fut pas respecté par tous les combattants. Dans le choix d'une date de commémoration, la symbolique doit être importante, c'est pourquoi la date du 19 mars lui semble particulièrement bien choisie car elle représente une amorce de fin de conflit entre les deux parties adverses, et un soulagement pour les appelés, qui avaient enfin un espoir de rentrer chez eux, pour leur famille et pour les populations civiles qui vivaient dans ces zones de conflit. Il lui demande donc de bien vouloir reconsidérer sa position.»
La parole est à M. Pierre Forgues, pour exposer sa question.
M. Pierre Forgues. Monsieur le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants, je souhaite vous interroger sur l'officialisation de la date du 19 mars comme date commémorative de la guerre d'Algérie.
Vous avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il était difficile de prendre une décision sur cette date tant qu'elle ne fera pas l'unanimité au sein du monde combattant. Or vous savez bien que cette unanimité ne pourra se faire que lorsque tous les protagonistes auront disparu. En effet, les organisations refusant la date du 19 mars sont essentiellement composées d'anciens de l'OAS ou d'anciens Français d'Algérie qui n'ont jamais accepté que l'Algérie ne soit plus française et accède à l'indépendance.
M. Thierry Mariani. C'est un peu excessif !
M. Pierre Forgues. La majeure partie de la population française - 72 % de celle-ci - est favorable à la date du 19 mars, ainsi que la majeure partie des combattants.
M. Jean-Marc Chavanne. Non !
M. Pierre Forgues. De plus, cette date semble particulièrement bien choisie car le 19 mars est une date importante dans la résolution de ce conflit, même si, malheureusement, les atrocités n'ont pas pris fin immédiatement.
Cette commémoration doit être l'occasion de se souvenir de toutes les victimes, civiles ou militaires, avant ou après le 19 mars 1962. La République française, porteuse de valeurs universelles, doit assumer son histoire et intégrer la guerre d'Algérie dans la mémoire nationale, afin qu'aucune victime ne soit oubliée.
Cette date du 19 mars peut être comparée à celle du 11 novembre, date de la signature de l'Armistice de la Première Guerre mondiale. Pourtant, la Première Guerre mondiale n'a pas pris fin ce jour-là, il y eut des morts après, mais cette date représente le jour où les belligérants ont souhaité mettre fin à cette guerre.
Le 18 mars 1962, les belligérants, en décidant un cessez-le-feu applicable dès le 19 mars, ont montré aux populations d'origine française ou algérienne leur souhait de mettre fin à ce conflit, même si ce cessez-le-feu ne fut pas respecté par tous les combattants.
Dans le choix d'une date de commémoration, la symbolique doit être importante, c'est pourquoi la date du 19 mars semble particulièrement bien choisie car elle représente l'amorce de la fin du conflit entre les deux parties adverses et un soulagement pour les appelés, qui avaient enfin un espoir de rentrer chez eux, pour leurs familles et pour les populations civiles qui vivaient dans ces zones de conflit.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, faire le point sur ce dossier dont je conviens qu'il est délicat ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le député, c'est une question bien délicate que vous posez, tant il est vrai que l'abcès de la guerre d'Algérie n'est toujours pas vidé, nous nous en apercevons chaque jour.
Nous sommes résolus les uns et les autres à affronter cette partie de notre histoire avec lucidité et courage. C'est la force d'une démocratie que de pouvoir le faire. Nous avons progressé, grâce au concours de l'Assemblée nationale et du Sénat, en adoptant, à l'unanimité, la loi du 18 octobre 1999 qui reconnaissait l'état de guerre en Algérie. Il a fallu du temps mais nous y sommes parvenus. En outre, le Gouvernement a décidé d'ériger à Paris, au cours de l'année 2002, un mémorial national sur lequel seront portés les noms de toutes les victimes mortes pour la France: les soldats du contingent, les professionnels, les harkis.
Pour autant, notre pays n'a pas encore réussi à se mettre d'accord pour arrêter une date unique de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Certes le 19 mars, fixée par les accords d'Evian, est bien la date officielle du cessez-le-feu en Algérie, et la fin des combats a été approuvée par une très grande majorité de nos concitoyens - plus de 90 % - à l'occasion du référendum proposé par le général de Gaulle, mais de nombreux événements tragiques ont eu lieu après cette date du 19 mars qui marquent les esprits: exactions, tant de l'OAS que du FLN, disparition d'Européens, massacre des harkis, et départ d'un million de nos concitoyens, qui ont dû quitter leur terre natale, leur pays, leurs morts, leur histoire. Or les dates commémoratives ont toujours rassemblé la nation française tout entière, elles ont d'ailleurs été votées à l'unanimité par le Parlement. C'est vrai pour le 11 novembre, comme pour le 8 mai.
Pour le moment, je constate qu'il n'y a pas d'unanimité. Des débats très vifs ont lieu, ne serait-ce que dans le monde combattant. Deux associations sur environ quarante se sont déclarées favorables au 19 mars, mais un grand nombre d'associations émettent des réserves, voire des oppositions.
M. Jean-Marc Chavanne. En effet.
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Pour tenir compte de la souffrance liée aux événements de l'après-19 mars, le Gouvernement a décidé d'être présent à cette date lorsque des cérémonies sont organisées dans les différents départements, mais aussi le 16 octobre. Certains avancent aussi la date du 11 novembre. Dans le souci de rechercher le consensus, j'ai moi-même naïvement proposé de retenir la date à laquelle l'Assemblée nationale a reconnu la guerred'Algérie.
M. Jean-Marc Chavanne. Bravo !
M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Mais j'observe que les débats sont vifs et qu'il n'y a pas du tout d'unanimité.
Des initiatives parlementaires sont prises, par le groupe socialiste, notamment, mais aussi par presque tous les groupes. Une rencontre des différents groupes de l'Assemblée nationale pour tenter de se mettre d'accord serait peut-être une voie de sortie. Je prends acte de toutes ces initiatives, je les respecte, j'ai d'ailleurs trop de respect pour la souveraineté nationale pour les critiquer, mais je ne sais ce qu'il en adviendra.
Pour ma part, très honnêtement, je ne suggère pas aujourd'hui au Gouvernement de changer sa position, pour toutes les raisons que je viens d'esquisser. Mais le dossier n'est pas clos, et d'autres éléments permettront peut-être de faire évoluer cette question dans les semaines ou les mois qui viennent. Ce dont je suis sûr, c'est qu'une date commémorative doit rassembler la France et non pas la diviser. Nous devons donc tous et toutes travailler à obtenir l'unanimité, sinon nous risquerions de devoir gérer des situations délicates devant les monuments aux morts.
C'est pourquoi, monsieur le député, si j'enregistre votre suggestion, je ne peux pas y répondre favorablement dans l'instant, considérant que les conditions ne sont pas encore réunies pour le faire.
M. Jean-Marc Chavanne. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Forgues.
M. Pierre Forgues. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie pour l'honnêteté de votre réponse. Est-elle pour autant satisfaisante ? De mon point de vue non.
Le Parlement a reconnu le concept de guerre d'Algérie. Pourtant passer de la notion de maintien de l'ordre à la notion de guerre d'Algérie a été très difficile, et je suis sûr que l'unanimité n'était pas acquise. Néanmoins aujourd'hui le concept a rejoint le fait.
Le 19 mars est aussi un fait. Il faut sans doute faire preuve de patience, de délicatesse, comme vous le faites, mais je suis intimement persuadé que cette date sera reconnue.
Aujourd'hui, vous n'y êtes pas prêt, je le conçois, mais j'espère que le Parlement pourra suggérer à votre place au Gouvernement ce jour comme date de commémoration. Un pays comme la France doit assumer son histoire, la vérité historique s'impose à tous, quelles que soient les souffrances, quelles que soient les différences, qu'il est impossible de nier. Nous sommes tous plus ou moins touchés dans nos familles par les Français d'Algérie ou par les combattants.
Les faits sont des faits historiques et, après un examen objectif de la situation, je pense que nous pourrons nous retrouver pour retenir cette date de commémoration. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
SOC 11 REP_PUB Midi-Pyrénées O