FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1424  de  M.   Rochebloine François ( Union pour la démocratie française-Alliance - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  04/06/2001  page :  3149
Réponse publiée au JO le :  06/06/2001  page :  3805
Rubrique :  handicapés
Tête d'analyse :  autistes
Analyse :  structures d'accueil. création
Texte de la QUESTION : M. François Rochebloine souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les attentes des associations de parents d'enfants autistes qui, après le vote de la loi n° 96-1076 du 11 décembre 1996 modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme, espèrent une traduction concrète de la volonté du législateur. Il lui rappelle que la France ne compte aujourd'hui pas moins de 60 000 enfants et adultes présentant un syndrome autistique et vivant bien souvent dans des conditions difficiles, tandis que leurs parents se trouvent désemparés, en l'absence d'actions des pouvoirs publics qui permettraient d'assurer une véritable amélioration des conditions de vie réservées à ces handicapés. Le faible nombre de structures éducatives spécifiques adaptées dans notre pays ainsi qu'un manque de personnel éducatif formé ne permettent pas à l'évidence de satisfaire les besoins et soulignent les carences de l'Etat en matière de prise en charge de l'autisme. En effet, la reconnaissance de l'autisme ne doit pas seulement figurer dans les textes mais devenir réalité. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont les mesures de financement qu'elle entend proposer dans les tout prochains mois afin de répondre à l'urgence des besoins exprimés.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. François Rochebloine a présenté une question, n° 1424, ainsi rédigée:
«M. François Rochebloine souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les attentes des associations de parents d'enfants autistes qui, après le vote de la loi n° 96-1076 du 11 décembre 1996 modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme, espèrent une traduction concrète de la volonté du législateur.
«Il lui rappelle que la France compte aujourd'hui pas moins de 60 000 enfants et adultes présentant un syndrome autistique et vivant bien souvent dans des conditions difficiles, tandis que leurs parents se trouvent désemparés, en l'absence d'actions des pouvoirs publics qui permettraient d'assurer une véritable amélioration des conditions de vie réservées à ces handicapés.
«Le faible nombre de structures éducatives spécifiques adaptées dans notre pays ainsi qu'un manque de personnel éducatif formé ne permettent pas à l'évidence de satisfaire les besoins et soulignent les carences de l'Etat en matière de prise en charge de l'autisme.
«En effet, la reconnaissance de l'autisme ne doit pas seulement figurer dans les textes mais devenir réalité. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles sont les mesures de financement qu'elle entend proposer dans les tout prochains mois afin de répondre à l'urgence des besoins exprimés.»
La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question.
M. François Rochebloine. Madame la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées, à l'occasion de la toute récente semaine de l'autisme et des journées des 19 et 20 mai dernier, des actions de sensibilisation ont été conduites un peu partout en France par les associations de familles d'enfants autistes. Ces actions se sont efforcées de rappeler aux pouvoirs publics que des engagements ont été pris et qu'il y a urgence à satisfaire des besoins croissants.
Quatre ans et demi après l'adoption de la loi reconnaissant la spécificité de ce handicap et visant à assurer la prise en charge des 80 000 personnes qui en sont atteintes en France, il y a lieu en effet de s'interroger sur les insuffisances de nos politiques publiques en la matière.
De l'avis général, il semble malheureusement évident que notre pays a pris un réel retard par rapport à d'autres pays développés, au point que seule une minorité d'enfants peut bénéficier aujourd'hui d'une prise en charge digne et correcte, c'est-à-dire suffisamment précoce et adaptée. Face à cela, il y a des familles bien souvent démunies, désemparées et dans l'incapacité de trouver les moyens et les réponses adaptés.
La loi du 11 décembre 1996 modifiant la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions médico-sociales, voulue par le législateur, n'a toujours pas trouvé sa traduction concrète sur le terrain, principalement faute de moyens budgétaires. Dans le même temps, toutes les études concluent à une accumulation de retards, que nous avons d'ailleurs dénoncés sur tous les bancs de cet hémicycle. Dois-je vous rappeler les termes d'une réponse de Mme Aubry, qui a déclaré en 1998: «Il reste effectivement un gros effort à faire sur le plan quantitatif comme sur le plan qualitatif» ? Face aux carences de l'Etat, des initiatives pilotes, financées grâce à des fonds privés, ont vu le jour, des petites structures éducatives ont été créées par les parents et ont le mérite d'exister.
Personnellement, j'en connais plusieurs et j'ai pu mesurer l'ampleur du travail réalisé, le dévouement des personnes qui, au quotidien, en assure le fonctionnement. Mais combien de temps pourront-elles porter à bout de bras ces structures, dont le coût de fonctionnement annuel dépasse, la plupart du temps, de loin - et même de très loin - les moyens financiers dont peuvent disposer les familles.
En outre, peut-on admettre que seulement 1 % des autistes bénéficient d'une approche adaptée ? J'en viens ainsi à une autre difficulté, également bien connue: l'insuffisante formation des éducateurs devant accueillir les enfants autistes. C'est là une dimension essentielle du problème. La formation des éducateurs est indispensable, mais elle suppose des moyens.
Les propos que vous avez tenus ici même, le 22 mai dernier, madame Royal, et que je rappelle: «Les enfants autistes ont leur place à l'école, en complément, bien évidemment, de l'accueil spécialisé; ils ont leur place aussi dans les activités culturelles», ne peuvent que nous réjouir, car les expériences conduites ont montré la pertinence de certaines activités pour les personnes atteintes d'un syndrome autistique. Mais ces propos vont aussi faire naître beaucoup d'espoir. Permettez-moi d'être plus circonspect et plus prudent.
Comment ne pas être sceptiques, en effet, alors que nous constatons déjà que l'intégration scolaire, prônée pourtant au plus haut niveau de l'éducation nationale, est loin de se faire facilement, hélas ! sur le terrain ? Or tout ce qui concerne l'autisme est autrement plus délicat. Méfions-nous donc des engagements pris un peu trop rapidement. La vie publique est ainsi faite que ceux qui ont pris ces engagements ne sont souvent plus là lorsqu'il s'agit de vérifier leur application.
Une telle situation est-elle admissible alors que les annonces de plans - pluriannuels ou non - en faveur du développement de structures spécialisées pour les personnes handicapées se succèdent ? Dans les faits, les crédits débloqués n'ont pu, à ce jour, satisfaire la demande de places pour les jeunes comme pour les adultes.
Pour l'autisme, nous attendions un état des lieux. Certes, je le reconnais, madame la ministre, il n'est pas aisé de rattraper le retard accumulé depuis plusieurs décennies, ni d'obtenir auprès de Bercy des moyens budgétaires nouveaux. Mais c'est à l'aune des résultats obtenus que votre action sera jugée. En tout état de cause, la solidarité nationale doit s'exercer pleinement. Or tel n'est pas le cas actuellement.
Madame la ministre vous le sentez bien, le désarroi est grand actuellement. En votant la loi de 1996, à l'initiative de notre collègue Jean-François Chossy, nous avions le sentiment d'apporter une réponse à des dizaines de milliers de familles et de montrer que les pouvoirs publics prenaient conscience de la gravité des enjeux et de l'existence de ce douloureux problème. A l'époque, cependant, nous avions d'ores et déjà réprimé la crainte que les moyens budgétaires correspondants ne suivent pas. J'avais, pour ma part, émis le souhait que l'on n'en reste pas au stade des bonnes intentions.
Si je demeure aujourd'hui convaincu que la prise de conscience a eu lieu et qu'il existe bien une réelle volonté d'aller de l'avant et d'apporter les réponses tant attendues, force est néanmoins de constater que le temps presse et que les promesses ne suffisent plus.
Madame la ministre, maintenant que le travail d'évaluation des besoins a été accompli, peut-on espérer l'inscription de nouveaux crédits destinés à la création de structures éducatives adaptées et spécifiques dans l'ensemble des départements français ?
Les structures existantes ou en cours de création pourront-elles bénéficier dans les mois à venir d'aides budgétaires de la part de l'Etat ?
Enfin, quelles mesures pourraient-être prises pour favoriser un meilleur dépistage du syndrome autistique et des troubles associés ?
Voilà autant de questions aujourd'hui en suspens et auxquelles plusieurs dizaines de milliers de familles sont en droit d'obtenir une réponse.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées. Monsieur le député, comme vous avez bien voulu le rappeler, je me suis exprimée sur cette question à l'occasion de la journée nationale de l'autisme. Je me suis engagée, je le redis ici devant vous, à dresser un état des lieux qui prenne la mesure, d'une part, de la grande détresse des familles, notamment lorsque leurs enfants grandissent et deviennent des adolescents, et d'autre part, du manque criant de places d'accueil des autistes adultes et âgés.
Nous avons à faire face à un très douloureux problème: le nombre des places prévues n'a sans doute pas été bien calibré. Cependant, il existe un élément positif dans la mesure où les familles, et les handicapés eux-mêmes, souhaitent un travail en réseau et un accueil plus qualitatif et plus diversifié que celui des hôpitaux psychiatriques, même si ceux-ci jouent un rôle essentiel, souvent de grande qualité, qu'il faut veiller à ne pas schématiser ou dénigrer.
L'autisme est un handicap qui évolue: ce qui est adapté à certains moments de l'année ne l'est pas à d'autres. C'est toute la difficulté. Mon souci est non seulement d'évaluer le nombre de places nécessaires, mais aussi de faire évoluer vers la pluridisciplinarité la prise en charge de ce handicap pour tenir compte de son caractère évolutif.
J'ai visité plusieurs établissements d'accueil. Dans mon département, une structure d'accueil pour handicapés adolescents vient d'être créée et j'ai pu constater la difficulté de la prise en charge de ces jeunes, la détresse des familles, ainsi que l'importance des listes d'attente.
Le rapport remis par le Gouvernement au Parlement en décembre dernier a dressé un bilan de la politique conduite à l'égard des autistes. Ce rapport estime à près de 30 000 le nombre d'enfants et d'adultes qui souffrent d'autisme en France. De 1995 à 2000, un plan de rattrapage a permis de créer un total de 2 033 places. Une enveloppe de 262 millions de francs de crédits d'assurance maladie a été consacrée à ce plan pour une dépense totale de près de 520 millions de francs incluant des crédits régionaux, des financements des conseils généraux et des crédits d'Etat.
Un plan pluriannuel a été mis en place le 25 janvier 2000 devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Un crédit de 150 millions de francs supplémentaires a été dégagé pour les personnes souffrant d'un syndrome autistique. Les préfets de région, en liaison avec les préfets de département, ont élaboré des programmations interdépartementales sur trois ans en mettant en perspective les actions à réaliser. La notification des crédits pour l'année 2001 a déjà été effectuée.
Je veillerai à ce que ces crédits soient bien affectés aux personnes souffrant d'autisme et ne soient pas saupoudrés sur d'autres types de structures. Il semblerait en effet que les crédits, déjà limités, n'aient pas été totalement imputés à l'accueil de ces personnes. C'est un problème que les associations ont évoqué devant moi.
Les directeurs régionaux de l'action sanitaire et sociale réuniront les comités techniques régionaux sur l'autisme pour approfondir le bilan présenté au Parlement en décembre dernier et pour procéder à un suivi régulier de la mise en oeuvre des programmations de places en analysant les modes de prise en charge des enfants et des adultes souffrant d'autisme.
Il sera également procédé à un état des lieux concernant l'intégration par la culture ainsi que par l'accueil à l'école. J'ai l'intention de relancer très prochainement le plan Handiscol et je veillerai à ce que les enfants handicapés mentaux y soient complètement intégrés.
Enfin, en ce qui concerne la formation, l'ensemble des professionnels, c'est-à-dire les éducateurs spécialisés, les professionnels sociaux ou encore les professionnels de santé qui ont en charge des enfants et des adultes souffrant d'un syndrome autistique, peuvent, depuis la circulaire de 1998, suivre quatre modules de formation continue. Un certain nombre de formations ont été organisées chaque année. En moyenne, 500 stagiaires en ont bénéficié chaque année. Ce dispositif de formation spécifique sera également évalué dans le cadre de l'état des lieux dont j'ai parlé.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Madame la ministre, je vous remercie des informations que vous venez de nousapporter.
Je serai très attentif à l'attribution des crédits que vous venez d'annoncer. En effet, des créations sont en vue et des montages de dossiers sont prêts aujourd'hui dans le département de la Loire. Or, il semblerait que les crédits soient destinés à d'autres départements. Je ne dis pas que ces départements ne le méritent pas et n'en aient pas besoin - le Rhône est un département important -, mais j'attire votre attention sur le département de la Loire, qui est déjà un peu pilote en ce domaine de par la mobilisation des familles, afin que les crédits soient le mieux utilisés possible et que la Loire ne soit pas oubliée.
UDF 11 REP_PUB Rhône-Alpes O