FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1425  de  M.   Morin Hervé ( Union pour la démocratie française-Alliance - Eure ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  04/06/2001  page :  3150
Date de changement d'attribution :  11/06/2001
Rubrique :  sécurité publique
Tête d'analyse :  risques naturels majeurs
Analyse :  marnières. affaissements. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Hervé Morin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences dramatiques des pluies de ces six derniers mois provoquant des effrondrements de marnières à l'origine d'accidents plusieurs fois mortels et de dégâts très importants sur l'habitat, dans le département de l'Eure. Ces victimes vivent un véritable traumatisme car, du jour au lendemain, elles perdent tous leurs biens et se retrouvent en situation de grande détresse où la solidarité nationale doit s'exercer. Pourtant, déjà interrogé sur ce thème, le Gouvernement est resté très évasif, se limitant à indiquer qu'une réflexion était engagée à ce sujet et qu'un examen au cas par cas pourrait être établi. Or on sait que, depuis 1983, sur les cent vingt familles sinistrées, seules cinq d'entre elles ont été indemnisées. Ce chiffre confirme que le dispositif par lequel les effondrements de terrain pouvaient être qualifiés de catastrophe naturelle, au sens de la loi du 13 juillet 1982, n'est plus adapté. De surcroît, les conditions climatiques exceptionnelles des derniers mois et le fait qu'un nombre considérable de marnières arrivent en fin de vie sur le plan géologique démontrent, si cela était encore nécessaire, qu'un aménagement législatif est désormais indispensable. C'est pourquoi il souhaite déposer très prochainement une proposition de loi permettant de constater l'état de catastrophe naturelle à chaque fois que l'effondrement d'une marnière provoque, directement ou indirectement, des dégâts sur l'habitat d'un particulier et il lui demande non seulement s'il soutiendra cette initiative mais surtout si, très rapidement et afin d'éviter une procédure actuelle beaucoup trop longue pour les sinistrés, il s'engage à reconnaître pour les effondrements de marnières l'état de catastrophe naturelle.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Hervé Morin a présenté une question, n° 1425, ainsi rédigée:
«M. Hervé Morin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les conséquences dramatiques des pluies de ces six derniers mois provoquant des effondrements de marnières à l'origine d'accidents plusieurs fois mortels et de dégâts très importants sur l'habitat dans le département de l'Eure. Ces victimes vivent un véritable traumatisme car, du jour au lendemain, elles perdent tous leurs biens et se retrouvent en situation de grande détresse où la solidarité nationale doit s'exercer. Pourtant, déjà interrogé sur ce thème, le Gouvernement est resté très évasif, se limitant à indiquer qu'une réflexion était engagée à ce sujet et qu'un examen au cas par cas pourrait être établi. Or on sait que, depuis 1983, sur les cent vingt familles sinistrées, seules cinq d'entre elles ont été indemnisées. Ce chiffre confirme que le dispositif par lequel les effondrements de terrain pouvaient être qualifiés de catastrophe naturelle, au sens de la loi du 13 juillet 1982, n'est plus adapté. De surcroît, les conditions climatiques exceptionnelles des derniers mois et le fait qu'un nombre considérable de marnières arrivent en fin de vie sur le plan géologique démontrent, si cela était encore nécessaire, qu'un aménagement législatif est désormais indispensable. C'est pourquoi il souhaite déposer très prochainement une proposition de loi permettant de constater l'état de catastrophe naturelle à chaque fois que l'effondrement d'une marnière provoque, directement ou indirectement, des dégâts sur l'habitat d'un particulier et il lui demande non seulement s'il soutiendra cette initiative mais surtout si, très rapidement et afin d'éviter une procédure actuelle beaucoup trop longue pour les sinistrés, il s'engage à reconnaître pour les effondrements de marnières l'état de catastrophe naturelle.»
La parole est à M. Hervé Morin, pour exposer sa question.
M. Hervé Morin. Monsieur le ministre de l'intérieur, le Gouvernement a déjà été interrogé sur ce sujet qui concerne non seulement la Normandie mais aussi, j'imagine, d'autres régions françaises.
Un certain nombre de familles sont victimes de véritables catastrophes, vivent de véritables drames personnels et familiaux dûs à l'apparition de marnières, c'est-à-dire de cavités souterraines dans lesquelles on puisait de la marne au cours des siècles précédents - notamment au xviiie et au xixe siècle -, voire encore au début du xxe siècle, et qui, bien souvent, étaient totalement inconnues des anciens, des services communaux et, bien entendu, des services de l'Etat.
Du fait de l'apparition de ces marnières, plusieurs centaines de familles se trouvent aujourd'hui dans la situation extraordinaire de ne plus pouvoir vivre chez elles, compte tenu des risques d'effondrement, tandis que leurs propriétés ont perdu toute leur valeur.
Le 16 mai, Patrick Herr a posé au Gouvernement une question sur ce sujet. M. Jean-Jack Queyranne a fait, en votre nom, une réponse extrêmement évasive, expliquant que le Gouvernement réfléchissait à la façon de traiter le sujet.
Les familles attendent depuis très longtemps - depuis trop longtemps. Aujourd'hui, elles n'ont plus qu'une seule issue possible: que soit déclaré l'état de catastrophe naturelle. Hélas, les statistiques nous apprennent que seules cinq maisons sur près de 200 ont à ce jour bénéficié de cette reconnaissance. Pour les autres familles, qui n'ont parfois pas encore fini de rembourser leurs emprunts, la situation est catastrophique. En outre, on leur demande en général des sondages et des études qui coûtent fort cher et qu'elles ne sont pas toujours en mesure de financer.
Monsieur le ministre, il serait temps que le Gouvernement fasse un geste pour ces familles qui vivent de vrais drames. On parle souvent, dans cet hémicycle, de «solidarité nationale»: l'expression pourrait trouver ici une application extrêmement précise. Pour ce faire, il faudrait que la proposition de loi déposée par certains de mes collègues, ou celle que j'ai déposée, puisse rapidement venir en discussion.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, les dommages causés par les marnières sont indemnisables et indemnisés par l'assurance liée à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans les conditions habituelles de ce dispositif.
Les effondrements de marnières font partie des événements éligibles au titre de la mise en oeuvre de la garantie contre les catastrophes naturelles. Les dommages matériels directs aux biens relèvent de cette garantie dès lors que, comme pour l'ensemble des événements indemnisés au titre de ce dispositif, deux conditions sont remplies: d'une part, ces effondrements doivent résulter de l'intervention déterminante d'un agent naturel et non de l'intervention humaine;...
M. Hervé Morin. C'est le cas ! l'élément naturel, c'est la pluie.
M. le ministre de l'intérieur. ... d'autre part, cet agent naturel doit revêtir une intensité anormale.
Il est notable que, si les marnières sont le plus souvent d'origine anthropique - du Moyen Age au milieu du xxe siècle -, les dommages causés par leur effondrement relèvent néanmoins de la garantie du régime des risques de catastrophe naturelle. Ainsi que l'a souligné le Conseil général des mines, les dommages ont pour cause principale l'action à long terme des éléments naturels, même si la cavité d'origine a été creusée par l'homme.
En outre, une marnière faisant peser un risque sur les vies humaines peut entraîner la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur. Une maison d'habitation a ainsi fait l'objet d'une telle procédure en 2000 à Bourg-sur-Gironde, sur demande de son propriétaire.
Des problèmes d'indemnisation peuvent toutefois être rencontrés dans deux cas: d'une part, lorsque les dommages touchent un bien non assuré tel un jardin ou une route d'accès non couverts par les contrats dommages, d'autre part, lorsque les dommages sont indirects.
L'indemnisation au titre d'une catastrophe naturelle ne saurait donc intervenir que pour les dommages résultant de l'effondrement de cavités naturelles ou de carrières abandonnées ou très anciennes, ainsi que de carrières dont l'exploitation est irrégulière et non connue de l'administration.
Le dispositif d'indemnisation des catastrophes naturelles permet donc une indemnisation rapide et équitable des dommages aux biens assurés résultant de l'effondrement des marnières et répondra ainsi aux attentes de nombreux sinistrés du département de l'Eure, qui ont été affectés par les conséquences dramatiques des conditions météorologiques de ces six derniers mois.
Pour ce qui est de la proposition de loi, vous savez qu'elle peut être examinée soit dans le cadre réservé à l'initiative parlementaire, soit si le Gouvernement l'inscrit à l'ordre du jour prioritaire. Je ne manquerai pas d'évoquer cette question avec M. Queyranne, ministre des relations avec le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
M. Hervé Morin. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, de vos propos, qui sont plutôt satisfaisants, voire très satisfaisants. Je prends acte, d'une part, que toutes les personnes victimes de l'effondrement de marnières - elles se comptent par centaines en Normandie - relèvent de la garantie du régime des risques de catastrophe naturelle et, d'autre part, que vous allez demander à vos services d'instruire rapidement les dossiers.
Malheureusement, dans la plupart des cas, on demande à ces familles des sondages et des études géologiques complémentaires qui coûtent fort chères et qui, au demeurant, contribuent à mettre à jour des cavités considérables de plusieurs centaines de mètres jusqu'alors totalement ignorées.
Je voudrais, monsieur le ministre, que toutes ces personnes qui sont aujourd'hui dans une situation de désarroi extraordinaire soient rapidement éligibles à la garantie de régime des risques de catastrophe naturelle, dans les conditions que vous avez fixées et qui sont tout à fait normales. S'agissant des cas que j'évoque, il s'agit la plupart du temps de maisons qui ont été construites sur des cavités dont, jusqu'à ce jour, tout le monde ignorait malheureusement l'existence.
Bref, monsieur le ministre, si je vous ai bien compris, toutes les personnes victimes de ces effondrements de marnières peuvent bénéficier de la garantie liée au régime de catastrophe naturelle dès lors qu'il y a eu beaucoup de pluie. Et de la pluie, nous en avons eue plus qu'il n'en faut !
UDF 11 REP_PUB Haute-Normandie O