FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 14563  de  M.   Bocquet Alain ( Communiste - Nord ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  18/05/1998  page :  2751
Réponse publiée au JO le :  19/10/1998  page :  5733
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  défense
Analyse :  formes actuelles d'esclavage. lutte et prévention
Texte de la QUESTION : M. Alain Bocquet appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité d'abolir les formes nouvelles d'esclavage, cent cinquante ans après la célébration de la seconde abolition de l'esclavage. Des différents témoignages qui ont été portés à la connaissance de l'opinion publique, il est un fait que, à l'aube du vingt-et-unième siècle, le dépassement des oppressions de notre temps, dont l'esclavagisme et le colonialisme, reste à l'ordre du jour. Travail des enfants, enfermement des femmes, sont autant de survivances de l'esclavagisme, dans certaines régions du monde, y compris sur le territoire national. Au mépris de toutes nos lois sociales de protection de l'individu et de la déclaration des droits de l'homme, de nombreuses personnes, des femmes notamment, venues des pays pauvres, sont maintenues sans papier, souvent sans salaire, en situation de servilité. Outre le fait que l'esclavage des temps modernes est une honte pour la France, une négation de l'être humain, une atteinte grave aux valeurs républicaines et humanistes, il considère que des mesures peuvent être envisagées pour rompre avec cette situation de détresse humaine inconcevable aujourd'hui, et ce quels qu'en soient les auteurs. Considérant que la célébration de l'abolition de l'esclavage ne doit pas dissimuler des souffrances et des horreurs contemporaines, il lui demande de l'informer de la réflexion du Gouvernement pour que la France se dote de moyens de lutte contre ce fléau.
Texte de la REPONSE : la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la France condamne depuis fort longtemps l'esclavage. Ainsi, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 proclame, en son article premier, que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. De surcroît, le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 27 juillet 1994, a dégagé de ces dispositions le principe constitutionnel de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation. Sur le plan international, outre la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 qui en prohibe la pratique, plusieurs conventions auxquelles la France est partie, proscrivent l'esclavage et les autres formes d'asservissement. Il en est ainsi notamment de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950, du Pacte des Nations unies relatif aux droits civils et politiques de 1966 et de convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant de 1989. En outre, le projet de statut de la future cour criminelle internationale permanente fait de la réduction en esclavage un crime contre l'humanité. L'ensemble de ces principes de valeur supra-législative trouve un prolongement direct en droit social. Le code du travail protège les salariés des différentes formes d'exploitation portant atteinte à la dignité de la personne humaine. Cette protection joue tout particulièrement en faveur des mineurs. Mais le code du travail protège également les salariés de toute forme de discrimination et promet tout particulièrement l'égalité entre hommes et femmes, notamment par la garantie de l'égalité de salaires. Enfin l'article 1780 du code civil prohibe les engagements perpétuels, assimilables à l'asservissement. L'efficacité de ce dispositif est assurée par le droit pénal qui incrimine le fait de soumettre une ou plusieurs personnes, en abusant de leur vulnérabilité ou de leur situation de dépendance, soit à des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, soit à l'obligation de fournir des services non rétribués ou en échange d'une rétribution sans rapport avec l'importance du travail fourni. Les peines correctionnelles encourues, peuvent être augmentées en cas de pluralité de victimes révélant une pratique coutumière et organisée en véritable trafic d'être humains. En outre, diverses peines complémentaires, telles que l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, peuvent être prononcées. En conséquence, il n'apparaît pas nécessaire d'élaborer de nouveaux textes mais d'appliquer avec fermeté ceux qui existent déjà.
COM 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O