FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 14654  de  M.   Carvalho Patrice ( Communiste - Oise ) QE
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  18/05/1998  page :  2743
Réponse publiée au JO le :  05/04/1999  page :  2054
Rubrique :  entreprises
Tête d'analyse :  redressement judiciaire
Analyse :  créances des salariés. garantie
Texte de la QUESTION : M. Patrice Carvalho attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la loi du 27 décembre 1973 qui a institué une garantie de paiement des salariés : « Tout employeur doit assurer ses salariés contre le risque de non-paiement en cas de redressement judiciaire » (art. L. 143-11-1) et créé l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS). Le décret du 25 novembre 1976 (art. D. 143-2) limite les garanties de l'AGS pour l'ensemble de « toutes les créances confondues » d'un salarié à « treize fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage lorsque les créances résultent des stipulations d'une convention collective dans le cas général et, dans les autres cas, quatre fois le plafond mentionné ci-dessus ». Ce « plafond 4 » sanctionnait les fraudes ou les contrats complaisants. Une dérive juridique s'est faite au fil des années sur l'expression : « les créances résultent des stipulations d'une convention collective », l'AGS a compris qu'un salaire « résulte d'une convention » s'il est rigoureusement égal au minimum garantie inscrit dans la convention. Même s'il n'est que légèrement au-dessus du minimum garanti, l'AGS considère qu'il résulte d'un libre débat entre les parties et non de la convention collective. Il est traité comme un salaire de complaisance et le salarié est bloqué au « plafond 4 ». Cette interprétation a permis d'éliminer progressivement le « plafond 13 », règle commune au départ, pour ne laisser subsister que le « plafond 4 », appliqué systématiquement par l'AGS. L'interprétation de l'article D. 143-2 par l'AGS a d'autres effets pervers : l'AGS déduit du paiement du « plafond 4 » les cotisations du salarié calculées sur l'ensemble de sa créance, non plafonnée, donc sur des salaires non versés ; l'Assedic calcule ses « délais de carence » (sans allocation chômage) même sur les périodes non indemnisées par l'AGS (hors plafond, mais soumis à cotisations). L'article D. 143-2 du code du travail pénalise financièrement les salariés (cela peut aller jusqu'à 500 000 francs), allonge les périodes de chômage non indemnisées (« délais de carence »), exclut du « plafond 13 » certaines catégories professionnelles. Ces préjudices sont d'autant plus importants et aggravés que le niveau de la rémunération des salariés est important par leur expérience, leur qualification ou leur ancienneté dans la carrière. Une solution équitable pourrait être que le « plafond 13 » défini à l'article D. 143-2 du code du travail soit ramené à dix fois le plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions au régime d'assurance chômage. Il s'appliquerait par exemple si les créances définies à l'article D. 143-2 résultent de stipulations d'une covention collective, c'est-à-dire si les appointements servant au calcul des créances sont compris entre une fois et 1,25 fois le salaire minimum garanti par la convention collective. Ces dispositions seraient applicables aux dossiers en cours d'instruction. Il lui demande comment le Gouvernement entend faire progresser ce dossier retenu.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire appelle l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur l'interprétation donnée au décret n° 76-1065 du 25 novembre 1976. Celui-ci limite la garantie de l'AGS, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, à 13 fois le plafond mensuel retenu pour les contributions au régime d'assurance chômage lorsque les créances résultent des stipulations d'une convention collective et 4 fois ce plafond dans les autres cas. Or le plafond 4 qui devrait sanctionner les fraudes ou les contrats complaisants est systématiquement appliqué, au motif qu'un salaire ne résulte d'une convention que s'il est rigoureusement égal au minimum garanti inscrit dans la convention. Cette interprétation peut faire perdre directement au salarié un montant de 500 000 F, soit la différence entre les deux plafonds. Elle aboutit à exclure du plafond 13 les salariés qui bénéficient d'une rémunération importante du fait de leur expérience, de leur qualification ou de leur ancienneté. Elle engendre aussi des effets pervers. Les Assedic déterminent les délais de carence en matière d'assurance chômage en fonction des indemnisations dues aux salariés, et non en fonction des indemnités réellement perçues, car seules avancées par l'AGS. De plus, l'honorable parlementaire souligne le fait que les sommes avancées au salarié sont amputées de la part patronale des cotisations sociales calculées sur l'ensemble des créances salariales et non sur leur montant plafonné. L'honorable parlementaire estime qu'une solution équitable pourrait être trouvée à ces difficultés. Il propose de ramener le plafond maximum à 10 fois le plafond de l'assurance chômage. Ce plafond serait appliqué aux salaires au plus égaux à 1,25 fois le salaire minimum garanti par la convention collective. L'article D. 143-2 du code du travail prévoit en effet l'existence d'un double plafond établi sur la base de 4 et 13 fois le plafond mensuel de l'assurance chômage (soit 16 et 52 fois le plafond de la sécurité sociale). Le plafond 13 est applicable aux seules créances résultant de dispositions législatives ou réglementaires ou de stipulations d'une convention collective et nées d'un contrat de travail dont la date de conclusion est antérieure de plus de 6 mois à la décision prononçant le redressement judiciaire. Le plafond 4 s'applique dans les autres cas. Jusqu'à présent, la Cour de cassation considérait comme relevant du plafond 13 les seules créances résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou d'une convention collective, et portant sur des salaires, d'autres éléments de rémunération ainsi que des indemnités dont le montant lui-même a été fixé par une loi, un règlement ou une convention collective (arrêt du 5 avril 1994, Assedic de la région d'Auvergne contre M. Sudre). Il ressortait de cet arrêt que les salaires, rémunérations et indemnités dont l'existence trouve son origine dans des dispositions législatives ou réglementaires ou dans les conventions collectives, mais dont le montant avait été fixé par la volonté commune des parties, relevaient du plafond 4. Une créance dont le montant était supérieur à celui qui aurait résulté de la simple application des textes législatifs, réglementaires ou conventionnels relevait donc du plafond 4 pour son intégralité. La Cour de cassation vient d'opérer un revirement de sa jurisprudence traditionnelle pour un arrêt du 15 décembre 1998, AGS de Paris contre M. Boué. Elle précise dans cet arrêt de nouvelles modalités d'application des plafonds 4 et 13 de la garantie AGS. Il ressort de cet arrêt : « que les créances résultant de dispositions législatives ou conventionnelles au sens de ce texte sont celles qui trouvent leur fondement dans une loi, un règlement ou une convention collective, peu important que leur montant ne soit pas lui-même fixé par une de ces sources de droit ; que la rémunération du salarié, contrepartie de son travail, entre dans les prévisions de l'article D. 143-2, alinéa 1er, du code du travail, même lorsque son montant est fixé par l'accord des parties ». Le plafond 13 apparaît donc aujourd'hui comme le plafond de droit commun en matière de garantie des créances salariales dès lors qu'elles résultent de dispositions législatives ou réglementaires ou de stipulations conventionnelles et alors même que leur montant a été fixé par un commun accord des parties. Cette nouvelle interprétation jurisprudentielle de l'article D. 143-2 du code du travail apparaît de nature à remédier aux difficultés évoquées par l'honorable parlementaire. Par ailleurs, en ce qui concerne le précompte de la part salariale des cotisations sociales, il convient de noter que les relevés des créances salariales servant de base aux avances de l'AGS sont désormais établis en « brut » et non en « net », les sommes avancées par l'AGS aux mandataires de justice correspondant au montant brut et non pas net des créances salariales. La répartition des sommes ainsi avancées entre le salarié et les organismes sociaux incombe au mandataire. Dans l'hypothèse où le montant des sommes dues au salarié est supérieur au plafond de la garantie, il appartient au mandataire de procéder à cette répartition en calculant la part salariale des cotisations sociales sur le montant avancé par l'AGS et non sur le montant total des créances salariales. L'article L. 143-11-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997, précise en effet que la garantie de l'AGS inclut les cotisations et contributions sociales salariales d'origine légale, ou d'origine conventionnelle imposée par la loi. Le précompte ne peut donc pas porter sur des sommes qui ne seraient pas versées au salarié par le mandataire. Les sommes restant dues tant au salarié qu'aux organismes sociaux pourront le cas échéant être réglées sur les actifs éventuellement disponibles, sans intervention de l'AGS.
COM 11 REP_PUB Picardie O