FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1494  de  M.   Hage Georges ( Communiste - Nord ) QG
Ministère interrogé :  emploi et solidarité
Ministère attributaire :  emploi et solidarité
Question publiée au JO le :  01/07/1999  page :  6696
Réponse publiée au JO le :  01/07/1999  page :  6696
Rubrique :  travail
Tête d'analyse :  conditions de travail
Analyse :  harcèlement psychologique. lutte et prévention
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Georges Hage.
M. Georges Hage. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
La lutte menée par les travailleurs de l'usine Daewoo, installée en Lorraine et convertie aux normes productivistes japonaises, a jeté une lumière crue sur des pratiques patronales dont je vous donne un aperçu.
Ramasser des mégots devant les collègues, rester des jours assis entre quatre murs à ne rien faire, être affecté à des tâches dévalorisantes, sanctionné pour une minute de retard, tout conspirant à vexer, offenser, humilier, à culpabiliser le travailleur, cet improductif impénitent, insuffisamment asservi à l'entreprise. Ces pratiques frappent sélectivement les salariés jugés - devenus - indésirables, particulièrement à leur retour de congés payés, de maladie, de congé maternité, ou après un accident du travail, autant de manquements à la religion de l'entreprise.
Il est à noter que la sempiternelle exploitation du travailleur se heurte aujourd'hui à une contradiction majeure: les progrès techniques exigent de lui toujours plus d'initiatives, de responsabilités, toujours plus d'intelligence, cependant que la stratégie d'entreprise attente à sa dignité, à sa créativité; et cette contradiction porte atteinte à l'intérêt global de la société.
La malédiction du chômage et l'existence, de longue date décrite par Marx, de l'armée industrielle de réserve qui attend aux portes de l'entreprise d'être employée,...
M. Yves Fromion. L'Armée rouge !
M. Georges Hage. ... ainsi que cette volonté patronale, plus que jamais perfide, d'asservir le travailleur sont consubstantielles au régime que nous souffrons encore. Ces pratiques, aux cent actes divers, se généralisent et sont aujourd'hui analysées, décrites sous le nom de harcèlement moral, délit inconnu jusqu'ici en droit du travail, et qui font l'objet de publications et d'études qui ne pouvaient nous échapper.
Pour ces raisons, le groupe communiste, avec un collectif de juristes, de médecins, d'inspecteurs du travail, de syndicalistes, prépare une proposition de loi visant à prévenir et sanctionner le harcèlement moral. Nous prévoyons sur ce thème un colloque en septembre, mais, madame le ministre, êtes-vous disposée à soutenir une proposition de loi que nous nous apprêtons à rédiger, dussiez-vous l'associer à votre projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. Eric Doligé. C'est du lavage de cerveau !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse courte, malheureusement, car nous sommes un peu en retard.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, avec votre talent et votre lyrisme habituels (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), vous avez su, une fois de plus, mettre le doigt sur des situations qui, il est vrai, sont inacceptables. J'ai moi-même été extrêmement choquée par les pratiques de l'usine Daewoo, qui ont d'ailleurs donné lieu à une médiation et à une intervention de l'inspection du travail.
Cette usine mettait en effet, à leur retour d'un accident du travail ou d'un arrêt maladie, les salariés entre quatre murs, comme vous l'avez dit, sans affectation et sans prendre en compte leur qualification, dans le seul but de les humilier. Ces pratiques sont inacceptables, surtout lorsqu'elles proviennent d'une direction, d'une hiérarchie, et nous savons bien qu'aujourd'hui, si les conditions physiques du travail s'améliorent dans notre pays à cause de la croissance du tertiaire, de la baisse du nombre des ouvriers, de l'amélioration générale des conditions physiques du travail, la charge mentale s'accroît pour beaucoup de nos concitoyens.
Il faut rappeler que le chef d'entreprise se doit, car c'est sa responsabilité, au-delà des comportements individuels qui entraînent des responsabilités individuelles, de faire respecter l'ensemble des droits et des règlements, de faire notamment appliquer le règlement intérieur de l'entreprise, et de prendre des sanctions contre des supérieurs hiérarchiques dont les comportements accroîtraient de manière inacceptable la charge mentale ou les pressions auxquelles sont soumis les salariés.
L'enquête sur les conditions de travail qui a été réalisée par l'INSEE et par mon ministère en 1998 montre que cette charge mentale et ces pressions s'accroissent. C'est en tout cas le sentiment des salariés eux-mêmes, puisque 60 %, contre 45 % il y a sept ans, craignent des sanctions et s'angoissent, qu'un salarié sur quatre déclare manquer de temps pour faire son travail. La réduction de la durée du travail peut apporter une réponse à une situation...
M. Richard Cazenave. Au contraire ! Elle va entraîner une profonde décadence !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... qui fait que 30 % des salariés vivent des situations de tension avec leur hiérarchie et qu'un tiers d'entre eux vivent des tensions très difficiles avec le public.
Sur tous ces points, la direction doit prendre des décisions afin effectivement d'arrêter de telles pratiques.
Vous venez de m'apprendre que le groupe communiste s'apprête à déposer une proposition de loi en la matière. Je peux vous dire, d'ores et déjà, que je lui porterai une grande attention et que je la considère avec un a priori favorable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Nous discuterons du fond.
Je sais, comme vous, que ni la loi ni le droit ne s'arrêtent aux portes des entreprises et que nous devons continuer à faire avancer les choses tant que nous le pouvons, dans l'esprit qui a été le vôtre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
COM 11 REP_PUB Nord-Pas-de-Calais O