FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1509  de  M.   Guillaume François ( Rassemblement pour la République - Meurthe-et-Moselle ) QOSD
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  01/10/2001  page :  5484
Réponse publiée au JO le :  03/10/2001  page :  5289
Rubrique :  banques et établissements financiers
Tête d'analyse :  crédit agricole
Analyse :  capital social. répartition. réglementation
Texte de la QUESTION : M. François Guillaume souhaite interroger M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modifications apportées aux textes qui régissent le Crédit agricole. En effet, en vertu de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000, prise en application de la loi d'habilitation n° 99-1071 du 16 décembre 1999, le Gouvernement a abrogé des dispositions importantes de la loi du 18 janvier 1988 relative à la mutualisation du Crédit agricole. Ainsi, le texte de l'alinéa 1 de l'article 7 et la première phrase du second alinéa de l'article 8 ont été transférés au code monétaire et financier sous les articles L. 512-48 et L. 512-49, alors que la seconde phrase de l'alinéa 2 de l'article 8, bien que relative au fonctionnement de cet établissement financier, est maintenue dans la loi de 1988. On peut légitimement s'interroger sur la motivation réelle de cette codification, a fortiori quand elle n'est que partielle, et sur les raisons qui ont présidé à l'intégration de certaines dispositions plutôt que d'autres au code monétaire et financier. Par ailleurs, le 2 mai dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en lecture définitive, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. L'article 28 de cette loi énonce les règles relatives aux prises de participation d'une société mère dans le capital de ses sociétés filles, en l'occurrence de la Caisse nationale du Crédit agricole à hauteur de 25 % dans le capital des caisses régionales. Mais il existe une interprétation différente de ce texte : l'article 28 autorise, dans la perspective de la privatisation et donc de l'introduction en Bourse du Crédit agricole, l'ouverture à hauteur de 25 % de son capital social à des tiers, ce qui laisse subsister le problème de la répartition du capital social du Crédit agricole, régie par l'article 6 de la loi du 18 janvier 1988. Aussi lui demande-t-il de préciser quel sens donner à cet article et comment le Gouvernement entend procéder pour mettre en adéquation les dispositions actuellement contradictoires de la loi du 18 janvier 1988 et celles de l'article 28 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relatives aux nouvelles régulations économiques.
Texte de la REPONSE :

MODALITÉS DE RÉPARTITION
DU CAPITAL SOCIAL DU CRÉDIT AGRICOLE

    M. le président. M. François Guillaume a présenté une question, n° 1509, ainsi rédigée :
    « M. François Guillaume souhaite interroger M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modifications apportées aux textes qui régissent le Crédit agricole. En effet, en vertu de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000, prise en application de la loi d'habilitation n° 99-1071 du 16 décembre 1999, le Gouvernement a abrogé des dispositions importantes de la loi du 18 janvier 1988 relative à la mutualisation du Crédit agricole. Ainsi, le texte de l'alinéa 1 de l'article 7 et la première phrase de l'article 8 ont été transférés au code monétaire et financier sous les articles L. 512-48 et L. 512-49, alors que la seconde phrase de l'alinéa 2 de l'article 8, bien que relative au fonctionnement de cet établissement financier, est maintenue dans la loi de 1988. On peut légitimement s'interroger sur la motivation réelle de cette codification, a fortiori quand elle n'est que partielle, et sur les raisons qui ont présidé à l'intégration de certaines dispositions plutôt que d'autres au code monétaire et financier. Par ailleurs, le 2 mai dernier, l'Assemblée nationale a adopté, en lecture définitive, le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. L'article 28 de cette loi énonce les règles relatives aux prises de participation d'une société mère dans le capital de ses sociétés filles, en l'occurrence de la Caisse nationale du Crédit agricole à hauteur de 25 % dans le capital des caisses régionales. Mais il existe une interprétation différente de ce texte : l'article 28 autorise, dans la perspective de la privatisation et donc de l'introduction en Bourse du Crédit agricole, l'ouverture à hauteur de 25 % de son capital social à des tiers, ce qui laisse subsister le problème de la répartition du capital social du Crédit agricole, régie par l'article 6 de la loi du 18 janvier 1988. Aussi lui demande-t-il de préciser quel sens donner à cet article et comment le Gouvernement entend procéder pour mettre en adéquation les dispositions actuellement contradictoires de la loi du 18 janvier 1988 et celles de l'article 28 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relatives aux nouvelles régulations économiques. »
    La parole est à M. François Guillaume, pour exposer sa question.
    M. François Guillaume. Je souhaite interroger le Gouvernement sur les modifications du statut de la coopération intervenues par le biais d'une ordonnance qui supprime certaines dispositions de la loi relative à la mutualisation du Crédit agricole pour les réintroduire dans le code monétaire et financier. Trois articles sur dix-sept ont ainsi été transférés, et encore, deux ne l'ont été que partiellement. Quel est l'objectif de cette gymnastique juridique ?
    Je souhaite aussi interroger le Gouvernement sur la portée exacte de l'article 28 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, qui a été adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale, au printemps dernier. Une disposition permet en effet à une société mère - en l'occurrence la Caisse nationale de Crédit agricole - de prendre des participations dans ses filiales, ici les caisses régionales. Je n'en comprends pas l'objet et j'aimerais que le Gouvernement nous précise les raisons de cette ouverture.
    Une autre interprétation de l'article 28, concurrente de celle que je viens d'évoquer, donnerait la possibilité à la Caisse nationale de crédit agricole, que l'on veut introduire en bourse, donc privatiser, d'ouvrir son capital à hauteur de 25 % à des tiers : fonds de pension, multinationales ou autres apporteurs de capitaux. Cela contrevient à la loi sur la mutualisation du Crédit agricole, qui prévoit que le capital de la Caisse nationale est possédé à hauteur de 90 % par les caisses régionales, de statut coopératif, et à hauteur de 10 % par le personnel.
    J'aimerais que le Gouvernement me précise quelle est la portée exacte de la loi et qu'il m'indique comment il entend rendre compatibles les dispositions actuelles avec celles contenues dans la loi de janvier 1988 relative à la mutualisation du Crédit agricole.
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation.
    M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le député, je me souviens d'avoir débattu avec vous, en 1988, de la mutualisation du Crédit agricole et des débats intéressants que nous avions eus alors, les rôles étant alors inversés.
    Vous interrogez tout d'abord le Gouvernement sur la codification dans le code monétaire et financier de certains articles ou parties d'articles de la loi n° 88-50 du 18 janvier 1988 relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole.
    Comme vous le savez, la codification doit être effectuée à droit constant, sous réserve des adaptations de forme et des harmonisations nécessaires. Seules les dispositions permanentes doivent être codifiées, et non les dispositions transitoires. C'est pourquoi seuls certains articles de la loi n° 88-50 du 18 janvier 1988 ont été repris. Ainsi, les articles 7 et 8 ont été codifiés respectivement aux articles L. 512-48 et L. 512-49.
    En revanche, la dernière phrase de l'article 8 n'a pas été reprise car elle concerne l'agrément par les ministres des finances et de l'agriculture de la nomination du directeur général de la Caisse nationale de crédit agricole « dès lors que la distribution des prêts bonifiés par l'Etat est réservée à la société », c'est-à-dire à la CNCA. La distribution des prêts bonifiés ayant été ouverte à d'autres établissements de crédit à partir de 1989 - en vertu du décret n° 89-946 du 22 décembre 1989 -, cette disposition est devenue caduque et n'a donc pas été codifiée. L'article 6 a été analysé comme incluant des dispositions transitoires et n'a donc pas été codifié, ni d'ailleurs abrogé.
    Par ailleurs, vous interrogez le Gouvernement sur une possible contradiction entre l'article 28 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques et l'article 6 de la loi n° 88-50 du 18 janvier 1988 relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole. Après examen de ces dispositions, il apparaît que cette contradiction n'existe pas.
    En effet, l'article 28 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques n'a qu'une seule finalité : ne pas prendre en compte les titres sans droits de vote détenus par un organe central pour le calcul du plafond de 50 % des titres sans droits de vote que ces établissements de crédit mutualistes ou coopératifs sont autorisés à émettre. Ces dispositions s'appliquent à tous les organes centraux - dont la CNCA - et permettront à ceux-ci de souscrire une part non déterminée du capital des établissements de crédit qui leur sont affiliés, au moyen de titres représentatifs d'un apport en capital, mais sans droits de vote. Ce texte ne comporte donc aucune obligation de souscription et ne modifie pas les équilibres de pouvoirs au sein de ces établissements puisqu'il ne vise que des titres sans droits de vote.
    Appliqué au Crédit agricole, cet article permet à la Caisse nationale de crédit agricole de souscrire 25 % du capital des caisses régionales qui ont émis des certificats coopératifs d'investissement, des CCI, sans que cette opération entraîne l'obligation de racheter les titres émis. Cela permettra ultérieurement aux caisses régionales qui le souhaiteraient d'émettre des certificats coopératifs d'investissement ou des certificats coopératifs d'associés - qui sont des titres sans droits de vote - sans être limité par la participation de la CNCA à leur capital pour l'appréciation du plafond de 50 % déjà explicité.
    En conclusion, monsieur le député, d'une part, il n'y a pas de contradiction, et, d'autre part, la possibilité donnée aux caisses régionales constitue une opportunité financière intéressante.
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume.
    M. François Guillaume. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis surpris de cette explication très technique. L'ordonnance comme l'article 28 n'ont pas été élaborés dans la transparence et je donnerai un exemple. Pour savoir que les dispositions supprimées par l'ordonnance sont réintroduites dans le code monétaire et financier, il faut lire le nota qui suit la publication de l'ordonnance au Journal officiel et qui précise : « Nota. - La partie législative du code monétaire et financier annexée à la présente ordonnance fait l'objet d'une pagination spéciale annexée au Journal officiel de ce jour ». C'est de la véritable jonglerie législative et juridique !
    Par ailleurs, en ce qui concerne l'article 28, j'aurais aimé que vous me donniez une explication un peu plus politique : en effet, après vous avoir écouté, je ne sais toujours pas laquelle des deux interprétations que je vous ai proposées est la bonne.
    J'ai posé une question de fond, à savoir pourquoi la Caisse nationale de Crédit agricole prendrait des participations dans ses caisses régionales. Ne serait-ce pas pour avoir un moyen de pression sur elles et gonfler ses résultats ? En effet, les caisses régionales sont des caisses coopératives, alors que la Caisse nationale est une société anonyme que vous voulez introduire en bourse, et ses résultats doivent nourrir les dividendes qu'elle distribuera à des financiers tiers comme les fonds de pension.
    Permettez-moi de vous dire que, dans cette affaire, et contrairement à ce qui s'est passé pour la loi de mutualisation - vous avez d'ailleurs reconnu qu'un large débat s'était engagé à cette occasion -, la transparence est inexistante, et je viens d'en donner la preuve. Les présidents des caisses régionales que j'ai interrogés n'ont compris ni la portée de l'ordonnance ni celle de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Je n'ai pas compris non plus les explications qui ont été données, tant à l'Assemblée qu'au Sénat, lors de l'examen de l'article 28.
    Il m'apparaît assez étonnant, pour ne pas dire scandaleux, que la majorité que vous défendez se fasse l'apôtre de la privatisation alors qu'en 1988 elle était montée au créneau contre la mutualisation du Crédit agricole, qui permettait en fait de maintenir le Crédit agricole dans le statut coopératif tout en lui donnant une liberté d'action bancaire sur les plans national et international.
    Croyez-moi, nous reviendrons ici sur ce sujet parce que, en tant que père de la mutualisation du Crédit agricole et en tant que paysan, je n'accepterai pas que le travail des générations qui se sont succédé au long du siècle dernier ne revienne pas aux paysans eux-mêmes, qui sont les porteurs de parts sociales, et qu'il file désormais entre les mains d'apporteurs de capitaux extérieurs.

RPR 11 REP_PUB Lorraine O