SITUATION DE MATRA AUTO
À ROMORANTIN-LANTHENAY DANS LE LOIR-ET-CHER
M. le président.
M. Patrice Martin-Lalande a présenté une question, n° 1513, ainsi
rédigée :
« M. Patrice
Martin-Lalande s'inquiète à nouveau auprès de M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie de l'inaction du Gouvernement pour sauvegarder
les emplois de Matra Auto à Romorantin-Lanthenay, menacés par la délocalisation
à Sandouville de la production de l'Espace Matra-Renault. Certes, le classement,
enfin obtenu, en zone objectif 2 et PAT devrait permettre de créer à terme
de nouveaux emplois dans le bassin de Romorantin-Lanthenay. Il souhaiterait
savoir ce que comptent faire le Gouvernement et l'Etat, actionnaire principal de
Renault, pour que Renault ne délocalise pas à Sandouville avant que le plan de
charge de Matra-Romorantin ne soit assuré au moins pour les 1 918 emplois
existants et ce que compte faire l'Etat actionnaire pour que Renault, après
avoir bénéficié formidablement sur le plan de la conquête de nouveaux marchés
comme sur le plan financier de la commercialisation de l'Espace, s'engage
activement afin d'assurer l'avenir des personnels de Matra Auto, y compris en
cas de vente de la société Matra Auto par le groupe Lagardère. »
La parole est à M. Patrice
Martin-Lalande, pour exposer sa question.
M. Patrice
Martin-Lalande. Matra Auto était le premier employeur privé de la
région Centre, avec près de 3 000 salariés travaillant sur les sites de
Romorantin-Lanthenay et de Thillay en Loir-et-Cher. C'est pourquoi, depuis 1993,
j'ai défendu, comme député auprès des gouvernements successifs un certain nombre
de demandes pour maintenir ce formidable pôle d'emplois.
Je rappellerai mes différentes
démarches.
Ma dénonciation, en
mai et octobre 1993, de l'aide européenne de 5 milliards de francs à
l'implantation d'une usine Ford-Volkswagen au Portugal, faussant la concurrence
avec le créateur du monospace, Matra Auto, jamais aidé. En 1991, les autorités
françaises n'ont malheureusement pas soutenu le recours déposé par Matra Auto
devant la Cour européenne de justice.
Ma demande, dès octobre 1994, de
classement européen en zone objectif 2 pour le bassin d'emplois de
Romorantin, classement enfin obtenu en 1999 ainsi que me l'avait annoncé
Mme Voynet en avril 1999, et me l'avait confirmé Christian Pierret,
secrétaire d'Etat à l'industrie ici même le 16 novembre dernier.
Ma demande d'inscription en 1996 au
programme KONVER des financements nécessaires pour accompagner le développement
à Romorantin d'un pôle automobile autour de Matra.
Aujourd'hui, le Loir-et-Cher est
inquiet : une partie des emplois de Matra Automobile est déjà supprimée,
notamment les CDD, et une autre est menacée par le transfert de la production de
l'Espace, décidé par Renault, de Romorantin à Sandouville.
Jai demandé au Premier ministre,
lors des questions au Gouvernement, le 24 avril dernier, puis par courrier
du 25 juin, comment l'Etat compte agir, d'une part, comme actionnaire
principal de Renault et, d'autre part, comme puissance publique face à la menace
de suppressions nombreuses de CDD et même de CDI à Romorantin. Les réponses de
Christian Pierret ne nous ont pas convaincus, pas plus que celle du Premier
ministre qui m'a répondu le 29 août en m'assurant être particulièrement
attentif à la situation de Matra Automobile et avoir recommandé à
M. Pierret un examen bienveillant de ma demande d'audience que nous serions
d'ailleurs heureux de voir aboutir rapidement, avec les autres élus du secteur
de Romorantin.
En effet, nous
avons le sentiment que le Gouvernement se dérobe face à cette épreuve de vérité
pourtant bien simple : quel est l'avantage économique et social d'avoir comme
actionnaire principal d'une entreprise l'Etat, plutôt qu'un actionnaire privé
?
Le Gouvernement, s'il veut
rester crédible, doit faire la démonstration que l'Etat, qui détient 43 % de
Renault, agit mieux qu'un actionnaire privé. Or, pour que l'Etat soit un
actionnaire exemplaire, le Gouvernement doit obtenir de Renault l'engagement que
son réseau mettra tout en oeuvre pour commercialiser le plus activement possible
l'Avantime dès les prochaines semaines, car c'est le véhicule qui va fournir
l'essentiel des emplois de remplacement suite à la délocalisation de l'Espace.
C'est en faisant passer très rapidement la production du minimum contractuel
actuel de quatre-vingts véhicules par jour à cent vingt ou cent quarante que le
transfert à Sandouville supprimera le moins d'emplois à Romorantin.
Pour que l'Etat soit un actionnaire
exemplaire, le Gouvernement doit également obtenir de Renault que le transfert à
Sandouville n'intervienne pas avant 2003, afin de laisser le temps nécessaire à
la montée en puissance de la production de l'Avantime, du deuxième véhicule -
petit véhicule du nom de M72 - et du troisième véhicule, toujours à l'étude.
Au-delà de sa responsabilité
d'actionnaire, l'Etat doit ainsi assumer sa responsabilité de puissance
publique. Ainsi le Gouvernement s'est-il déjà engagé, comme me l'a affirmé ici
M. Pierret, à mobiliser l'ensemble des dispositifs d'accompagnement public
afin de faciliter la réalisation d'une nouvelle usine. Cela est important, et
j'en remercie le Gouvernement. Néanmoins, il va falloir assez rapidement passer
aux actes ; c'est notre souhait à tous.
Le Gouvernement doit ensuite
s'engager à cofinancer la formation des salariés de Matra aux nouvelles méthodes
de production rendues nécessaires par la délocalisation de l'Espace.
Il doit enfin s'engager sur la
formation et le reclassement rapide des salariés dont les contrats à durée
déterminée n'ont malheureusement pas été renouvelés, à cause du transfert à
Sandouville.
En conclusion, nous
attendons de l'Etat, en tant qu'actionnaire et puissance publique, qu'il mène
une action exemplaire pour compenser totalement la délocalisation par Renault à
Sandouville d'activités qui faisaient vivre jusqu'à 3 000 salariés dans le
Loir-et-Cher et aux alentours.
M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement. Monsieur le député, l'avenir du site Matra Automobile est
important pour le bassin d'emplois de Romorantin et le Gouvernement
lui accorde la plus grande attention. Vous avez déjà abordé le sujet avec
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, à de multiples
reprises.
Il faut d'abord
souligner que Renault est aujourd'hui soumis, comme toutes les entreprises du
secteur de l'automobile, aux contraintes d'un marché caractérisé notamment par
une très forte concurrence, par la nécessité d'adapter constamment les produits
et d'améliorer sans cesse la compétitivité afin de dégager les marges
nécessaires au développement.
Le
transfert de la fabrication de l'Espace à Sandouville, prévu en 2002,
s'explique dans ce contexte par des raisons industrielles fortes : le volume de
vente atteint par l'Espace nécessite de nouvelles modalités de production sur un
plan technique ainsi que le recours à une plateforme commune à plusieurs modèles
comme l'Espace, la Laguna II et la Vel Satis.
M. Patrice
Martin-Lalande. Autre concurrent potentiel !
M. le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement. Pour ce qui concerne l'avenir du
site de Romorantin, dont les dirigeants et les actionnaires de Matra Automobile
sont en premier lieu responsables, le lancement de l'Avantime (M. le ministre prononce à la française), avec des
perspectives commerciales favorables, et l'accord trouvé avec Renault pour la
commercialisation dans son réseau du petit véhicule innovant M 72 sont des
points très positifs.
Vous
prononcez Avantime à l'anglaise, monsieur le député ?
M. Patrice
Martin-Lalande. C'est le choix fait par l'entreprise.
M. le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement. Je vérifierai.
Il importe également que Matra
poursuive ses efforts pour nouer des partenariats avec d'autres constructeurs,
afin de ne pas dépendre d'une seule entreprise.
Même s'il s'agit d'entreprises
privées, l'Etat ne peut pour autant être considéré comme inactif. Matra a ainsi
préparé un projet de nouvelle usine qui permettrait de réaliser les fabrications
dans de meilleures conditions de travail et de coût. D'importantes réunions de
travail ont récemment été organisées par les services de M. Christian
Pierret et de la préfecture de région. Vous deviez y participer puisque je vous
vois hocher la tête.
M. Patrice
Martin-Lalande. Je suis au courant !
M. le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement. Ces réunions avaient pour but
d'examiner, pour ce projet, les modalités d'accompagnement public les plus
favorables, au vu des réglementations en vigueur, et de contribuer ainsi, avec
les collectivités locales, à renforcer l'avenir de l'activité automobile
à Romorantin.
D'une manière
plus générale, le bassin de Romorantin-Lanthenay fait l'objet d'une action
prioritaire de l'Etat, afin de faciliter la création de nouveaux emplois et la
diversification du tissu industriel. Comme vous l'indiquez, le classement en
zones objectif 2 et PAT a été obtenu.
M. Patrice
Martin-Lalande. Tout à fait !
M. le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement. Par ailleurs, sur proposition de
Christian Pierret, une réflexion sur l'accueil de nouvelles activités a été
lancée en lien avec M. Lombard, délégué aux investissements internationaux,
et les services du secrétariat d'Etat à l'industrie.
Pour conclure, M. Pierret m'a
confirmé son accord pour vous recevoir, ainsi que le maire de Romorantin, et
faire le point avec vous sur ce dossier important.
M. le président. La
parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
M. Patrice
Martin-Lalande. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette
réponse. Elle reprend assez largement, et c'est bien normal, les réponses
antérieures du Gouvernement et, en particulier, de M. Pierret, avec lequel
le dialogue est permanent.
Qu'il
me soit simplement permis de souligner que l'engagement de Renault - dont
l'Etat, je le rappelle une nouvelle fois, est actionnaire
à 43 % - à mettre tout en oeuvre pour la commercialisation rapide
de l'Avantime - sans garantie du Gouvernement pour la prononciation -,
est un élément très important pour le producteur de cette voiture, Matra, à
Romorantin, car le succès de l'Avantime, auquel sont liés 1 200 ou 1
300 emplois, dépend intégralement du réseau de distribution et de
commercialisation de Renault. Il faut donc une implication forte de Renault
dès le départ. L'Etat actionnaire me semble pouvoir aussi accompagner l'effort
nécessaire de Renault en en soulignant l'importance.
Par ailleurs, le transfert à
Sandouville de la fabrication de la future quatrième génération de l'Espace doit
pouvoir être repoussé à 2003 afin d'éviter qu'il y ait un creux de charge
à Romorantin. Il faut savoir que c'est ce transfert qui est la cause des
suppressions d'emplois dont j'ai parlé. Là aussi, l'Etat actionnaire a un rôle à
jouer - c'est ce qu'il demanderait à n'importe quel actionnaire
privé - pour que le calendrier tienne compte d'un certain nombre de
considérations économiques et sociales liées à cette délocalisation.
Voilà des points sur lesquels une
entente devrait pouvoir être trouvée lors des prochaines rencontres avec le
Gouvernement. Celle-ci est nécessaire pour que ce bassin d'emplois déjà
traumatisé par l'effondrement des activités de défense - la fermeture
de GIAT a entraîné la suppression d'un millier d'emplois, le départ
de Matra à Bourges va en concerner 500 autres et d'autres ont déjà
disparu -, retrouve rapidement un tissu économique capable de répondre aux
besoins de la population et aux attentes des salariés.