TAUX DE TVA DANS LE SECTEUR
DE LA RESTAURATION
M. le président. Jean
Roatta a présenté une question n° 1515, ainsi rédigée :
« M. Jean Roatta attire
l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur
le différentiel existant entre les taux de TVA applicables, d'une part, à la
restauration industrielle et d'entreprise ou à la restauration rapide et,
d'autre part, à la restauration traditionnelle. Celui-ci représente une charge
execessive pour cette dernière, pénalise son expansion et fragilise même son
existence. Aussi il lui demande ses intentions quant à l'abaissement du taux de
TVA applicable au secteur de la restauration traditionnelle. »
La parole est à M. Jean
Roatta, pour exposer sa question.
M. Jean Roatta.
Monsieur le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce,
à l'artisanat et à la consommation, vous savez combien la restauration
traditionnelle française, qui participe avec une incomparable virtuosité au
rayonnement culturel de notre beau pays à travers le monde, pâtit cruellement du
différentiel entre les taux de TVA applicables, d'une part, à sa propre
activité, d'autre part à la restauration industrielle et d'entreprise ou à la
restauration rapide à emporter.
Cette disparité injuste, qui
représente une charge excessive pour la restauration traditionnelle, pénalise
son expansion et fragilise même son existence. De plus, les sombres événements
qui viennent d'endeuiller notre planète sont de nature à provoquer une
décroissance de la circulation des individus à travers le monde. Par voie de
conséquence, le spectre d'une dégradation de l'activité plane de plus en plus
sur le secteur de la restauration traditionnelle.
Cette surprenante différence de
taux de TVA ne fait qu'accroître les difficultés d'un domaine d'activité
employant plusieurs dizaines de milliers de personnes, dont la vitalité et
l'esprit d'entreprise sont pourtant le ferment d'un formidable réservoir
d'emplois que l'on pourrait inciter à s'épanouir ; tel n'est malheureusement pas
le cas.
Alors que huit pays de
l'Union européenne - l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas entre
autres - ont déjà obtenu une dérogation à l'application de la directive
impliquant la fixation du taux normal de TVA dans ce domaine d'activité, le
gouvernement français refuse d'envisager une réduction du taux applicable aux
services fournis par les établissements de restauration traditionnelle. Le
principal motif invoqué, notamment par le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie, est que la directive du 19 octobre 1992 relative au
rapprochement des taux de TVA ne permet pas à la France d'appliquer à la
restauration traditionnelle un taux de TVA différent du taux normal.
Le ministre a précisé : « Elle n'a,
sur ce point, pas été modifiée par la directive relative aux services à forte
densité de main-d'oeuvre, dès lors que la restauration ne figure pas sur la
liste arrêtée lors du conseil Ecofin du 8 octobre 1999. »
Pour éviter de voir ce secteur
économique s'effondrer tout entier face à la convergence des trois paramètres
que sont la soumission à un taux de TVA trop élevé, la possibilité d'une
réduction du nombre de touristes et la mise en oeuvre des 35 heures, le
Gouvernement ne pourrait-il pas envisager de donner un signe fort de sa volonté
de redonner le moral à ce secteur d'activité en admettant la nécessité
d'appliquer un taux réduit de TVA à la restauration traditionnelle et en
intervenant dès à présent auprès de Bruxelles pour rendre cette réforme
effective ?
M. François
Guillaume. Très bien !
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat et à la consommation.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes
entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le
député, la question de la réduction du taux de TVA de 18,6 % à 5,5 % pour la
restauration est souvent évoquée dans cette assemblée. A plusieurs
reprises, le ministre de l'économie et des finances a répondu qu'une telle
évolution n'était pas envisageable pour un certain nombre de raisons. J'ajoute
que les événements dramatiques qui viennent de survenir et qui font peser de
lourdes menaces sur l'économie - mais vous avez pu lire, comme moi, ce matin,
que les consommateurs français réagissaient plutôt favorablement - ne permettent
pas d'envisager cette réduction dans l'immédiat.
Une telle baisse de la TVA n'est
possible ni sur le plan budgétaire ni sur le plan juridique. Vous avez
d'ailleurs apporté vous-même des éléments qui confortent cette position.
Sur le plan budgétaire, le coût de
cette mesure est estimé à 20 milliards de francs, 3 milliards d'euros.
De surcroît, les professionnels de la restauration admettent qu'ils ne la
répercuteraient pas sur les prix, mais qu'elle leur servirait à compenser une
partie de leurs charges. Quel serait donc l'intérêt pour le contribuable d'une
mesure de TVA qui coûterait 3 milliards d'euros à l'Etat et qui n'aurait
pas de répercussion pour les consommateurs. A moins d'amputer massivement
les dépenses ou d'augmenter les impôts, nous paraît donc incompatible avec la
poursuite de la réduction du déficit et de la dette de l'Etat que, comme les
députés de la majorité, vous appelez de vos voeux.
Par ailleurs, il existe un obstacle
juridique sérieux, monsieur le député : l'absence de la restauration parmi les
services éligibles au taux réduit de TVA mentionnés dans l'annexe H à la
sixième directive TVA, que vous avez citée. Or cette situation n'a pas été
modifiée par l'adoption de la directive sur les services à forte intensité de
main d'oeuvre. Elle ne pourrait l'être que si la Commission européenne prenait
l'initiative de formuler une proposition en ce sens, laquelle devrait ensuite
être adoptée à l'unanimité par les membres de l'Union. L'application d'un taux
réduit à la consommation demeure donc juridiquement très difficile à mettre en
oeuvre aujourd'hui.
En tout état
de cause, les règles relatives à la TVA n'entraînent pas de distorsion de
concurrence dans le secteur de la restauration.
En premier lieu - et cela est très
important -, toutes les opérations de vente à consommer sur place du
secteur de la restauration commerciale sont, quelle que soit leur forme, leur
application ou l'établissement dans lequel elles sont réalisées, soumises au
taux normal de TVA. Seules les ventes à emporter de produits alimentaires ou de
plats préparés bénéficient d'un taux réduit.
Ces règles, qui sont conformes au
droit communautaire, s'expliquent par le fait qu'un restaurateur ne livre pas
uniquement un produit mais offre à ses clients une pluralité de services. Bien
entendu, elles s'appliquent également aux établissements de restauration rapide,
quelle que soit leur spécialité : hamburgers, pizzas, viennoiseries ou
sandwiches. Ainsi, lorsque ces établissements réalisent à la fois des ventes à
consommer sur place et des ventes à emporter, ils doivent ventiler leur chiffre
d'affaires pour soumettre les premières au taux normal et les secondes au taux
réduit, ce qui assure une stricte égalité quant aux conditions de la
concurrence.
M. François
Guillaume. Et la fraude ?
M. le secrétaire d'Etat aux
petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la
consommation Rassurez-vous, monsieur le député : les services de la
DGCCRF, très mobilisée aujourd'hui sur l'euro, le sont également sur ce sujet,
d'autant qu'il relève pour partie de ma compétence de lutter contre cette
fraude.
En ce qui concerne la
restauration collective, l'exonération de TVA dont bénéficiaient les repas
servis au personnel a été rapportée à la demande des professionnels de la
restauration, qui considéraient que les cantines leur faisaient une concurrence
déloyale. Le dispositif retenu par le Gouvernement, c'est-à-dire la taxation à
taux réduit des repas fournis au personnel, a fait l'objet d'une large
consultation : il est conforme au droit, tout en respectant la dimension sociale
de la restauration collective. En tout état de cause, il paraît difficile de
soutenir que les cantines d'entreprise et les restaurants traditionnels sont en
concurrence, et que le régime de TVA fausse cette dernière.
Cela étant, le Gouvernement reste
attentif à la situation du secteur de la restauration, qui bénéficiera
pleinement des baisses d'impôt décidées, en particulier la suppression
progressive de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle et
la réduction des cotisations patronales mises en oeuvre depuis quelques années.
Il semble d'ailleurs que l'allégement des charges sociales constitue une réponse
plus appropriée aux difficultés de ce secteur qu'une baisse de la TVA, notamment
dans le cadre de la mise en oeuvre des 35 heures, laquelle a fait récemment
l'objet d'un accord que le Gouvernement souhaite étendre.
En liaison avec la signature de cet
accord, le Gouvernement a décider d'alléger les charges salariales pesant sur la
valeur des repas servis aux employés des restaurants, ce qui représente un
avantage de 500 millions de francs en année pleine. Cette mesure, qui a
pris effet le 1er janvier 2001, s'ajoute aux allégements prévus par la
loi Aubry pour la RTT, lesquels seront eux-mêmes adaptés afin de tenir compte
des horaires de travail particuliers dans ce secteur.
Certes, monsieur le député, nous
n'avons pas généralisé le taux réduit dans tous les secteurs, comme nous l'avons
fait en faveur du bâtiment, à la demande de la profession, ce qui a eu des
effets bénéfiques en matière de lutte contre le travail au noir et de relance de
l'activité. Néanmoins, je vous rappelle que nous avons tout de même baissé d'un
point le taux normal de TVA depuis que nous sommes aux responsabilités, et tout
le monde peut espérer que nous reviendrons un jour aux 18,6 % que nous
avions laissés auparavant.
M. François
Guillaume. Vous augmentez la pression fiscale !