SITUATION FINANCIÈRE DU CHU DE BREST
M. le président.
M. François Cuillandre a présenté une question, n° 1523, ainsi rédigée :
« M. François Cuillandre attire l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur la situation budgétaire des hôpitaux publics français et sur celle du CHU de Brest, en particulier, du fait d'une progression extraordinaire des dépenses à caractère médical. Une des causes des difficultés budgétaires du CHU, hormis l'insuffisance de la base budgétaire, réside dans l'augmentation du groupe de dépenses médicales hors de proportion avec le budget alloué. Cette hausse au CHU de Brest est de 13 % sur les huit premiers mois de l'année, ce qui représente sur l'année la somme considérable de 25 000 000 F. Or cette hausse ne peut être attribuée à une quelconque dérive de gestion, tous les outils de contrôle ayant été activés très tôt. A l'examen, il apparaît que la cancérologie est la discipline la plus consommatrice : une augmentation de 9 000 000 F en 2001, soit une progression de 32 % pour les seules unités regroupées au sein de l'institut de cancérologie et d'hématologie. A cet égard, il se permet d'insister sur la singularité du CHU de Brest qui, contrairement à la plupart des villes universitaires, ne dispose pas de centre de lutte contre le cancer. De ce fait, le CHU est obligé d'accueillir tous les patients de son ressort souffrant de cette pathologie dont on connaît l'incidence croissante. Cette particularité justifierait à elle seule un examen spécifique de la situation de l'établissement qui n'est pas habilité à pratiquer les allogreffes de moelle osseuse, et ce malgré la qualification de l'équipe médicale d'hématologie clinique. Cette situation regrettable oblige les malades de la région brestoise à se faire soigner dans des centres éloignés. Face à ce double défi du CHU de Brest, il lui demande s'il envisage, d'une part, de revoir la carte des centres greffeurs en y incluant Brest et, d'autre part, de mettre en place une aide budgétaire exceptionnelle pour faire face à la hausse des dépenses médicales. »
La parole est à M. François Cuillandre, pour exposer sa question.
M. François Cuillandre. Monsieur le ministre délégué à la santé, je me permets d'attirer votre attention sur la situation financière dégradée des CHU en général et du CHU de Brest en particulier, du fait notamment d'une progression très importante des dépenses à caractère médical.
En effet, outre l'insuffisance de la base budgétaire, une des causes des difficultés budgétaires du CHU réside dans une augmentation des dépenses médicales sans rapport avec le budget alloué.
Cette hausse, qui est de 13 % sur les huit premiers mois de l'année - soit une somme d'environ 25 millions de francs en année pleine -, ne peut être attribuée à une quelconque dérive de gestion, tous les outils de contrôle ayant été activés.
A l'examen, il apparaît que la
cancérologie est la discipline la plus consommatrice : avec une progression de
plus de 9 millions de francs en 2001, soit 32 % d'augmentation, pour
les seules unités regroupées au sein de l'institut de cancérologie et
d'hématologie qui vient d'être créé.
Brest, contrairement à la plupart
des villes universitaires, ne dispose pas d'un centre de lutte contre le cancer.
De ce fait, le CHU se doit d'accueillir tous les patients souffrant de cette
pathologie. Je vous rappelle à ce sujet que la Bretagne est la région de France
la plus affectée par le cancer.
Que faire, monsieur le ministre ?
Faut-il fermer des lits en cancérologie, alors que la fédération répond à un
véritable besoin de santé publique et que les malades, autrefois soignés dans
d'autres établissements de la région, y trouvent de meilleures conditions de
traitement ? Le conseil d'administration, que je préside, ne se sent pas à même
de trancher.
De manière connexe,
monsieur le ministre, je sollicite de votre part une réponse à la question que
j'ai posée à de multiples reprises à votre ministère concernant l'autorisation,
toujours en attente, de pratiquer des allogreffes de moelle osseuse. Les
compétences et les moyens sont là. Pourtant, les malades doivent continuer de
venir se faire soigner à Paris, ce qui pose des problèmes aux familles.
Je me fais là l'interprète du
conseil d'administration et de la CME, qui estiment à juste titre que
l'insuffisance budgétaire prévisible ne doit pas porter atteinte à l'offre de
soins que la population est en droit d'attendre du CHU. Je connais votre
attachement au service public de la santé, monsieur le ministre.
Qu'envisagez-vous pour nous aider à faire face à cette situation ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué à la santé.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le
député, vous êtes préoccupé par la situation budgétaire du CHU de Brest en
général, et par la progression des dépenses à caractère médical en
particulier.
Cet établissement,
vous le savez mieux que personne, devrait conclure d'ici à la fin de l'année un
contrat d'objectifs et de moyens qui le fera bénéficier d'un accompagnement
financier de l'ordre de 75 millions de francs sur cinq ans, dont
15 millions dès cette année.
Vous appelez mon attention sur les
dépenses médicales et sur la nécessité d'octroyer une enveloppe supplémentaire
aux établissements devant financer des innovations particulièrement coûteuses,
tant - et surtout - médicamenteuses que technologiques, et de prendre
en compte ces difficultés, qui affectent notamment la cancérologie, au titre de
la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.
Au cours des deux dernières années
sont apparues des innovations particulièrement coûteuses - 100 à 150
000 francs par patient et par an - pouvant toucher des populations
importantes de patients, compte tenu des pathologies concernées : le cancer bien
sûr - particulièrement les lymphomes et les leucémies - mais aussi la
polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Parkinson ou la fibrillation cardiaque,
ce phénomène a conduit le ministère de l'emploi et de la solidarité à prévoir,
dès 2000, la mise en place d'un nouveau programme de soutien aux
innovations diagnostiques et thérapeutiques, d'un montant de 75 millions de
francs en l'an 2000. Ce programme a été porté à 150 millions de francs
en loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a été majoré
- par Mme Elisabeth Guigou et moi-même - de 70 millions pour
soutenir la diffusion du médicament Remicade destiné à la polyarthrite
rhumatoïde. Par ailleurs, une nouvelle enveloppe de 80 millions, en cours
de répartition entre CHU, CHR et centres de lutte contre le cancer sera plus
spécifiquement affectée aux produits innovants coûteux en cancérologie.
Au titre de ces différentes
actions, le CHU de Brest bénéficiera exceptionnellement d'environ
3 millions de francs pour le Remicade et de 1,5 million de francs pour
des molécules coûteuses et innovantes en cancérologie. Il s'agit dans les deux
cas de crédits qui seront reconduits, en 2002, dans la base budgétaire de
l'établissement.
Il bénéficiera
enfin, pour cette même année, d'une enveloppe considérable de 1,5 milliard
de francs, qui sera débloquée pour le progrès médical.
Monsieur Cuillandre, vous avez
appelé également notre attention sur la nécessité de développer une activité de
traitement des affections de la moelle osseuse au CHU de Brest.
La situation de la carte sanitaire
des activités de soins, dont le bilan a été établi le 13 juin 2001, ne
permet pas le dépôt d'une demande d'autorisation nouvelle, dans la mesure où les
besoins théoriques sont satisfaits.
Pour permettre l'instruction du
dossier en cause, j'envisage de mettre en oeuvre les dispositions du code de la
santé publique relatives à la délivrance d'autorisations dérogatoires à la carte
sanitaire dans l'intérêt de la santé publique. C'est toujours pareil : dans
notre pays, nous avons une carte sanitaire, mais elle n'est pas respectée ;
alors, on en établit une autre. Et s'il n'y avait pas de carte ? Un jour,
peut-être...
J'ai demandé à
l'ARH de Bretagne de faire établir, en liaison avec l'Etablissement français des
greffes et les organismes d'assurance maladie, un rapport détaillé sur les
besoins de la population de la région en matière de greffes et sur les
transferts des patients concernés, particulièrement dans les secteurs dont les
habitants peuvent recourir au CHU de Brest. Ce rapport sera soumis pour avis au
Comité national de l'organisation sanitaire et sociale lors de sa séance du
8 novembre prochain.
Sur
ces bases, le bilan de la carte sanitaire qui sera réglementairement publié au
15 décembre pourrait être assorti de la déclaration d'un besoin
exceptionnel, dans ces mêmes secteurs, permettant ainsi aux établissements
brestois de déposer une demande d'autorisation dans la prochaine période
réglementaire, du 1er janvier au 28 février 2002.
J'espère,
monsieur le député, avoir répondu à vos préoccupations. Mais je
remarque que les simples demandes de deux parlementaires qui sont en face de
moi, ajoutées à toutes les autres demandes, tordent le coeur du ministre que je
suis. Je suis médecin. J'en ai assez de devoir refuser des choses évidentes. Il
faudrait que nous réfléchissions tous ensemble à la progression inéluctable des
dépenses de santé, dont il faudrait maîtriser la courbe. Et il faudrait que les
Français, qui sont concernés à Brest comme à Abbeville, puissent savoir de quoi
on a besoin. Les demandes présentées tout à l'heure par d'autres députés,
s'agissant du personnel, allaient exactement dans le même sens. Si nous ne
procédons pas ainsi, si, au minimum, on n'associe pas à la réflexion les
associations de malades et la caisse d'assurance maladie, nous devrons encore et
toujours, de ci de là, tenter de gommer une différence ou octroyer une enveloppe
supplémentaire. Dans un beau pays comme le nôtre, dont le système de santé est
aussi performant mais dont les personnels médicaux nous adressent des demandes
angoissantes, ce n'est pas acceptable !
M. le président. La
parole est à M. François Cuillandre.
M. François
Cuillandre. Je remercie M. le ministre de son propos, qui répond en partie - mais en partie seulement parce que nous avons aussi des difficultés de personnel - aux problèmes du CHU. En ce qui concerne les allogreffes, je le remercie très sincèrement et j'espère que l'on débouchera rapidement sur une décision positive.