Texte de la QUESTION :
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M. Michel Crépeau attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes spécifiques rencontrés par les handicapés placés en garde à vue. En effet, très récemment, dans un commissariat de la banlieue parisienne, une jeune déficient mental (carte d'invalidité à 80 %) a été convoqué, placé en garde à vue puis mis en examen 36 heures après avoir été coupé de sa famille ! A la directrice du CAT dans lequel travaillait ce jeune homme, qui rappelait son handicap, l'officier de police judiciaire a sèchement répondu que le code de procédure pénale est le même pour tous. Il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'elle compte prendre pour rendre plus humaines les conditions générales de garde à vue, si critiquées par de nombreux rapports internationaux, et plus particulièrement pour les handicapés.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux souhaite faire connaître à l'honorable parlementaire, qui a bien voulu l'interroger sur la délicate question du placement en garde à vue des personnes souffrant de handicaps physiques ou mentaux, qu'elle comprend et partage ses légitimes préoccupations quant aux garanties à apporter à ces personnes dont la vulnérabilité n'est pas contestée. Elle lui rappelle qu'elle a présenté, lors du conseil des ministres du 29 octobre 1997, une communication exposant les orientations générales d'une réforme profonde de l'institution judiciaire ayant pour finalité première de restaurer la confiance des citoyens en la justice de la République. Le 15 janvier 1998 devant l'Assemblée nationale et le 22 janvier 1998 devant le Sénat, elle a indiqué à la représentation nationale que l'une des préoccupations essentielles de cette réforme serait d'assurer un meilleur respect du principe de la présomption d'innoncence dont doit bénéficier tout citoyen mis en cause par l'institution judiciaire. A cette fin, et parmi d'autres mesures relatives notamment à la limitation de la détention provisoire, il est envisagé qu'une personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès la première heure de survenance de cette mesure privative de liberté. Ce conseil pourra dès lors évoquer immédiatement avec l'officier de police judiciaire ayant décidé le placement en garde à vue la compatibilité de l'état de santé de son client avec les conditions matérielles ou psychologiques de la rétention. A cet égard, il convient d'indiquer que, d'ores et déjà, les dispositions de l'article 63-3 du code de procédure pénale prévoient l'examen de la personne gardée à vue par un médecin, à sa demande ou sur décision de l'officier de police judiciaire ou du procureur de la République, et ce dès le début de la mesure de garde à vue. A l'issue de son examen, le médecin requis peut parvenir à la conclusion que l'état de santé physique ou psychologique de la personne retenue est incompatible avec une mesure de garde à vue. L'officier de police judiciaire, après avoir informé le procureur de la République, ne peut alors que remettre la personne en liberté. Enfin, l'article 41 du code de procédure pénale prévoit expressément que le procureur de la République contrôle les gardes à vue. Ce magistrat, gardien des libertés au sens de l'article 66 de la Constitution, doit veiller de façon générale et effective au bon déroulement de ces mesures privatives de liberté. Il lui appartient donc à tout moment de s'inquiéter de la compatibilité de l'état de santé physique ou psychique des personnes retenues avec les mesures de garde à vue dont elles font l'objet. Il peut notamment enjoindre à l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête de requérir, sur le fondement des articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale, un psychologue ou un médecin psychiatre afin de déterminer si une personne placée en garde à vue souffre de troubles psychiques ou neuropsychiques, au sens de l'article 122-1 du code pénal, abolissant ou entravant son discernement et susceptible d'ôter toute crédibilité à ses déclarations. Le projet de loi instituant l'intervention d'un avocat dès la première heure de garde à vue devrait être prochainement déposé devant le Parlement. Cette garantie nouvelle, alliée aux garanties existantes, pourrait tout particulièrement s'appliquer aux personnes handicapées.
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