FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1541  de  M.   Le Guen Jean-Marie ( Socialiste - Paris ) QG
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  14/10/1999  page :  7238
Réponse publiée au JO le :  14/10/1999  page :  7238
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Iran
Analyse :  droits de l'homme. communauté juive
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
M. Jean-Marie Le Guen. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Dans quelques jours, la France devrait accueillir le président iranien, M. Mohammad Khatami. Nous avons été nombreux à nous réjouir de son arrivée au pouvoir, marquée par un immense espoir populaire. Nous y voyons la possibilité de renforcer les relations entre nos deux pays et la promesse de jours meilleurs pour les citoyens iraniens, en particulier les démocrates en lutte depuis de longues années dans ce pays livré au fondamentalisme le plus rigide.
Cependant, de graves questions demeurent. Ainsi, treize Juifs iraniens, dont un enfant de seize ans, croupissent depuis de longs mois en prison, dans un total isolement, et sans contact avec leurs proches. Ils encourent la peine de mort par pendaison pour espionnage au profit d'Israël et des Etats-Unis. Cette accusation d'espionnage paraît peu crédible, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle camoufle à peine les pensées haineuses, racistes et rétrogrades qui animent leurs auteurs. En effet, il ne semble pas que l'incarcération et la condamnation à mort de ces citoyens iraniens soit due à autre chose qu'à la religion qu'ils pratiquent.
Nous ne pouvons pas nous résigner à une telle barbarie. Si nous sommes attentifs à l'évolution de la situation intérieure de l'Iran, nous devons aussi veiller à ce que les droits les plus élémentaires des citoyens iraniens soient respectés. Dans cette affaire, je le sais, monsieur le ministre, la France et vous-même n'avez jamais perdu de vue l'intérêt des Juifs iraniens incarcérés.
Comptez-vous, monsieur le ministre, mettre à profit la visite du président Khatami pour obtenir des autorités iraniennes une mesure de clémence qui ne serait que justice ? Au-delà, quel rôle voyez-vous pour l'Iran dans un contexte régional, celui du Proche et du Moyen-Orient ? Votre tournée au Proche-Orient, qui vient de s'achever, vous permet-elle de tracer des perspectives politiques intégrant l'action d'un Iran plus ouvert, qui doit encore s'imposer face à l'intolérance et à l'extrémisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, dès que l'incarcération des treize juifs iraniens auxquels vous avez fait allusion a été connue, nous nous sommes exprimés sur cette question et, personnellement, je l'ai fait avec beaucoup de force. Depuis lors, à chaque contact entre l'Iran et la France, notamment quand j'ai rencontré à nouveau, à New York, mon homologue iranien, M. Kharrazi, j'ai répété qu'une telle situation était extrêmement choquante et que la France condamnait cette démarche. Il m'a répondu qu'il ne s'agissait pas de treize juifs, mais de quarante personnes impliquées dans une affaire globale d'espionnage. Je lui ai dit, dans les mêmes termes que ceux que vous avez employés, que l'accusation n'était pas crédible. Il m'a répondu que ces personnes n'étaient pas condamnées mais emprisonnées. Je lui ai fait alors remarquer qu'elles ne bénéficiaient d'aucune garantie, quant à une justice digne de ce nom. Il m'a répondu que les juges d'instruction qui s'étaient exprimés sur leur condamnation n'étaient pas saisis du dossier.
Bref, nous avons affaire à quelqu'un qui essaie d'expliquer que rien d'irréversible n'est accompli. Le gouvernement et le président Khatami, qui devrait venir, en effet, dans quelques jours à Paris, cherchent manifestement à aboutir à la moins mauvaise solution possible dans cette affaire.
Nous devons tenir compte de la lutte très forte qui existe en Iran entre les partisans et les adversaires de l'ouverture de ce pays au monde extérieur. Depuis l'élection du président Khatami, nous avons tout fait pour encourager les tenants de cette ouverture, et nous allons continuer. Croyez bien que le Président de la République, le Premier ministre et moi-même, nous redirons au président Khatami et aux Iraniens qui l'accompagneront à Paris à quel point l'opinion mondiale sera extrêmement sensible à cette question, qui aura des conséquences sur les relations qu'ils veulent développer entre l'Iran et le monde extérieur.
Vous avez fait allusion au Proche-Orient. M. Barak m'a reçu il y a quelques jours, et j'ai fait le point de la situation avec lui, ainsi qu'avec M. Arafat. M. Barak est très conscient des efforts de la France. Il sait pouvoir compter sur notre constance et notre persévérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
SOC 11 REP_PUB Ile-de-France O