AVENIR DU SITE DE LA SOCIÉTÉ HOWMET
AU CREUSOT
M. le président. M. André
Billardon a présenté une question, n° 1544, ainsi rédigée :
« La
société Howmet est une filiale du groupe américain Alcoa et possède trois sites
industriels en France ; elle entend fermer le plus important d'entre eux, celui
du Creusot. Cela se traduirait par la suppression de quatre cents emplois dans
le bassin le plus concerné par le chômage en Bourgogne, qui n'offre pas, de ce
fait, de réelles capacités à reconvertir des personnels pour la plupart
ouvriers. L'annonce de cette fermeture s'est faite avec une grande brutalité
pour mieux cacher la faiblesse de l'argumentation économique dont l'objectif
semble bien être de transférer des productions industrielles, pour l'essentiel
outre-Atlantique. Or, certaines fabrications pour des programmes stratégiques
(Ariane, Rafale, char Leclerc, missile Exocet) sont actuellement réalisées au
Creusot dans une usine qui est fournisseur unique de ces pièces. De même, cette
unité travaille sur de nombreuses autres commandes de la Snecma pour l'aviation
civile ainsi que pour les autres grands motoristes européens dans le cadre des
programmes tendant à combler des retards sur leurs concurrents américains. Comme
il n'existe en France aucune autre fonderie de précision ayant la capacité
technique de les réaliser et que les homologations peuvent prendre plus d'une
année, que vont devenir ces programmes dont certains concourent à notre défense
? L'usine du Creusot produit également des pièces pour turbines à gaz terrestres
produisant de l'électricité, dont le marché connaît un grand développement et
qui ne paraît pas affecté par les incertitudes économiques actuelles. M. André
Billardon demande à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, qui assume la tutelle
de la SNECMA et est très attentif aux questions d'indépendance, de bien vouloir
faire connaître les actions qu'il mène pour la défense de l'emploi, et tout
particulièrement celui des salariés d'Howmet dans le bassin du Creusot. »
La parole est à M. André Billardon,
pour exposer sa question.
M. André Billardon.
Madame la secrétaire d'Etat au budget, je veux vous dire mon désarroi et ma
colère. Une entreprise, Howmet, filiale du groupe américain Alcoa, a décidé de
fermer un de ses trois sites français, en fait le plus important. Il est
installé au Creusot et sa fermeture supprimerait 400 emplois directs. Or
l'argumentation économique et financière n'est pas claire. Elle a varié au gré
des moments et des interlocuteurs, sans que jamais aient été seulement évoquées
d'autres hypothèses que l'arrêt pur et simple de l'usine, dont on disait il y a
peu de temps encore qu'elle était un des joyaux du groupe Pechiney.
Au plan social, la brutalité est
sans précédent, et peut se résumer ainsi : « J'ai décidé de fermer. Je pars.
Débrouillez-vous avec ce que je vous abandonne. » Inutile d'insister sur
l'inquiétude et le désespoir des familles concernées. La tension est d'ailleurs
montée d'un cran hier, lorsque des salariés de l'entreprise ont retenu le
directeur des ressources humaines. D'autant que le bassin du Creusot, étant le
plus touché par le chômage en Bourgogne, n'a pas la capacité d'offrir des
emplois de reclassement. C'est pourquoi je vous ai parlé de mon désarroi et de
ma colère.
Or, l'usine du
Creusot fabrique des pièces d'Ariane, du Rafale, du char Leclerc, du missile
Exocet. Certaines ne sont fabriquées qu'au Creusot. Qu'en sera-t-il demain ? Il
s'agit de fabrications concernant notre défense. Peuvent-elles être produites
ailleurs qu'en France ?
L'usine
travaille également sur de nombreuses commandes de la SNECMA pour l'aviation
civile ainsi que pour les autres motoristes européens : Rolls-Royce, MTU, Fiat,
Volvo. Je prends pour exemple le programme dénommé 5 EU, qui fait
actuellement l'objet d'une étude de faisabilité lancée par le regroupement des
cinq plus grands motoristes européens afin de combler le retard sur l'industrie
aéronautique américaine dans le domaine des superalliages. Aucune autre fonderie
française de précision que celle du Creusot n'a actuellement la capacité
technique de les fabriquer.
Sachant que les homologations sur
des fabrications aussi pointues peuvent prendre plus d'une année, que deviendra
demain ce programme important pour l'indépendance technologique de l'industrie
aéronautique européenne et les capacités et compétences du Creusot ?
Enfin, l'usine du Creusot est
également positionnée sur le marché des turbines à gaz terrestres pour la
production d'électricité. Ce marché, en pleine expansion, est donc de nature à
amortir, pour le site du Creusot, les effets de la baisse actuelle du marché
aéronautique.
L'enjeu de ce
dossier est quadruple. Economique, d'abord, car il s'agit d'une fonderie de
précision dotée de réelles compétences techniques. Social ensuite, car
400 emplois sont en cause, auxquels il faut ajouter les emplois induits.
Stratégique, car il concerne la défense et l'industrie aéronautique française et
européenne. Et, enfin, politique car si Howmet est une société privée, l'un de
ses principaux donneurs d'ordres, la SNECMA, a des comptes à rendre à l'Etat.
Je demande donc au Gouvernement de
soutenir le bassin du Creusot.
M. le président. La
parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le
député, le projet de fermeture du site Howmet du Creusot est un motif de très
forte préoccupation pour le Gouvernement, compte tenu du grave impact qu'il
aurait pour les 400 salariés et leurs familles, mais aussi pour le bassin
d'emploi du Creusot, qui a déjà durement souffert des restructurations
industrielles. Dès l'annonce de ce projet, vous avez ainsi rencontré Christian
Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, afin d'examiner ensemble les moyens
d'éviter un tel sinistre industriel.
Des actions concrètes ont été mises
en oeuvre depuis, le secrétaire d'Etat à l'industrie ayant rappelé aux
dirigeants de Howmet leurs responsabilités vis-à-vis de leurs salariés et la
nécessité impérative d'examiner toutes les solutions permettant une poursuite de
l'activité industrielle sur le site du Creusot. La nécessité de rechercher une
reprise par un tiers, y compris un concurrent de Howmet, a en particulier été
soulignée. Force est cependant de constater que cette piste soulève de fortes
difficultés, compte tenu notamment de la situation de crise créée dans le
secteur aéronautique par les attentats du 11 septembre.
Votre préoccupation quant aux
programmes stratégiques dans lesquels le site du Creusot est impliqué est
légitime. Le ministère de la défense s'assure, de son côté, dans le cadre des
dispositions législatives, réglementaires et contractuelles existantes, de la
sécurité d'approvisionnement pour les programmes militaires, sans impact sur les
coûts ni perturbation des programmes concernés, en négociant avec la direction
d'Howmet et son actionnaire les engagements appropriés. La DGA porte également
la plus grande attention à la progression des discussions entre Snecma et Howmet
pour ce qui concerne les programmes civils.
En tout état de cause, le
Gouvernement restera très vigilant sur le fait que Howmet et ses actionnaires ne
s'exonèrent pas de leurs responsabilités et assurent en particulier une réelle
concertation avec les représentants des salariés. Un groupe tel que Howmet doit
dégager les moyens pour qu'un avenir puisse être assuré pour chacun des salariés
concernés et pour que l'activité économique du bassin du Creusot ne pâtisse pas
de ses décisions. Tel est, en tout cas, le sens des dispositions qui ont été
introduites dans le projet de loi de modernisation sociale.
Sans exonérer l'industriel de ses
responsabilités, Alain Richard et Christian Pierret demanderont au délégué
interministériel aux restructurations de défense et au préfet de la région
Bourgogne d'être particulièrement attentifs aux projets de nature à revitaliser
l'emploi dans le bassin d'emploi, au titre du Fonds pour les restructurations de
la défense, le FRED, et du contrat de plan. Il faut à ce titre rappeler que le
FRED a d'ores et déjà contribué à la création de 170 emplois dans ce bassin
d'emploi.
Voilà, monsieur le
député, ce que je pouvais dire ce matin au nom du secrétaire d'Etat à
l'industrie sur ce dossier extrêmement sensible et douloureux pour la région du
Creusot.