NUISANCES SONORES DUES AU
TGV-MÉDITERRANÉE
M. le président. M. Michel
Grégoire a présenté une question, n° 1550, ainsi rédigée :
« M.
Michel Grégoire appelle l'attention de M. le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement sur la législation sur le bruit et les
indicateurs actuellement utilisés pour mesurer le bruit émis par les TGV
Méditerranée. Le décret du 18 avril 1995 précise, dans son
article 1er, modifiant l'article R. 48-4 du code de la santé
publique, la notion de bruit émergent, défini comme une émission sonore
représentant un accroissement, par rapport au bruit ambiant, de 5 décibels
en journée et de 3 décibels de 22 heures à 7 heures. Or,
certaines mesures réalisées par les riverains de la ligne à grande vitesse à
plusieurs centaines de mètres de la ligne font état, selon les circonstances
météorologiques, de bruits compris, lors d'un passage de TGV, entre 60
et 75 décibels, alors que le bruit ambiant est compris entre 35 et
40 décibels. Cet accroissement de 30 décibels ou plus est donc
particulièrement pénible à supporter pour ces riverains et pose de sérieux
problèmes de santé publique (fatigue, perturbation du sommeil, baisse
d'audition, etc.). Toutefois, l'article R. 48-1 du code de la santé
publique exclut explicitement de son champ d'application les infrastructures de
transports et les véhicules qui y circulent. Le décret du
18 avril 1995 ne s'applique donc, pour l'essentiel, qu'aux bruits de
voisinage et aux activités professionnelles. C'est pourquoi, aujourd'hui, la
SNCF ne se réfère pas au décret du 18 avril 1995 mais à l'arrêté du
10 novembre 1999, qui entérine l'existence de la Laeq comme mesure de
bruit des infrastructures ferroviaires et routières. Cette mesure est, en
quelque sorte, une moyenne pondérée de tous les bruits émis pendant
vingt-quatre heures. Toutefois, cette mesure, qui rend compte assez
fidèlement de bruits réguliers comme ceux de la circulation sur autoroute, ne
tient pas compte de la spécificité des bruits émergents, propres aux
infrastructures ferroviaires. Par ailleurs, il semblerait que les protections
sonores installées par la SNCF - merlons et murs antibruit - ne
puissent arrêter qu'une partie des bruits et non ceux d'origine aérodynamique
qui augmentent avec la vitesse et deviennent prépondérants à partir de
300 kilomètres à l'heure. Il lui demande donc quelles dispositions le
Gouvernement entend adopter afin que les mesures de bruit des infrastructures
ferroviaires puissent prendre en compte le phénomène très spécifique des bruits
émergents émanant des TGV. Il serait souhaitable, à ce propos, de déterminer,
pour les infrastructures ferroviaires, un seuil d'émergence à ne pas dépasser,
afin d'obliger les aménageurs à assurer une meilleure protection des riverains.
»
La parole est à M. Michel
Grégoire, pour exposer sa question.
M. Michel Grégoire.
Madame la secrétaire d'Etat au budget, je me permets d'appeler votre
attention sur la législation sur le bruit et les indicateurs actuellement
utilisés pour mesurer le bruit émis par les TGV-Méditerranée. Le décret du
18 avril 1995 précise, dans son article 1er, modifiant l'article
R. 48-4 du code de la santé publique, la notion de bruit émergent, défini
comme une émission sonore représentant un accroissement, par rapport au bruit
ambiant, de 5 décibels en journée et de 3 décibels de 22 heures à
7 heures.
Les études de
santé publique ont en effet déterminé qu'une augmentation de 3 décibels
correspondait à un doublement du bruit. C'est pourquoi un accroissement du bruit
de 4 à 5 décibels est ressenti comme une augmentation moyenne, une
élévation, de 6 à 7 décibels, comme un accroissement important et une
augmentation de 8 à 9 décibels comme étant considérable.
Or certaines mesures réalisées par
les riverains de la ligne à grande vitesse à plusieurs centaines de mètres de la
ligne font état, selon les circonstances météorologiques, de bruits compris,
lors d'un passage de TGV, entre 60 et 75 décibels, alors que le bruit
ambiant est compris entre 35 et 40 décibels. Cet accroissement de
30 décibels ou plus est donc particulièrement pénible à supporter et pose
de sérieux problèmes de santé publique en termes de fatigue, de perturbation du
sommeil, de baisse d'audition, etc., sachant qu'il passe en moyenne un train
toutes les trois minutes.
Toutefois, l'article R. 48-1
du code de la santé publique exclut explicitement de son champ d'application les
infrastructures de transports et les véhicules qui y circulent. Le décret du
18 avril 1995 ne s'applique donc, pour l'essentiel, qu'aux bruits de
voisinage et aux activités professionnelles.
C'est pourquoi, aujourd'hui, la
SNCF ne se réfère pas au décret du 18 avril 1995 mais à l'arrêté du
10 novembre 1999, qui entérine l'existence d'une mesure qui est, en quelque
sorte, une moyenne pondérée de tous les bruits émis pendant vingt-quatre heures.
Toutefois, cette mesure, qui rend compte assez fidèlement de bruits réguliers,
comme ceux de la circulation sur autoroute, ne tient, bien entendu, pas compte
de la spécificité des bruits émergents, propres aux infrastructures
ferroviaires.
Par ailleurs, il
semblerait que les protections sonores installées par la SNCF, murs
anti-bruit ou merlons, ne puissent arrêter qu'une partie des bruits, et non ceux
d'origine aérodynamique qui augmentent énormément avec la vitesse et deviennent
prépondérants à partir de 300 kilomètres à l'heure.
Nous souhaitons, je parle au nom de
nombreux riverains, savoir quelles sont les dispositions que
le Gouvernement pourrait adopter afin que les mesures concernant les
nuisances sonores provoquées par les infrastructures ferroviaires puissent
prendre en compte le phénomène très spécifique des bruits émergents émanant
des TGV, cela pour l'avenir mais aussi pour le cas présent. Il serait
souhaitable à ce propos de déterminer pour les infrastructures ferroviaires un
seuil d'émergence à ne pas dépasser, afin d'obliger les aménageurs à assurer une
meilleure protection des riverains.
M. le président. La
parole est à Mme la secrétaire d'Etat au budget.
Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le
député, la réglementation applicable en matière de limitation du bruit des
infrastructures ferroviaires est définie par le décret du 9 janvier 1995,
récemment complété par l'arrêté du 8 novembre 1999 établi conjointement
avec le ministère chargé des transports et du logement.
Cette réglementation s'applique aux
infrastructures nouvelles ainsi qu'aux modifications ou transformations
significatives résultant de travaux sur une infrastructure existante, dont
l'acte décidant l'ouverture d'une enquête publique ou l'acte prorogeant les
effets d'une déclaration d'utilité publique est postérieur au 10 mai
2000.
Cette réglementation
s'applique aussi, lorsqu'elles ne font pas l'objet d'une enquête publique, aux
modifications ou transformations significatives d'une infrastructure existante,
dont le début des travaux est postérieur au 10 mai 2000.
Cette réglementation conduit à
limiter, de jour comme de nuit, la contribution sonore moyenne des
infrastructures en façade des bâtiments préexistants, ces plafonds étant
variables selon le mode d'occupation du bâtiment, le niveau de bruit extérieur
préexistant ainsi que le type de circulation de train.
Cette réglementation aligne les
exigences opposables aux lignes nouvelles parcourues par des TGV dont les
vitesses sont supérieures à 250 kilomètres à l'heure sur celles qui sont
applicables à la route depuis 1995. L'indicateur retenu est le LAeq, niveau
de bruit équivalent pondéré A, qui doit être évalué sur chacune des deux
périodes réglementées.
La
limitation du bruit doit être obtenue en priorité par des protections à la
source visant à réduire le bruit extérieur, complétées, si nécessaire, par le
traitement acoustique des façades.
La réglementation du bruit
ferroviaire, arrivée certes trop tardivement, constitue une véritable avancée,
tout comme les progrès technologiques spectaculaires obtenus sur les émissions
sonores des TGV : les mesures de bruit réalisées au passage des trains, à
25 mètres de l'infrastructure, montrent à ce titre qu'un TGV Duplex
d'aujourd'hui émet, jusqu'à 270 kilomètres à l'heure, 8 à 9 décibels
de moins qu'un TGV orange de la première génération, ce qui correspond à
l'efficacité acoustique d'un écran antibruit dans les zones les mieux protégées,
ou encore au gain qui serait obtenu par une baisse de vitesse qui conduirait à
faire passer un TGV Duplex à 150 kilomètres à l'heure au lieu de
300 kilomètres à l'heure.
Néanmoins, ces progrès ne
permettent pas d'éliminer tous les effets néfastes dus au bruit, notamment ceux
liés aux pics de bruit résultant du passage de TGV la nuit, et qui ont pu
être mis en évidence à diverses reprises par des expertises réalisées sur les
lignes de grande vitesse pour le compte des ministères chargés des transports et
de l'environnement, bien que les exigences réglementaires aient été
respectées.
Les informations
dont dispose le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement
permettent cependant de penser que ces pics nocturnes peuvent être réduits de
diverses manières, notamment en accélérant le renouvellement des rames les plus
bruyantes par des rames plus modernes, en abaissant les vitesses de circulation
la nuit ou en instaurant un couvre-feu de nuit pour les rames les plus
bruyantes, comme l'indique le rapport en date du 27 septembre 1999 de
M. Lamure du Conseil général des ponts et chaussées.
Pour autant, il ne paraît pas
possible de transposer telle quelle la réglementation applicable au bruit de
voisinage résultant du décret n° 95-408 du 18 avril 1995 : ce dernier
vise en effet à limiter et sanctionner l'émergence de bruit, c'est-à-dire le
surplus de bruit par rapport au bruit préexistant, et s'applique aux bruits de
comportement ainsi qu'aux bruits des activités professionnelles, sportives,
culturelles et de loisir. L'expérience montre que ces émergences peuvent
généralement être évitées à un coût acceptable pour la collectivité publique.
Par ailleurs, il paraît nécessaire
d'améliorer les méthodes de prévision du bruit ferroviaire pour mieux prendre en
compte sa spécificité, et en particulier les effets aérodynamiques qui
deviennent, compte tenu des progrès obtenus sur le bruit de roulement,
prépondérants aux vitesses supérieures à 250 kilomètres à l'heure et sont
insuffisamment pris en compte dans les études d'impact.
La prochaine directive européenne
sur l'évaluation et la gestion du bruit dans l'environnement, dont l'adoption
pourrait intervenir avant la fin de cette année, sera l'occasion de renforcer le
dispositif réglementaire national des critères et moyens d'action en matière de
lutte contre les effets néfastes du bruit dans l'environnement.
Le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement ne manquera pas de proposer au ministère chargé
des transports des avancées en la matière, tout en ayant à l'esprit qu'il
convient de trouver un équilibre durable entre le développement du trafic
ferroviaire et la prévention des effets du bruit. Si l'on parvient à modérer les
effets du bruit, on facilitera aussi l'acceptation du développement du transport
ferroviaire.