FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE
DANS LE VAL-D'OISE
M. le président. M.
Jean-Pierre Blazy a présenté une question, n° 1552, ainsi rédigée :
« M. Jean-Pierre Blazy appelle
l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la
situation de la justice dans le Val-d'Oise. Depuis 1997, des efforts
budgétaires significatifs ont été réalisés (le budget de la justice a en effet
augmenté, en quatre ans, de 29 %), traduisant la volonté du Gouvernement
d'améliorer le fonctionnement quotidien de la justice et de lui donner les
moyens qu'elle mérite. Malgré ces efforts, de nombreuses difficultés demeurent
dans certaines juridictions. Il en est ainsi du département du Val-d'Oise, situé
à la périphérie de la banlieue parisienne, dans un environnement
socio-économique source de contentieux lourds et nombreux. Le bon fonctionnement
de nos tribunaux est entravé par des sous-effectifs chroniques, tant en termes
de magistrats que de fonctionnaires. Ce département sensible a, de plus, connu
au cours de la dernière décennie une croissance démographique très forte, la
population val-d'oisienne atteignant maintenant 1 100 000 habitants.
Ces éléments font que l'activité du tribunal de grande instance de Pontoise est
en constante augmentation. La loi du 15 juin 2000 sur la présomption
d'innocence a créé de nouveaux besoins, nécessitant parfois des réorganisations
complètes de nos juridictions. Dans ce contexte, deux postes de magistrat ont
été créés au siège. L'effort doit maintenant porter sur la création de postes de
magistrat au parquet. Elle avait commandé, le 22 mars 2001, à
l'inspection générale des services judiciaires, un rapport sur l'application de
la loi du 15 juin 2000. Dans ce cadre, la mission avait enquêté au
tribunal de grande instance de Pontoise et décelé un certain nombre de
dysfonctionnements dans la justice val-d'oisienne. Ainsi, le rapport final
soulignait qu'au TGI de Pontoise, sur cent quatre-vingt-quatorze débats
contradictoires organisés au cours du premier semestre 2001, vingt-six se
sont achevés au-delà de 20 heures, dont huit entre 22 heures et
4 heures du matin. La qualité de la justice rendue dans de telles
circonstances ne peut que susciter des interrogations. Les sous-effectifs se
font également sentir parmi les fonctionnaires. L'effectif de magistrats est
complet au TGI de Pontoise, mais il est confronté à un problème de
sous-encadrement. En effet, pas moins de onze postes de greffier sont
budgétés et non encore pourvus. Des affectations en surnombre d'agents de
catégorie C compensent la vacance de trois emplois de greffier en chef et
de huit emplois de greffier. Il lui demande donc quelles mesures nouvelles, en
moyens humains et matériels, elle compte prendre pour assurer un meilleur
fonctionnement de la justice dans le département sensible qu'est le Val-d'Oise.
»
La parole est à M. Jean-Pierre
Blazy, pour exposer sa question.
M. Jean-Pierre Blazy.
Madame la garde des sceaux, j'appelle votre attention sur la situation de la
justice dans le Val-d'Oise.
Certes, nul ne peut ignorer les
efforts budgéaires significatifs consacrés depuis plusieurs années par ce
gouvernement, traduisant sa volonté d'améliorer le fonctionnement quotidien de
la justice et de lui donner les moyens indispensables. Néanmoins, des
difficultés demeurent dans certaines juridictions. Il en est ainsi dans le
département du Val-d'Oise, situé à la périphérie de la banlieue parisienne dans
un environnement socio-économique source de contentieux lourds et nombreux.
Le bon fonctionnement de nos
tribunaux est entravé par des sous-effectifs chroniques, tant en magistrats
qu'en fonctionnaires. De plus, ce département sensible a connu, au cours de la
dernière décennie, une croissance démographique très forte, la population
val-d'oisienne atteignant maintenant 1,1 million d'habitants. En
conséquence, l'activité du tribunal de grande instance de Pontoise est en
constante augmentation.
Par
ailleurs, la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence
- votée, rappelons-le une nouvelle fois, sur tous les bancs de cette
assemblée - a également créé de nouveaux besoins, nécessitant parfois une
réorganisation complète des juridictions.
Dans ce contexte, des efforts ont
été accomplie dans le Val-d'Oise. Ainsi deux postes de magistrat ont été créés
au siège et un renfort récent en personnel administratif a été consenti. En
revanche, il manque des greffiers, et l'accent devrait désormais être mis sur la
création de postes de magistrat au parquet.
Madame la garde des sceaux, en mars
dernier vous avez commandé à l'inspection générale des services judiciaires un
rapport sur l'application de la loi du 15 juin 2000. La mission mise
en place dans ce cadre avait enquêté au tribunal de grande instance de Pontoise,
où elle avait décelé certains dysfonctionnements. Ainsi le rapport final
souligne que, au TGI de Pontoise, sur 194 débats contradictoires organisés
au cours du premier semestre 2001, 26 se sont achevés au-delà de
vingt heures, dont huit entre vingt-deux heures et quatre heures
du matin. La qualité de la justice rendue dans de telles circonstances ne peut
que susciter des interrogations.
Pouvez-vous m'indiquer, madame la
garde des sceaux, quelles mesures nouvelles - en moyens, principalement
humains mais peut-être aussi matériels - vous pensez prendre, dans les
prochaines mois, pour assurer un meilleur fonctionnement de la justice dans le
département sensible qu'est le Val-d'Oise ?
M. le président. La
parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le député, vous avez appelé mon attention sur le fonctionnement de la
justice dans le département du Val-d'Oise.
Le renforcement des moyens du
service public de la justice par des créations d'emplois est effectivement un
des éléments essentiels de la réussite du plan de réforme de la justice acté
dès 1997. Ainsi, le Gouvernement s'est engagé, par la programmation de 1
200 créations de postes en quatre ans, à affecter dans les juridictions, au
1er septembre 2005, plus de 8 000 magistrats, au lieu de 6 500.
Ces créations s'ajoutent aux 729 postes de magistrat déjà créés
depuis 1998. Parallèlement, les effectifs de fonctionnaires ont été accrus
de 803 emplois.
Cela étant,
certains ressorts de juridictions connaissent une importante progression
démographique qui engendre un développement notable des contentieux, comme vous
l'avez souligné pour votre département. Or la justice doit être rendue
rapidement et simplement partout, quelle que soit l'évolution démographique.
C'est pourquoi j'ai engagé une
réflexion, dont vous avez rappelé l'objet, sur l'organisation de notre justice,
en invitant l'ensemble des institutions et des personnes intéressées à y
participer. Ainsi les entretiens de Vendôme ont pour objet d'examiner le
fonctionnement de la justice au quotidien, celle qui concerne le plus nos
concitoyens. Cette démarche doit déboucher sur des propositions concrètes
d'amélioration de notre système judiciaire, y compris dans les méthodes de
travail.
Le tribunal de grande
instance de Pontoise a connu une augmentation importante de ses effectifs de
magistrats et de fonctionnaires depuis deux ans. Il a, en effet, bénéficié, en
2000 et 2001, de la création de cinq postes de vice-président, notamment pour la
mise en oeuvre de la loi du 15 juin 2000 relative au renforcement de
la présomption d'innocence et des droits des victimes. Il convient de souligner
que la juridiction avait déjà bénéficié, sur la période 1998-1999, de la
création de quatre emplois de magistrat, dont un emploi de substitut.
La situation de cette juridiction
et celle de son parquet seront à nouveau examinées avec attention lors de la
prochaine localisation d'emplois de magistrat prévue fin octobre 2001,
parce qu'il y en a encore besoin.
S'agisant des effectifs des
fonctionnaires, il y a lieu de constater que les neuf postes de greffier en chef
sont pourvus, que quatre postes vacants de greffier seront offerts à la mobilité
dès la prochaine commission administrative paritaire des 4, 5 et
6 décembre 2001, dans le cadre des urgences que nous avons pu déceler
ici ou là, en particulier dans le Val-d'Oise.
On relève aussi huit surnombres au
titre des personnels de bureau et un surnombre en ce qui concerne le personnel
technique.
Par ailleurs, il
convient de souligner que quatre postes de greffier ont été affectés au tribunal
de grande instance de Pontoise au titre de l'année 2000 et cinq postes au
titre de 2001, soit neuf créations d'emplois sur deux ans.
Je ne prétends évidemment pas que
ces mesures soient suffisantes, mais, comme vous le savez, le nombre de
greffiers formés a été relevé à 500 par an, alors qu'il n'y en avait eu
aucun en 1997. Il nous semble, en effet, essentiel de faire un effort
particulier dans ce domaine, car si, dans des juridictions comme la vôtre, il
faut beaucoup de magistrats - et nous avons créé des postes -, il est
également indispensable d'avoir un bon système d'exécution des peines. Cela est
notamment incontournable si nous voulons que soit respectée la circulaire
demandant que les audiences se terminent normalement à dix-huit heures ou,
exceptionnellement, à vingt heures au plus tard en cas de besoin.
Dans le Val-d'Oise, comme dans
beaucoup de départements, où doivent être jugés rapidement de nombreux petits
faits pour éviter la récidive et l'enchaînement de la délinquance, un effort
particulier doit être consenti dans l'affectation des postes, qu'ils concernent
la conduite des audiences ou l'exécution des peines.
Demeurez donc attentif, monsieur le
député, et n'hésitez pas à nous avertir si les postes n'arrivent pas
suffisamment vite. En tout cas, soyez assuré que nous tenons à favoriser les
juridictions qui ont connu un grand essor démographique et où les moyens
n'avaient malheureusement pas suivi.
M. François
Rochebloine. Nous voilà rassurés !
M. le président. La
parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, car j'ai bien compris que
vous étiez très attentive à la situation de la justice dans le Val-d'Oise.
Dans ce département, qui connaît
une forte croissance démographique, le nécessaire effort de rattrapage doit être
poursuivi. J'ai bien compris que vous l'entendiez ainsi. N'oublions pas,
surtout, la difficulté à pourvoir parfois les postes budgétaires, ce qui
retentit très fortement sur le fonctionnement au quotidien de la justice.