Question N° :
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DEBAT : |
M. Michel Suchod. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux et porte principalement sur l'affaire Papon, mais, avant de la formuler, je tiens à souligner combien l'opinion s'inquiète de voir que notre justice, qui a pourtant choisi le symbole de Thémis, la balance, comme logo, dirait-on aujourd'hui, a parfois plusieurs poids et plusieurs mesures. A ce titre, une affaire pendante devant le tribunal correctionnel d'Evry est exemplaire, car l'on est en droit de s'inquiéter de voir, jour après jour, la tournure judiciaro-médiatique que peuvent prendre certaines affaires. Tel est le cas de celle pour laquelle comparaît actuellement Mme Xavière Tiberi. Déjà, il y a trois ans, chacun avait pu lire dans Le Monde des extraits de son journal intime («Oh !» sur de nombreux bancs) pourtant saisi par la magistrature, mais découpé à la lame de rasoir, ce qui en dit long sur ce qu'est devenu le secret de l'instruction, d'autant que ces pièces ont été présentées au public trente-six heures après avoir été saisies ! On assiste aujourd'hui à un acharnement qui me paraît fort éloigné de ce que devrait être la sérénité judiciaire. («Très bien !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Par conséquent, c'est très légitimement que l'on peut s'interroger sur la manière dont se déroule ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Papon. Déjà, en octobre 1997, l'opinion avait été si déroutée que Mme la garde des sceaux avait dû faire, devant notre assemblée, des promesses de réforme de la procédure, la cour d'assises de la Gironde - fait absolument exceptionnel - ayant remis M. Maurice Papon en liberté après quarante-huit heures d'incarcération, afin qu'il puisse assister en prévenu libre à son procès. Aujourd'hui, l'opinion est encore déroutée par le fait que, condamné à dix ans de réclusion le 2 avril 1998 pour complicité de crime contre l'humanité, M. Papon ait pu rester en liberté alors que le recours en cassation qu'il avait déposé n'est pas suspensif. Cela la choque d'autant plus qu'elle est malheureusement presque habituée au délai de dix-huit mois nécessaire à la chambre criminelle de la Cour de cassation pour examiner un pourvoi. Cela a été le cas pour celui de M. Papon. Elle reste cependant sidérée qu'un complice de crime contre l'humanité puisse aller et venir librement, arborant toujours à la boutonnière nos plus hautes décorations nationales. M. Pierre Lellouche. Très bien ! M. Michel Suchod. J'ajoute que l'opinion est désormais inquiète, parce qu'elle sait que M. Papon a tenté d'obtenir, il y a quelques jours, de la cour d'assises de la Gironde puis de la chambre d'accusation ce qu'aucun Français n'a jamais obtenu: le droit de ne pas se constituer prisonnier alors que son pourvoi sera examiné après-demain. D'ailleurs, M. Papon a disparu de son domicile depuis plusieurs jours. Cette sidération s'est transformée en stupeur, au constat qu'aucun contrôle judiciaire ne lui avait été imposé pendant ces longs mois de liberté. Mes chers collègues, la loi doit être égale pour tous. Il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures. Dans l'affaire Papon, nous avons vécu un procès exemplaire; nous avons connu une sentence exemplaire. Le peuple français, au nom duquel se rend la justice, pourra-t-il se sentir légitimement fier d'elle ou aura-t-il le sentiment d'avoir été floué par une mécanique habilement utilisée pour soustraire l'intéressé à sa sentence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. le président. La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement. M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le député, Mme Guigou, qui a accompagné Jean-Pierre Chevènement au G8 à Moscou, m'a demandé de répondre à votre question. Je ne traiterai évidemment que de sa partie relative au dossier de M. Papon. Ce dernier ne fait l'objet de la part des autorités judiciaires compétentes d'aucune mesure de contrainte: ni d'un mandat de dépôt, ni d'un contrôle judiciaire. Il est libre jusqu'à l'évocation de son pourvoi par la Cour de cassation. En effet, lors de sa comparution devant la cour d'assises, cette juridiction a mis M. Papon en liberté. Cette décision est tout à fait exceptionnelle car les prévenus qui comparaissent devant les assises sont habituellement maintenus en détention. M. Jean-Louis Debré. Habituellement ! M. le ministre des relations avec le Parlement. Dès lors qu'une telle décision est prise par une cour d'assises, aucun texte ne permet le contrôle judiciaire d'un condamné. Cette possibilité existe pourtant devant le tribunal correctionnel qui peut placer en détention une personne ayant comparu libre mais qu'il vient de condamner à une peine supérieure à un an d'emprisonnement. M. Pierre Lellouche. Personne ne repart jamais libre après avoir été condamné par une cour d'assises ! C'est incroyable ! M. le ministre des relations avec le Parlement. Cette affaire a mis en lumière une lacune que le Gouvernement souhaite combler. Une réflexion est actuellement en cours pour aller dans ce sens. Si la condamnation prononcée contre M. Maurice Papon devient définitive, soit parce que la Cour de cassation ne reçoit pas son pourvoi, soit parce qu'il est déchu de celui-ci, toutes les dispositions seront prises pour s'assurer de sa personne, de manière qu'il soit conduit dans un établissement pénitentiaire pour purger sa peine. Mme la garde des sceaux donnera des instructions en ce sens au procureur général de Bordeaux afin qu'il mette à exécution sans délai la décision de la cour d'assises comme il s'apprête à le faire. En l'occurrence, il s'agit non pas d'une instruction individuelle (Murmures) de nature à modifier le cours de l'action de la justice, mais d'une instruction pour permettre l'exécution d'une décision de justice définitive. Il faut que l'action de la justice, rendue au nom du peuple français, aille jusqu'à son terme. M. Pierre Lellouche. Il aurait fallu intervenir avant ! M. le ministre des relations avec le Parlement. Il est de notre devoir de faire exécuter les décisions de justice, et personne ne peut aujourd'hui se dispenser de le faire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Colonna ! |