REVENDICATIONS DES ENSEIGNANTS DES
SECTIONS
D'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL PROFESSIONNEL
ET DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT ADAPTÉ
M. le président.
M. François Rochebloine a présenté une question, n° 1557, ainsi
rédigée :
« M. François Rochebloine souhaite
attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les
revendications des enseignants des sections d'enseignement général et
professionnel adapté (SEGPA) et des établissements d'enseignement adapté (EREA),
lesquels ont organisé et massivement suivi, depuis la rentrée, plusieurs actions
d'ampleur nationale. Il lui rappelle en effet que ces enseignants demandent une
revalorisation de leur situation, dans le sens d'une harmonisation de leur
statut avec celui des professeurs de collège. Aussi, il lui demande de bien
vouloir lui préciser si le Gouvernement envisage d'engager dans les meilleurs
délais une négociation sur ces revendications statutaires, et plus largement de
mieux prendre en considération l'enseignement adapté dont le rôle n'est plus à
souligner. »
La parole est à M.
François Rochebloine, pour exposer sa question.
M. François
Rochebloine. Monsieur le ministre délégué à l'enseignement
professionnel, ma question concerne l'enseignement adapté et, plus précisément,
les attentes des personnels enseignants des sections d'enseignement général et
professionnel adapté - les SEGPA - et des établissements régionaux
d'enseignement adapté : les EREA.
Vous conviendrez comme moi,
monsieur le ministre, que ces personnels de l'éducation nationale
effectuent un travail remarquable auprès de jeunes comptant parmi ceux les plus
en difficulté. Vous connaissez leurs revendications. Elles sont, me semble-t-il,
pleinement justifiées et non exagérées compte tenu des conditions particulières
d'exercice de leur fonction.
Pourtant, tout indique que ce
dossier est bloqué, et ce ne sont pas les déclarations faites à ce jour qui
lèveront leurs inquiétudes. La preuve en est que les enseignants ont multiplié
les journées d'actions revendicatives, qui ont été massivement suivies depuis la
rentrée de septembre dernier, en particulier la manifestation nationale du
10 octobre dernier.
Votre
ministère, régulièrement sollicité par les représentants des organisations
syndicales à ce sujet, a pu laisser supposer que la réduction hebdomadaire de
vingt-trois à dix-huit heures était difficilement réalisable, et ce pour
des raisons statutaires.
En
l'espèce, le problème est qu'il y a là une réelle disparité de traitement. En
effet, les enseignants des SEGPA ou des EREA, professeurs des écoles, ont une
durée de service supérieure à celle de leurs collègues professeurs des collèges
et des lycées professionnels. L'administration feint d'ignorer qu'ils sont
désormais recrutés au même niveau de formation qu'un enseignant du second degré,
qu'ils exercent sur le même lieu qu'eux et font face au même public. Si l'on
considère que l'intégration des SEGPA dans le collège est une bonne chose,
l'harmonisation des services des personnels devrait s'imposer d'elle-même.
Comment justifier une telle
disparité de situations pour des enseignants exerçant dans des conditions de
responsabilité analogues à leurs collègues professeurs de collèges et de lycées
professionnels ?
Une telle
revendication ne doit pas vous surprendre. Elle se justifie d'elle-même. C'est
une question de cohérence, et, qui plus est, dans le contexte actuel la réponse
à une aspiration partagée d'une réduction du temps de travail à l'image du
modèle imposé aux entreprises de ce pays.
L'enseignement spécialisé repose
sur la qualité et la motivation des enseignants. Il me paraît légitime
d'améliorer les conditions de travail d'une catégorie de personnels que l'on
sait confrontés aux difficultés d'une mission délicate - ce qui, soit dit
en passant, la rendrait d'autant plus attractive.
Le rôle des SEGPA et des EREA est
irremplaçable. Nous le savons tous. Monsieur le ministre, qu'attendez-vous
pour rouvrir ce dossier et mettre en oeuvre les conditions d'une véritable
concertation avec les intéressés ?
A ce jour, votre position et celle
de M. Jack Lang, face aux interrogations des enseignants, ne laissent
entrevoir aucune avancée à court ou moyen terme, du moins si j'en juge les
réponses faites à plusieurs interventions de mes collègues sur le sujet. Vous
vous êtes toujours contenté d'affirmer : « La situation de ces personnels fait
l'objet d'un examen attentif. »
Dans ces conditions, je juge
indispensable de vous poser une question simple : considérez-vous que la demande
de réduction horaire, en vue d'une harmonisation, des durées de service du
personnel enseignant des structures spécialisées SEGPA et EREA, soit légitime et
fondée ? Si oui, comme je peux le penser, à quelle date comptez-vous reprendre
les négociations avec les organisations syndicales représentatives sur ce point
particulier et aussi sur les autres volets de ce mouvement revendicatif ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement
professionnel.
M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement
professionnel. Monsieur le député, votre question est à l'évidence
d'actualité dans le monde éducatif.
Les SEGPA et les EREA accomplissent
une mission d'élite pédagogique dans l'éducation nationale puisque leur sont
confiés des jeunes en difficulté, voire en très grande difficulté. Quiconque a
visité une SEGPA - comme c'est, j'en suis certain, votre cas, et celui de
très nombreux parlementaires et élus locaux - ne peut en ressortir qu'ému
- puisque ces sections d'enseignement sont au coeur de la mission
républicaine de l'école : ne laisser personne sur le bord du chemin - et
impressionné par la qualité des résultats. Songeons que près de 50 % des jeunes
parviennent à une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme de
même niveau que celui que passent les autres jeunes comme, par exemple, le CAP.
Il n'existe pas de CAP adapté. C'est le premier diplôme de qualification
professionnelle. Il est le même pour tout le monde et comptez sur moi pour y
veiller. C'est tout à fait admirable. Donc, la réussite n'est naturellement pas
en cause.
J'ajoute que la tâche
est compliquée pour nos enseignants et enseignantes dans la mesure où
- pourquoi le cacher ? - l'on a vu progressivement orienter vers la
SEGPA des jeunes dont la fameuse filière unique ne savait plus que faire. Il est
tout à fait courant de voir dans les SEGPA des primo-arrivants, des jeunes en
difficulté de parcours, d'autres en plus grande difficulté psychologique ou de
construction personnelle. La tâche est donc très compliquée. Pourtant, la
situation est partout dominée.
Ayons l'honnêteté de dire que l'on
ne pourra pas continuer ainsi et qu'une refonte se révèle nécessaire. Une
réflexion s'impose et elle doit aboutir à des décisions concernant la place
particulière des SEGPA. J'observe d'ailleurs que, dans la discussion sur le
collège unique, personne n'a proposé que ces sections soient dissoutes pour
ramener tout le monde dans le cadre commun. Ce serait un très grand défi car il
y a plus de 120 000 élèves dans ces sections. Nous devons y réfléchir. On
ne peut pas faire comme si l'on n'avait pas compris ou vu la difficulté.
S'agissant des horaires, comprenez,
monsieur le député, que, par respect à la fois pour le travail qui est accompli,
pour ce que sont ces personnels eux-mêmes et pour l'autorité de la fonction que
j'exerce à cet instant, je ne veuille pas mélanger les deux aspects : celui du
dévouement, de la réussite pédagogique et celui de la revendication
catégorielle. Mais j'y viens. La question n'est pas simple à démêler.
Deux types d'enseignants sont à
l'oeuvre : premièrement, des professeurs et instituteurs des écoles et,
deuxièmement, des maîtres de l'enseignement professionnel.
Les maîtres de l'enseignement
professionnel, professeurs dits de spécialité, autrefois d'atelier, bref de
technique, ont obtenu l'an passé que leurs horaires passent de vingt-trois à
dix-huit heures, c'est-à-dire qu'ils soient alignés sur ceux des professeurs
d'enseignement général. On a fait là oeuvre de cohérence. Vous savez que cette
revendication n'avait pas compté pour peu dans l'extrême agitation qui régnait
alors.
Par conséquent, les
horaires des maîtres de l'enseignement professionnel dans les SEGPA sont passés
de vingt-trois à dix-huit heures. Du coup, les professeurs des écoles qui
exercent aussi dans ces classes se sont dit « pourquoi pas nous ? »
Permettez-moi de vous rappeler,
monsieur le député, sans aucun mauvais esprit, que la loi sur les
35 heures, que vous avez légèrement égratignée au passage tout à l'heure,
concerne bien 35 heures, et non... 18, même si ces 18 heures sont un
forfait équivalant par ailleurs, si on se réfère aux statuts, à un peu plus de
36 heures. C'est ainsi que nous calculons.
La décision n'est pas simple à
prendre, puisque 12 000 enseignants sont concernés, qui ne sont pas des
enseignants de lycées professionnels. Ces derniers, dont les horaires sont
passés à dix-huit heures, n'étaient que 5 000. Ce n'est pas une petite décision.
N'importe quel citoyen peut comprendre que l'éducation nationale ne peut pas, à
la faveur d'un système de taquets et de dominos d'une catégorie à l'autre,
retirer cinq heures de travail à 12 000 enseignants. Je veux parler vrai
sans amphigouri ni excessive précaution diplomatique. Nos interlocuteurs le
savent.
Second élément : Jack
Lang et moi pensons qu'il est de l'intérêt de ces unités d'enseignement que
soient examinées en même temps la question des horaires et celle de l'avenir de
ces sections d'enseignement. Cela nous semble raisonnable.
Ne demandez pas, monsieur le
député, quand nous comptons rouvrir le dossier. Il est ouvert en permanence et
les discussions se poursuivent. Mais, je vous le dis franchement, elles sont
délicates car, d'une part, de grands enjeux financiers sont en cause et, d'autre
part, se pose un problème de positionnement de ces enseignements que nous nous
attachons à conforter.
Je vous
le dis de la manière la plus solennelle qui soit, ne croyez pas que le
dossier ait été refermé et le problème oublié. Nous sommes en cours de dialogue.
Il n'est pas facile, mais nous avons la volonté et la certitude
d'aboutir.
M. le président. La
parole est à M. François Rochebloine, à qui je demande d'être très bref car
son temps de parole est dépassé.
M. François
Rochebloine. Je serai bref, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le
ministre, des précisions que vous m'avez apportées. Mais vous avez dit que
trente-cinq heures n'étaient pas comparables à dix-huit. Certes, mais
- vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le ministre - dix-huit
heures chez un enseignant représentent beaucoup plus ; ce sont dix-huit heures
de cours, auxquelles il faut ajouter tout le reste : préparation des cours,
corrections, etc. Il faut en avoir conscience. Mais je sais que c'est votre cas,
monsieur le ministre.
M. le ministre délégué à
l'enseignement professionnel. Bien évidemment !
M. François
Rochebloine. Les revendications des enseignants des SEGPA et des EREA
sont légitimes. Puisqu'ils travaillent dans les mêmes établissements scolaires,
il semblerait logique qu'ils aient le même horaire scolaire. C'est tout.