FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 15733  de  M.   Masdeu-Arus Jacques ( Rassemblement pour la République - Yvelines ) QE
Ministère interrogé :  affaires européennes
Ministère attributaire :  affaires européennes
Question publiée au JO le :  15/06/1998  page :  3197
Réponse publiée au JO le :  27/07/1998  page :  4124
Rubrique :  commerce extérieur
Tête d'analyse :  commerce hors taxes
Analyse :  politiques communautaires
Texte de la QUESTION : M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur le problème de la suppression du commerce hors taxes intracommunautaire qui doit intervenir en juin 1999. Loin de se résumer aux boutiques « duty free » présentes dans les aéroports ou sur les ferries, ce commerce revêt une grande importance économique et représente de très nombreux emplois dans des secteurs variés tels que les services, l'industrie et l'artisanat. La décision de supprimer ce type de commerce, prise par le Conseil des ministres des finances de l'Union européenne, en 1991, dans le cadre de l'établissement de l'harmonisation fiscale européenne, ne manquera pas de s'accompagner de lourdes conséquences sociales et économiques. On estime ainsi que le 20 juin 1999 ce sont près de 140 000 emplois, à l'échelon européen, qui se trouveront menacés. En France, entre 18 000 et 23 000 emplois risquent de disparaître. Des régions entières, comme le Nord - Pas-de-Calais ou la Charente vont subir de plein fouet les conséquences négatives de la disparition des « duty free ». Par ailleurs, il faut savoir que de 30 % à 50 % du chiffre d'affaires des boutiques hors taxes présentes sur les aéroports sont reversés directement à ces derniers et intégralement réinvestis dans le financement des installations et des infrastructures. En ce qui concerne les aéroports de Paris, le manque à gagner serait de près de 3 milliards de francs par an. De même, ces commerces assurent environ 40 % du chiffre d'affaires des compagnies maritimes et d'Euro-Tunnel. Sans oublier que ces boutiques hors taxes vendent 41 % de produits français dont ils assurent une remarquable diffusion à travers le monde, permettant à de nombreuses entreprises de dégager d'importants bénéfices à l'exportation. Deux autres raisons soulignent l'inopportunité de la remise en cause des « duty free ». D'une part, depuis la directive de 1991 prévoyant l'harmonisation fiscale en Europe pour le 1er janvier 1997 et l'abolition du « duty free » au 30 juin 1989, la situation a changé : les gouvernements ont dû supporter d'importantes contraintes budgétaires et l'harmonisation fiscale n'a pas pu être réalisée et ne le sera vraisemblablement pas en 1999. En outre, à la notion de taux unique se substitue dorénavant, en matière de fiscalité, des approches plus souples et plus pragmatiques. La suppression du secteur hors taxes, pourtant compatible avec les règles de Schengen et disposant de franchises identiques dans les pays de l'union européenne, devient donc illogique et causerait assurément des distorsions fiscales de concurrence. D'autre part, les calculs de la commission européenne sont incomplets, car ils n'incluent pas les diminutions de recettes fiscales sur d'autres lignes budgétaires - diminution de l'impôt sur les sociétés liée à des pertes de chiffres d'affaires, baisse des cotisations sociales du fait de l'augmentation du chômage... - et ignorent les dépenses occasionnées par la suppression de ce commerce - aide aux transports, indemnisation des nouveaux sans-emploi... Face à cette situation, il est plus que jamais nécessaire qu'une étude d'impact soit réalisée par la commission européenne. Cette institution s'y était engagée en 1991, à la demande du Parlement européen qui souhaiterait qu'un véritable débat démocratique puisse avoir lieu sur cette question. L'étude sur les conséquences sociales et régionales de l'abolition des frontières fiscales, et surtout des points de vente en franchise douanière, dans les régions concernées «, n'a jamais vu le jour, malgré les demandes réitérées du Parlement européen. Ce dernier a ainsi voté, le 3 avril dernier, une résolution, adoptée à l'unanimité de ses membres demandant la réalisation d'une étude sur ce thème, en » urgence absolue «. Cette résolution indique clairement qu'une » attention particulière devra être portée aux conséquences de l'abolition du duty free« sur l'emploi dans le marché unique ». A l'heure où le traité d'Amsterdam contient des dispositions permettant de renforcer le pôle législatif des institutions européennes, le silence de la Commission est difficilement justifiable. D'autant que les ministres des transports de l'Union européenne ont formulé la même demande que le Parlement européen, lors d'un Conseil des ministres à Bruxelles, le 17 mars 1998. Aujourd'hui, seule une demande formulée par le Conseil européen des ministres des finances - ECOFIN - peut obliger la Commission à réaliser cette étude d'impact et à réexaminer ce dossier. Les questions liées à la construction européenne ne doivent pas laisser de côté les préoccupations sociales. C'est pourquoi il lui demande de prendre les mesures nécessaire pour que le Gouvernement français puisse inciter la Commission européenne à réaliser cette étude d'impact. S'il n'est pas possible de revenir sur la décision de supprimer le commerce hors taxes en Europe, il souhaite que, lors des discussions au sein du conseil des ministres, le problème des conséquences économiques et sociales d'une telle mesure ne soit pas oublié et fasse l'objet de réponses adaptées.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du ministre délégué chargé des affaires européennes sur les conséquences économiques et sociales de la suppression du commerce hors taxe intra-communautaire. Comme le sait l'honorable parlementaire, l'instauration du marché intérieur dans la Communauté européenne le 1er janvier 1993 a conduit à supprimer tous les contrôles douaniers et fiscaux aux frontières intérieures de la Communauté. Les ventes hors taxes auraient donc dû disparaître à cette date. Afin de permettre aux opérateurs économiques concernés de s'adapter à la suppression de ce régime dérogatoire, le Conseil de l'Union européenne a admis en 1991 le maintien de ces ventes jusqu'au 30 juin 1999 et inscrit ce délai dans la directive 91/680/CEE du 16 décembre 1991. Ce moratoire avait, à l'époque, été accepté par les professionnels. Cette disparition répond également à l'objectif d'harmonisation fiscale souhaitée par les Etats membres et la Commission européenne dans la perspective du passage à l'euro. Un code de bonne conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises et des projets de directives sur la fiscalité des revenus de l'épargne et sur les intérêts et redevances sont à l'étude dans ce cadre. Le doit communautaire qui a permis la mise en place du marché unique s'est, par ailleurs, substitué aux règles relatives à la libre circulation des marchandises qui avaient pu être prises auparavant dans le cadre de la convention de Schengen. Cette convention ne peut dont être invoquée en l'espèce. De nombreux avantages sont atetndus, à moyen terme, de la suppression du commerce hors taxe intra-communautaire. La Commission européenne a en effet dressé un bilan très critique de l'application du système des ventes hors taxe intra-communautaire, qui équivaut à une subvention de deux milliards d'écus par an à l'échelle de l'Union européenne. La Commission constate en outre que ces ventes constituent moins un débouché important pour les producteurs - en France, la part du commerce hors taxes est inférieure à 2 % dans les ventes de tabac, d'alcools et de parfums - qu'une source de marges très fortes pour les commerçants. Le maintien des ventes hors taxe extra-communautaires, qui constituent en moyenne environ la moitié des ventes totales hors taxe dans les aéroports français, devrait par ailleurs limiter la baisse des recettes des aéroports et toujours permettre la diffusion des marques françaises hors d'Europe, à laquelle l'honorable parlementaire fait allusion. Pour autant, le Gouvernement, conscient des conséquences économiques et sociales importantes entraînées à court terme par la suppression du commerce hors taxe intra-communautaire s'est joint, lors du Conseil Ecofin du 19 mai, aux Etats membres qui ont demandé à la Commission la réalisation d'une étude d'impact sur les conséquences de la suppression de ce régime. La délégation française a en effet fait observer que la suppression du commerce hors taxe intra-communautaire allait créer des difficultés locales temporaires auxquelles les Etats membres devront répondre par des mesures qui seront susceptibles d'être analysées par la Commission sous l'angle des aides d'Etat. En conséquence, seule une étude de la Commission était de nature à garantir les Etats membres contre de telles procédures. Cette demande n'a cependant pas pu aboutir, faute d'unanimité. La Commission s'est toutefois engagée à clarifier dans un document de travail les instruments à la disposition des Etats membres pour pallier les conséquences de cette suppression. Comme le sait l'honorable parlementaire, le Premier ministre a, par ailleurs, décidé de confier une mission d'étude à M. André Capet, député du Pas-de-Calais. M. Capet est chargé par le Premier ministre d'évaluer l'impact de la suppression du commerce hors taxes sur l'activité économique des transporteurs, commerçants, producteurs et des secteurs périphériques au transport maritime et sur l'emploi dans les régions concernées. M. Capet est invité à proposer les mesures appropriées qui pourraient être mises en oeuvre en France et suggérées au niveau communautaire, dans le cadre d'une mise en oeuvre progressive de cette directive conformément au délai prévu. Le Gouvernement examinera, à la lumière des conclusions que M. Capet remettra au Premier ministre, les mesures qu'il jugera nécessaire de prendre pour accompagner la disparition du commerce hors taxe intracommunautaire.
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O