LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ EN
GUADELOUPE
M. le président.
M. Ernest Moutoussamy a présenté une question, n° 1620, ainsi rédigée
:
« Dans le département de la
Guadeloupe, l'insécurité, la délinquance, les actes de violence, la toxicomanie
sont en évolution constante. Pour contrer le sentiment d'impunité, combattre
efficacement la délinquance et l'insécurité, outre la prévention qui passe par
la lutte contre les exclusions et notamment le chômage, il faut mettre en oeuvre
une politique répressive dissuasive. Il importe, aujourd'hui, de stopper cette
dégradation des rapports humains et de redonner confiance aux citoyens dans les
institutions de la République. La sanction doit retrouver sa place dans notre
Etat de droit, M. Ernest Moutoussamy demande à M. le ministre de
l'intérieur de l'informer de l'analyse qu'il fait de la situation et des mesures
qu'il compte prendre dans le cadre du plan d'action renforcée décidé par le
Gouvernement. Afin de contrôler l'usage des armes et des drogues, lutter contre
la récidive et traiter efficacement la délinquance des mineurs. Il souhaite
également qu'il apporte son soutien à la création d'un centre éducatif renforcé
et d'un centre de placement immédiat comme il en existe en métropole. »
La parole est à M. Ernest
Moutoussamy, pour exposer sa question.
M. Ernest
Moutoussamy. Monsieur le ministre de l'intérieur, dans un contexte
social dégradé, marqué par l'effritement des bastions traditionnels que sont la
famille, l'école, l'Eglise, et par des conflits sociaux déstabilisateurs, le
chômage, la violence, la toxicomanie, l'insécurité, le vol, l'immigration
clandestine, la xénophobie, le vandalisme, l'abus de consommation d'alcool
s'inscrivent au quotidien dans le paysage de la Guadeloupe avec de plus en plus
d'acuité et exaspèrent la population.
La délinquance menace chacun. Elle
fait peur, elle ternit l'image de notre destination touristique, elle porte
atteinte à notre avenir et à notre développement.
Les collectivités subissent une
dégradation épouvantable de leurs matériels, aggravée par le vol des véhicules,
des biens scolaires, sportifs et culturels. Par la violence, on s'approprie le
bien des autres.
Dans ce
contexte, un mode culturel de confrontation, prenant le caractère
d'affrontements physiques, se substitue de plus en plus au dialogue démocratique
et à la négociation dans le monde du travail et de l'entreprise. Or la réussite
de la loi d'orientation pour l'outre-mer, levier déterminant du développement,
passe par le retour de la paix sociale, le respect de l'Etat de droit et des
libertés démocratiques. Aussi, la police, la gendarmerie, la justice, au service
de l'Etat pour assurer la sécurité des personnes et des biens, méritent plus que
jamais une attention soutenue.
Certes, de 1997 à ce jour, ce qui a
été mis en oeuvre pour la gendarmerie, pour la police, pour la justice est
exceptionnel. On ne peut trouver rien de comparable dans le passé. Nous sommes
tout à fait conscients des efforts réalisés par ce gouvernement pour permettre
aux institutions, aux hommes et aux femmes chargés dans la République de
protéger les citoyens, d'exercer au mieux leur mission. Mais le défi à relever
est redoutable. D'autant qu'il existe en Guadeloupe un déphasage culturel entre
l'évolution du droit, d'une part, et la société de consommation et les
mentalités, d'autre part. Il en résulte une perte de repère, un sentiment de
chaos.
L'autorité de l'école, de
l'Etat ou dans la famille, en tant que facteur d'éducation, de respect mutuel,
de pilier de l'organisation sociale, s'estompe de plus en plus au profit d'une
forme diffuse d'anarchie et de non-droit. La lutte contre l'insécurité, le
trafic des stupéfiants et des armes, la criminalité organisée, la délinquante
routière, requièrent une forte détermination et des sanctions dissuasives. Bien
évidemment, le bon fonctionnement des institutions, la protection judiciaire de
la jeunesse, la justice de proximité, la politique de prévention, exigent une
réforme globale, cohérente et des moyens adéquats.
Monsieur le ministre, aujourd'hui
l'insuffisance des effectifs et des moyens pose un vrai problème dans un
département qui reçoit plus de 600 000 touristes. Le sentiment d'impunité
se répand d'autant plus que la sanction, quand elle existe, est loin d'être
dissuasive. La politique de prévention de l'investissement des conseils
communaux de prévention de la délinquance, les CCPD, ne peuvent pas avoir de
résultats crédibles car les fautes et les délits ne sont pas sévèrement
réprimés.
La tolérance ne doit
pas prendre les couleurs du laxisme et de l'irresponsabilité. La population,
agacée, ressent une sorte de démission ou de capitulation face à un ennemi
redoutable et acharné.
Bref,
pour répondre à la légitime attente d'actions efficaces et de prise en compte
des besoins, outre la prévention, qui passe par la lutte contre les exclusions,
notamment contre le chômage, il faut mettre en oeuvre une politique de fermeté
suffisamment dissuasive.
La
sanction doit retrouver sa place dans notre société.
Monsieur le ministre, pouvez-vous
m'informer de l'analyse que vous faites de la situation en Guadeloupe et des
mesures que vous comptez prendre dans le cadre du plan d'action renforcée décidé
par le Gouvernement ? Quelles actions prioritaires le Gouvernement peut-il
engager pour faire reculer le sentiment d'impunité, rétablir l'Etat de droit et
garantir la sécurité des personnes et des biens ?
Comment pensez-vous contrôler et
maîtriser le trafic des armes et des drogues, lutter contre la récidive et
traiter efficacement la délinquance des mineurs ? Pouvez-vous apporter votre
soutien à la création d'un centre éducatif renforcé et d'un centre de placement
immédiat, comme il en existe en métropole ? Est-il possible d'envisager la mise
en oeuvre de contrats locaux de sécurité en zone de gendarmerie pour les
communes touristiques ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Monsieur le député,
ainsi que vous le savez, le Premier ministre a eu l'occasion d'affirmer à
plusieurs reprises, lors de ses déplacements outre-mer, que la sécurité publique
était une priorité de l'action gouvernementale depuis 1997. Cette
préoccupation légitime de la population concerne bien évidemment tous nos
compatriotes ultramarins.
S'agissant du département de la
Guadeloupe, le Gouvernement a pris des mesures fortes et concrètes pour faire
face à la montée de l'insécurité et du sentiment qui en découle.
Tout d'abord, je voudrais vous
rappeler que le département de la Guadeloupe connaît une stabilisation des
chiffres de la délinquance.
En
2000, les services de police et de gendarmerie ont enregistré une baisse de 3,6
% de la délinquance au regard de l'année précédente, revenant ainsi au niveau
constaté en 1995. Néanmoins, on observe une transformation de la nature de
la délinquance qui a évolué, au cours de la décennie, vers des délits de voie
publique et des actes plus violents.
Face à cette situation, les forces
de police ont réagi et ont concentré leurs efforts pour mieux lutter contre les
atteintes aux personnes et contre la délinquance liée à la consommation et au
trafic de stupéfiants. A titre d'illustration, les premiers chiffres
de 2001 montrent que la délinquance de voie publique a progressé de 1,6 %
dans les zones de police et que les infractions liées à la drogue ont baissé de
22 %.
A ma demande, les actions
engagées par le préfet en collaboration avec les autorités judiciaires vont dans
ce sens : réquisitions de forces de l'ordre dans les quartiers sensibles,
opérations de contrôle dans l'agglomération pointoise, opérations de
sécurisation aux abords des établissements de nuit, contrôles des étrangers en
situation irrégulière et de travail clandestin. Ces actions ont permis de
réduire de près de 48 % ce type de délit.
Dans le même temps, des efforts
notables notables ont également porté sur le renforcement des moyens.
Depuis 1997, les effectifs de la
police nationale tous corps confondus ont progressé de 15,3 %, passant de 762
à 879 fin 2001. La création du commissariat de Gosier en juillet
dernier permet également d'améliorer la réactivité des forces de police dans
l'agglomération pointoise. Le très prochain déploiement de la police de
proximité à Pointe-à-Pitre contribuera à la mise en place d'un dispositif
opérationnel encore plus adapté.
La gendarmerie nationale, quant à
elle, a vu ses effectifs augmenter de 17,1 % depuis 1997 avec, pour la
seule année 2001, un renforcement significatif de 5 %. Ces augmentations
d'effectifs ont permis d'améliorer sensiblement le service public de la
gendarmerie avec la création, en 2001, d'un peloton de surveillance et
d'intervention, PSIG, à Saint-Martin et d'une brigade motorisée au Moule. Ces
créations d'unités se poursuivront en 2002 avec la mise en place d'un PSIG
au Moule et d'une brigade motorisée à Saint-Martin. La montée en puissance du
commissariat de Gosier permettra également le redéploiement de seize gendarmes
dans le secteur du Moule.
J'ajoute que les opérations de
reconstruction de la brigade de Saint-François, pour laquelle vous avez beaucoup
oeuvré, monsieur le député, débuteront en 2002.
Enfin, le Gouvernement a développé
une politique de partenariat.
Le
développement de la coopération avec les différentes collectivités territoriales
et en particulier les communes est un élément fort de cette politique. Les
actions se développent dans le cadre de la politique de la ville et notamment au
travers des trois contrats locaux de sécurité signés en Guadeloupe qui reçoivent
un écho favorable auprès de la population guadeloupéenne. Elles constituent des
outils privilégiés de lutte contre l'insécurité.
Trente et une conventions de
coordination entre les polices municipales et les forces de police et de
gendarmerie, ainsi que le plan départemental de prévention de la délinquance
complètent concrètement et au quotidien le dispositif de lutte contre la
délinquance. Ainsi, les 112 agents locaux de médiation sociale et la
centaine d'adultes relais permettent par leur présence dans les quartiers
sensibles de faire reculer le sentiment d'insécurité qui découle d'une
insécurité réelle.
L'ensemble de
ces mesures s'est traduit par la diminution de 13,8 % de la délinquance des
mineurs en un an.
En ce qui
concerne vos interrogations sur les moyens de la justice, et notamment la
création d'un centre éducatif renforcé et d'un centre de placement immédiat, je
ne manquerai pas de transmettre vos demandes à Mme la garde des sceaux, et je
lui demanderai qu'elle vous réponde, par écrit ou dans le cadre du dialogue
qu'il est possible d'avoir dans cet hémicycle.
Tels sont, monsieur le député, les
éléments de réponse que je pouvais apporter à votre question bien légitime.