COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE
FRANCO-ESPAGNOLE
EN MATIÈRE SANITAIRE
M. le président.
M. Henri Sicre a présenté une question, n° 1624, ainsi rédigée :
« M. Henri Sicre interroge
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur les graves
lacunes de la coopération transfrontalière. Alors que l'agence régionale
d'hospitalisation (ARH) du Languedoc-Roussillon a fait fermer les maternités
extérieures à Perpignan, certains cantons des Pyrénées-Orientales sont
maintenant plus proches de la maternité de Puigcerdà située en territoire
espagnol. L'ARH encourage d'ailleurs la prise en compte de cet établissement qui
présente toutes les garanties exigées pour les accouchements. Si cela ne pose
donc aucun problème sur le plan médical, cela en pose de sérieux sur le plan
administratif. D'abord, les frais d'accouchement et de séjour (48 heures)
doivent être réglés à la sortie, pour un montant minimum dépassant les 10
000 francs. Le remboursement par la sécurité sociale est soumis à toutes
sortes de tracasseries. Ensuite, la reconnaissance de la nationalité française
pour l'enfant est un véritable parcours du combattant, qui oblige les parents à
s'adresser au consulat de France à Barcelone. Ce dernier transmet ensuite le
dossier aux services du ministère des affaires étrangères à Nantes avant que le
dossier ne revienne vers la famille, si rien n'est venu gripper cette machine
administrative. Il faut donc compter environ trois mois pour obtenir un
extrait de naissance qui permette, outre la reconnaissance officielle de
l'existence de l'enfant, l'ouverture des droits vis-à-vis de la sécurité sociale
et de la CAF. Cette situation ubuesque n'est plus acceptable. Il suggère que la
commune française riveraine de Puigcerdà, c'est-à-dire Bourg-Madame, puisse
établir des extraits de naissance pour les enfants nés à l'hôpital distant de
quelques centaines de mètres. Il lui demande également des garanties pour qu'un
accord soit mis en oeuvre entre l'hôpital de Puigcerdà et la sécurité sociale
française pour la prise en charge des frais d'accouchement. »
La parole est à M. Henri
Sicre, pour exposer sa question.
M. Henri Sicre.
Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, nous avons
maintenant changé de monnaie. Si, dans la capitale, c'est une habitude à
prendre, pour nous, les frontaliers, c'est un événement majeur dans la mesure où
nous avons cessé d'avoir des monnaies différentes dans chacune des poches de nos
vêtements.
Les Etats membres
sont particulièrement actifs dans cette construction européenne, nécessaire et
porteuse d'espoir. Les capitales s'y engagent. Mais on a surtout le souci de
mettre en réseau les grandes métropoles de production. Or, lorsqu'on est
frontalier, on rencontre encore des difficultés importantes. Voici plus d'une
décennie, j'ai engagé des actions locales pour favoriser la coopération
transfrontalière, malgré la disparité des traditions administratives et les
divisions politiques en matière d'organisation du territoire. J'essaie de
constituer, dans mon secteur, une agence de développement transfrontalier qui
nous permettrait d'envisager, de part et d'autre du pointillé qui apparaît sur
la carte, des actions communes. Malgré tout, une difficulté majeure en matière
de santé se pose dans une région de ma circonscription. Et c'est parce que je
suis engagé dans la coopération transfrontalière qu'on me l'a soumise.
L'agence régionale
d'hospitalisation du Languedoc-Roussillon a incité à la fermeture de plusieurs
maternités dans un objectif de sécurité. Dans certains cantons, la proximité
avec un hôpital situé en zone espagnole est évidente ; c'est le cas de celui de
Puigcerdà. L'ARH encourage d'ailleurs la prise en compte de cet établissement
qui présente toutes les garanties exigées pour les accouchements. Cependant,
après l'accouchement, la famille qui a dû acquitter une somme importante -
d'environ 10 000 francs - devra entamer un parcours long et difficile
pour être remboursée par la sécurité sociale. Par ailleurs, pour obtenir la
reconnaissance de la nationalité française de l'enfant né sur le territoire
espagnol, elle doit s'adresser au consulat de France à Barcelone qui transmettra
le dossier au service du ministère des affaires étrangères à Nantes. Cette
situation, ubuesque, est difficilement acceptable, au point que les parents
préfèrent se rendre à Perpignan par les routes de montagne, avec tous les
risques sanitaires - voire de décès - que cela comporte.
Ma question est donc double,
monsieur le ministre.
D'une
part, serait-il possible, pour la commune voisine, située à une centaine de
mètres de l'hôpital espagnol - il n'y a pas d'autres frontières physiques
qu'un petit pont - d'établir les extraits de naissance pour les enfants nés
dans cet hôpital ?
D'autre part,
serait-il possible qu'un accord soit enfin conclu entre la sécurité sociale et
cet hôpital pour que les familles qui ont recours à ses services n'aient pas à
supporter pendant de longs mois la prise en charge des frais d'accouchement ?
M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires
européennes. Monsieur le député, comme vous, je me réjouis de l'avènement de
l'euro. Vous savez que je suis également l'élu d'une région transfrontalière,
donc tout à fait soucieux des problèmes que vous soulevez. Au demeurant,
l'avènement de la monnaie unique facilitera sans doute le rapprochement des
peuples et effacera petit à petit les frontières.
Toutefois, des problèmes demeurent,
et vous avez bien voulu appeler mon attention sur celui des enfants nés de
parents français à la maternité espagnole de Puigcerdà, en ce qui concerne le
remboursement des frais engagés pour l'accouchement, d'une part, et la
reconnaissance de la nationalité française de ces enfants, d'autre part.
Sur le premier point, d'après les
informations recueillies par la préfecture des Pyrénées-Orientales auprès de la
caisse primaire d'assurance maladie, les délais de remboursement des frais
hospitaliers ne seraient, en fait, que de l'ordre de trois ou quatre jours, sur
présentation de la facture acquittée de l'hôpital de Puigcerdà.
Une évolution positive devrait en
tout état de cause intervenir dès cette année : une dotation spécifique sera
accordée par l'agence régionale hospitalière à l'hôpital de Perpignan, pour
servir de relais au paiement des frais hospitaliers des personnes admises en
urgence à l'hôpital de Puigcerdà. Par ailleurs, la commission régionale à la
naissance a étudié le recours à la maternité de Puigcerdà et a formulé des
recommandations, dont certaines rejoignent la préoccupation dont vous m'avez
fait part.
A moyen terme, le
Gouvernement est favorable à la coopération transfrontalière interhospitalière
et à la mise en place d'une politique de complémentarité de l'offre de soins
dans les régions transfrontalières. Les ministères de l'emploi et de la
solidarité, des affaires étrangères et de l'intérieur mettent au point des
textes organisant la coopération sanitaire transfrontalière et la prise en
charge, par un régime de sécurité sociale, des personnes concernées. Ces textes
définissent deux axes : une coopération sanitaire autorisant la conclusion de
conventions transfrontalières d'établissements en vue de soins programmés ou
d'urgence au bénéfice des personnes résidant dans des zones géographiques
déterminées ; l'organisation des conditions de prise en charge par un régime de
sécurité sociale des soins reçus à l'extérieur.
L'aboutissement de cette démarche,
que le Gouvernement souhaite rapide, devrait permettre une nette amélioration de
la prise en charge des habitants des régions transfrontalières, notamment des
habitants des cantons montagnards pyrénéens.
Sur le second point, la nationalité
des enfants concernés, il convient de nuancer vos remarques : si la
reconnaissance de la nationalité d'un enfant - qu'il soit légitime ou
naturel - par ses parents s'opère de plein droit, des difficultés peuvent
survenir dans l'établissement d'un acte de naissance français. Il ne peut en
effet s'agir d'une simple formalité, ne serait-ce que pour écarter tout risque
de fraude. En l'espèce, c'est le consulat général de France à Barcelone qui
dispose de la compétence exclusive pour enregistrer la naissance.
Deux solutions - plus commodes
que vous ne le laissez entendre - s'offrent aux parents français : soit se
rendre dans un délai de trente jours dans les locaux du consultat à Barcelone
afin qu'un acte de naissance soit dressé dans les mêmes conditions que celles
auxquelles se soumettrait un officier d'état civil municipal ; soit demander,
par courrier, la transcription au poste consulaire. Celui-ci, sensible à la
situation particulière des Français résidant dans les communes transfrontalières
et dont les enfants viennent au monde à Puigcerdà, instruit ces demandes, je
peux vous l'assurer, à titre prioritaire, dans un délai de trois semaines
- au lieu de trois mois habituellement. Dans ce cas, l'acte est directement
expédié, avec le livret de famille complété, aux requérants. Cette seconde
formule pourrait être plus souvent utilisée.
Monsieur le député, vous êtes à
même de répercuter ces informations. On doit pouvoir éviter les déplacements
longs et dangereux que vous évoquiez, tout en conservant à l'établissement de la
nationalité française les conditions de sécurité qui s'imposent.
M. le président. La
parole est à M. Henri Sicre.
M. Henri Sicre.
Merci, monsieur le ministre, pour ces précisions. Je suis ravi d'apprendre qu'en
peu de temps les délais de remboursement des frais hospitaliers ont été très
réduits et que le Gouvernement souhaite parvenir assez rapidement à la
conclusion de conventions avec les établissements concernés. Pour ce qui est de
la seconde partie de la question, il est évident qu'il est difficile de se
rendre à Barcelone, qui est tout de même à près de deux cents kilomètres.
Bien sûr, je répercuterai ces
éléments de réponse en espérant qu'ils permettront d'apaiser l'inquiétude des
parents qui utilisent les services de l'hôpital de Puigcerdà.