SIGNALISATION DES VÉHICULES LENTS
M. le président.
M. Henri Nayrou a présenté une question, n° 1628, ainsi rédigée :
« M. Henri Nayrou souhaite
attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du
logement sur le problème de la signalisation des véhicules lents. Si
l'article R. 413-19 du code de la route dispose qu'« aucun conducteur
ne doit gêner la marche normale des autres véhicules en circulant sans raison
valable à une vitesse anormalement réduite » et pose une vitesse minimale de
80 kilomètres/heure sur autoroute pour les conducteurs utilisant la voie la
plus à gauche, la présence de véhicules trop lents constitue un facteur
d'insécurité non négligeable pour les véhicules suivants roulant à plus vive
allure, d'autant plus que l'article R. 412-12 impose le respect d'une
distance de sécurité entre véhicules qui se suivent, porportionnelle à la
vitesse. Or la mesure de la vitesse d'un véhicule, déjà aléatoire, est dans
cette situation très difficile. Alors que les convois exceptionnels et les
véhicules agricoles sont munis de matériel de reconnaissance adapté
(signalisation, feux clignotants), il lui demande d'étudier la possibilité de
munir l'ensemble des véhicules lents de tels équipements. »
La parole est à M. Henri
Nayrou, pour exposer sa question.
M. Henri Nayrou.
Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, chacun le
sait, l'insécurité routière est un fléau de notre société difficile à vaincre en
dépit des mesures de plus en plus coercitives que vous avez prises au cours de
votre mandat ministériel. Parmi les causes du mal, il y a la vitesse. S'il ne
m'est pas apparu utile d'aborder ici cet élément, c'est que vous avez déjà pris
la décision de limiter la vitesse avec une grande sévérité. Loin de moi l'idée
de contester votre combat en la matière. Mais il est tout de même permis de
penser que le véritable problème de la vitesse réside peut-être non pas dans
l'absolu, c'est-à-dire dans les excès sur les autoroutes, mais dans le relatif,
c'est-à-dire par rapport aux autres usagers de la route.
C'est précisément dans l'esprit de
ce jugement de valeur tout à fait personnel que j'ai souhaité vous interroger
sur la facette opposée du danger représenté, à mon avis, par les véhicules lents
circulant sur la voie publique. Certes, l'article R. 413-19 du code de la
route dispose qu'« aucun conducteur ne doit gêner la marche normale des autres
véhicules en circulant sans raison valable à une vitesse anormalement réduite »
et impose une vitesse minimale de 80 kilomètres à l'heure sur autoroute.
Certes, c'est la loi, mais la
réalité est tout autre. Quel conducteur, en effet, n'a jamais été mis en danger
à cause d'un véhicule trop lent roulant dans le même sens que lui ? Qui n'a pas
été surpris par ce genre d'obstacle obligeant souvent celui qui arrive par
l'arrière à se lancer dans une manoeuvre de dépassement obligé, faisant du même
coup courir de graves périls à d'autres automobilistes ? On connaissait les
problèmes posés par les engins agricoles empruntant des voies de grande
circulation à faible vitesse. Et une solution satisfaisante a été trouvée à cet
égard : un gyrophare signale que ce véhicule roule lentement.
Or, monsieur le ministre, il n'y a
pas que les tracteurs agricoles qui peuvent créer des drames sur les routes
parce qu'ils ne roulent pas à la même allure que les autres. Il y a aussi les
petites voitures sans immatriculation conduites par des utilisateurs sans permis
de conduire. Il y a encore d'autres véhicules et d'autres conducteurs qui ont
choisi, pour des raisons qui leur sont propres, de réduire leur vitesse. Il ne
s'agit pas de les verbaliser mais de sécuriser l'ensemble des conducteurs en
informant, de loin, les autres composantes du trafic routier que tel véhicule ne
roule pas à une vitesse standard.
Une solution pourrait consister à
obliger ces véhicules lents à s'équiper de gyrophares comparables à ceux que
l'on voit déjà sur les convois agricoles. Cela donnerait une information aux
autres usagers de la route qui seraient invités à conduire avec plus de
prudence. La liberté de rouler serait ainsi préservée, la liberté de vivre
aussi.
Que pensez-vous, monsieur
le ministre, de ma proposition, qui va dans le sens que vous avez toujours
préconisé, celui de la prévention des risques routiers ?
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des
transports et du logement.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du
logement. Monsieur le député, sachez tout d'abord que j'ai toujours plaisir
à échanger avec un élu sur le thème de la sécurité routière qui, comme vous le
savez, me tient beaucoup à coeur.
Vous posez la question des
conditions de circulation des véhicules lents et en particulier d'une
signalisation permettant aux autres conducteurs de mieux les repérer, à l'instar
des feux spéciaux équipant les convois exceptionnels ou les engins agricoles.
La route est bien entendu un espace
de circulation partagé que chacun doit pouvoir utiliser librement, dans le
respect des règles du code de la route qui permettent de réguler le trafic et de
concourir à la sécurité de tous. Les véhicules anciens ou circulant en pleine
charge, les voiturettes, les motos et cyclomoteurs, tous empruntent les voies de
circulation ouvertes à l'ensemble des véhicules, et souvent à une vitesse
inférieure à celle pratiquée par la plupart des véhicules.
Le code de la route a pour fonction
de réguler ces différents types de circulation. Il pose pour cela, en son
article R-412.6, le principe fondamental selon lequel il appartient à tout
conducteur de conserver la maîtrise de son véhicule et de pouvoir adapter sa
conduite et sa vitesse en fonction des autres usagers et des obstacles pouvant
survenir.
Chaque automobiliste
doit donc rouler à une vitesse lui permettant de réagir sans risque aux
situations susceptibles de survenir sur la route, comme la traversée soudaine
d'un animal. On ne va pas équiper les animaux d'un gyrophare. (Sourires.) Une vitesse excessive ne résulte pas
seulement du dépassement d'une vitesse réglementairement limitée. Ce n'est pas
parce qu'on fixe la vitesse à 90 kilomètres à l'heure sur les routes nationales,
à 130 sur les autoroutes et à 50 dans les agglomérations que l'on doit
obligatoirement rouler à ces vitesses-là. La vitesse de chaque véhicule doit
rester adaptée aux conditions de circulations liées par exemple au volume et à
la nature du trafic, aux intempéries et à tout autre facteur extérieur. La
vitesse excessive reste en effet l'un des tous premiers facteurs d'accident. Sur
ce point, je ne vous suis pas dans votre argumentation.
Cependant, outre les obligations
strictes fixées pour certaines catégories de véhicules, l'arrêté du 4 juillet
1972, actualisé le 28 janvier 2000, prévoit et organise l'équipement possible ou
recommandé de l'ensemble des véhicules à progression lente, par des feux
spéciaux y compris pour les voiturettes. Des dispositions réglementaires
existent donc déjà qui répondent aux risques particuliers qu'ils peuvent
représenter.
Enfin, le code de
la route vient d'être profondément remanié par l'ordonnance du 22 septembre 2000
entrée en vigueur le 1er juin 2001, et les nombreux ajouts introduits à cette
occasion témoignent de la volonté du Gouvernement d'améliorer la sécurité
routière tout en respectant le principe de liberté individuelle de circuler,
auquel nos concitoyens sont profondément attachés.
Cela étant, votre souci est
légitime, monsieur le député. Aussi vais-je faire étudier par mes services votre
proposition de signalisation particulière pour les véhicules circulant de
manière anormalement lente.
M. le président. La parole
est à M. Henri Nayrou.
M. Henri Nayrou. Merci,
monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte cette question et
d'admettre qu'il y a les excès de vitesse mais aussi les excès de lenteur qui
peuvent être accidentogènes. Espérons que vos services étudieront vite ma
proposition. (Sourires.)
M. le
ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais sans
excès de vitesse ! (Sourires.)