LUTTE CONTRE L'INSÉCURITÉ À QUIMPER
M. le président.
Mme Marcelle Ramonet a présenté une question, n° 1632, ainsi rédigée
:
« Mme Marcelle Ramonet
souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la
sécurité dans la région de Quimper. L'insécurité et la montée de la délinquance
partout en France, y compris dans des secteurs qui étaient jusqu'alors moins
touchés, sont devenues la première préoccupation des Français. Est-il besoin de
rappeler que la sécurité est la première des libertés que la nation doit
garantir à ses citoyens ? Or, les actes de violence verbales ou physiques par
des auteurs souvent de plus en plus jeunes tout comme les incivilités, vols,
incendies de véhicules, attaques et dégradations de biens publics ou privés se
multiplient. Ce qui conduit les communes à consacrer chaque année des sommes de
plus en plus importantes pour réparer ces diverses dégradations. La ville de
Quimper est elle aussi frappée par cette délinquance dont les conséquences
peuvent être particulièrement dramatiques, entraînant récemment la mort d'une
personne. Avec les moyens mis à leur disposition, les policiers de Quimper font
leur travail, avec courage, détermination, conscience et dévouement. Il faut
sans attendre donner des moyens nouveaux et des effectifs de police
supplémentaires le week-end pour sécuriser la ville. Au-delà, la réponse à
l'insécurité passera par une remise à plat complète des systèmes préventifs et
répressifs reposant notamment sur la responsabilisation et la sanction ;
l'augmentation des moyens consacrés à l'aide éducative ; un renforcement des
pouvoirs et des moyens pour la police et la justice et une reconnaissance plus
grande aux acteurs locaux en matière de sécurité. Elle lui demande donc ce
qu'entend faire le Gouvernement pour assurer sa mission régalienne. »
La parole est à Mme Marcelle
Ramonet, pour exposer sa question.
Mme Marcelle Ramonet.
Monsieur le ministre de l'intérieur, les questions de sécurité concernent tous
nos concitoyens. Après l'emploi, il s'agit de la deuxième préoccupation des
Français. Aujourd'hui, la montée de la délinquance est perceptible sur
l'ensemble du territoire et non plus seulement, comme auparavant, dans les
grands centres urbains. Si le ministère de l'intérieur est généreux avec les
effectifs de la police nationale dans le dix-huitième arrondissement de Paris,
ce qui est sans doute justifié, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous
rappeler que de nombreux problèmes perdurent au-delà de la région parisienne.
Je prends la liberté de vous citer
l'exemple de la ville de Quimper, dont je suis l'élue, afin d'illustrer mon
propos. Si l'augmentation de la délinquance est moins importante depuis un an,
la tendance ne s'inverse pas, bien au contraire. Entre 1999 et 2000,
je note une progression constante, avec des chiffres qui laissent songeur. Les
mises en garde à vue : plus 13 %. Le nombre de personnes mises en cause :
plus 12 %. Et 25 % des délits sont le fait de mineurs. De 1997
à 2000, les actes de délinquance ont progressé de 62 %, ce qui est
considérable, alors que, dans la même période, le taux d'élucidation est passé
de 27 % à 19 %. Encore récemment, huit véhicules ont été incendiés à
Quimper.
Je vous signale
également que plusieurs policiers ont été blessés la semaine dernière à la suite
d'une rave party, ce qui a désorganisé l'unité de
recherche et d'investigation du commissariat de Quimper, la privant de 20 %
de son effectif. La gestion des effectifs étant réalisée en flux tendu, le
moindre problème est de nature à perturber considérablement le bon
fonctionnement des services de police de cette ville.
Vous devez savoir, monsieur le
ministre, que la population de Quimper a augmenté de plus de 10 % en dix
ans, alors que, dans le même temps, le nombre de policiers en tenue est passé de
cent à quatre-vingt-six, soit une baisse de près de 20 %. La nuit et le
week-end, la ville ne compte que deux patrouilles de trois personnes, ce qui
représente six policiers pour 63 000 habitants.
Vous allez me répondre que vous
avez recruté des adjoints de sécurité pour pallier le manque d'effectifs. Il y
en a actuellement vingt-huit à Quimper, soit le tiers des policiers en tenue,
alors que leur formation n'est pas toujours en adéquation avec la mission qui
leur est assignée. De plus, ces personnels sont très souvent dirigés vers les
postes de police annexes, avec des missions limitées. Si les futurs gardiens de
la paix suivent une formation en école de police d'une durée de deux ans, les
adjoints de sécurité doivent se contenter d'une formation de trois mois.
Je reconnais bien volontiers que le
dispositif de la police de proximité est une bonne chose à Quimper, avec
l'ouverture d'un poste annexe dans les quartiers de Kermoisan, du Braden et,
prochainement, de Kerfeunteun.
Toutefois, j'estime que ce concept
n'a de raison d'être qu'à la condition que les effectifs soient eux-mêmes
augmentés de façon significative. Sinon, cette politique n'aura aucun sens :
huit policiers au Braden, huit à Kermoisan, sept pour Kerfeunteun et au
centre-ville. Il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Les
syndicats de policiers estiment que le déficit en personnels en tenue et en
officiers se situe entre 20 et 30 personnes.
Enfin, monsieur le ministre, je
vous signale une baisse inquiétante des effectifs de l'unité d'investigation et
de recherche. De 17 en 1998, ce service est passé à 11 postes et demi
aujourd'hui. Les moyens mis à disposition de cette unité sont insuffisants pour
procéder aux enquêtes et investigations et concourir ainsi à la recherche de la
vérité. A titre d'exemple, les enquêtes liées au trafic de stupéfiants
monopolisent moins les officiers de police, faute de temps et de moyens. Si une
plus grande présence sur la voie publique est de nature à rassurer la
population, ce dont je me réjouis, cela se fait sans doute au détriment d'un
travail en profondeur des enquêtes consécutives aux plaintes des particuliers.
Les policiers ne sont nullement responsables de ces conséquences. Ils en sont
plutôt les victimes dans la mesure où ils ne peuvent plus assurer leur mission
avec efficacité.
Monsieur le
ministre, il y a quelques mois, le Gouvernement nous annonçait des recrutements
importants d'infirmières. Je crois que vous devriez également réfléchir à une
augmentation significative des effectifs de police. C'est le voeu que je forme
pour Quimper afin de favoriser une présence régulière de la police dans la
ville, le week-end et la nuit.
Puisqu'il me faut conclure, je vous
épargnerai une longue tirade sur la vétusté, l'exiguïté et l'inadapation des
locaux ou sur l'étroitesse du parking. Mais sachez que j'attends de vous des
réponses concrètes en faveur du commissariat de Quimper.
M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. La sécurité de nos
compatriotes repose sur les deux dispositifs complémentaires que sont les
contrats locaux de sécurité et la police de proximité.
Je tiens tout d'abord à exprimer ma
satisfaction pour l'action partenariale menée dans la circonscription de Quimper
qui s'exerce notamment dans le cadre du contrat local de sécurité, signé dès
novembre 1998, et au sein des instances locales de concertation.
Je souhaite que cette dynamique
soit élargie et que s'engage, comme l'a rappelé le Premier ministre lors du
quatre-vingt-quatrième congrès des maires et des présidents de communautés de
France, un dialogue entre les maires et les responsables de la sécurité dans le
respect des compétences de chacun.
S'agissant de la police de
proximité, j'ai moi-même retenu la circonscription de Quimper pour la deuxième
vague de généralisation. A ce titre, celle-ci a bénéficié de mesures
d'accompagnement, notamment matériel et financier, supplémentaires ainsi que de
l'adaptation des ressources en personnels.
S'agissant plus particulièrement de
ces derniers, la circonscription de Quimper dispose au
1er décembre 2001 de 136 fonctionnaires dont 99 agents du
corps de maîtrise et d'application. Comparé au 1er janvier 1999, le
potentiel s'est accru de 13 fonctionnaires dont 10 gradés et
gardiens.
Cet effort a été
poursuivi par les recrutements réalisés dans le cadre du développement
d'activités pour l'emploi des jeunes. Ainsi les 34 adjoints de sécurité
affectés au commissariat de Quimper assistent les fonctionnaires titulaires dans
leurs missions de prévention et de soutien à la population. Ils ne se
substituent pas aux gardiens et gradés de la police nationale.
La mise en place de la nouvelle
doctrine d'emploi de la police nationale depuis juin 2001 a permis
d'inverser la tendance à la hausse de la délinquance enregistrée en 2000
par rapport à 1999. La présence policière renforcée dans l'ensemble des
quartiers ainsi que le samedi a en effet enrayé, au cours des onze mois
de 2001 comparés à la même période de 2000, la progression de la
délinquance générale. Elle a également entraîné une baisse de 6,3 % des
infractions de voie publique.
Parmi ces dernières, on note une
diminution du nombre des vols à main armée, ceux-ci passant de cinq à deux, des
cambriolages, 526 en 2000 et 489 en 2001, soit une baisse de
7 %, et des vols à la roulotte, 1 229 en 2000 et 946
en 2001, soit une baisse de 23 %. Bien évidemment, c'est toujours
trop. Tout acte délictueux est de trop. Néanmoins, l'évolution à Quimper est
positive.
L'engagement quotidien
des policiers de Quimper, qui travaillent, comme vous l'avez souligné, dans des
conditions difficiles avec courage et dévouement, s'est également concrétisé,
lors de la période précitée, par une augmentation des faits élucidés, des mis en
cause et des gardés à vue.
Afin
d'apporter davantage de réponses pour lutter contre l'insécurité, le
Gouvernement a pris récemment de nouvelles mesures.
La première réponse a été d'ordre
législatif avec l'adoption de la loi relative à la sécurité quotidienne
promulguée le 15 novembre dernier qui permettra de mieux combattre les
nouvelles formes de criminalité.
En ce qui concerne la délinquance
des mineurs, il a été décidé la mise en place de nouveaux centres d'éducation
renforcée et de centres de placement immédiat facilitant ainsi la
diversification des réponses judiciaires.
Un plan d'action renforcée contre
la violence vient d'être également mis en place. Ce plan prévoit notamment un
renforcement de la lutte contre le trafic d'armes, le développement des actions
ciblées répressives contre certaines formes de délinquance dans les sites
sensibles et une meilleure protection des policiers, tant physique que
juridique, pour conforter leurs interventions.
Enfin, de nouveaux moyens, tant en
personnels qu'en matériels, seront accordés aux services de police grâce à
l'adoption de la loi de finances pour 2002, de la loi de finances
rectificative pour 2001 ainsi qu'aux arbitrages rendus par le Premier
ministre.
Je ne doute pas que
l'ensemble de ces mesures apporteront une réponse efficace aux actes de
délinquance et faciliteront la protection ainsi que l'exercice des missions des
policiers.
J'ajouterai, madame
la députée, s'agissant de Paris, que les effectifs de police sont placés sous
l'autorité du préfet de police, lequel a décidé, dans le cadre d'une politique
partenariale avec le maire, de faire en sorte que des tâches indues ne soient
plus à la charge des policiers. C'est le maire de Paris, qui a pris en charge
ces tâches en recrutant des agents municipaux. Une telle mesure permettra de
régler notamment le problème des sorties d'écoles. Des policiers ont été
redéployés dans les endroits les plus sensibles de la capitale - notamment dans
le 18e arrondissement que vous avez bien voulu citer mais aussi dans
d'autres arrondissements de l'est comme de l'ouest parisien - pour remettre
davantage de policiers au service des Parisiennes et des Parisiens sans
augmenter les effectifs globaux à la préfecture de police. Ce qui n'avait pu
être obtenu auparavant est fait maintenant.
Enfin, vous avez évoqué la question
des rave parties. Vous connaissez ma position, je
l'ai exprimée dès le début.
M. Patrice
Martin-Lalande. C'est vrai.
M. le ministre de
l'intérieur. Après de longs débats parlementaires, comme c'est bien
normal, il a été décidé, dans la loi relative à la sécurité quotidienne,
d'encadrer l'organisation de ces manifestations sur la base d'une déclaration,
avec les sanctions afférant à la non-déclaration et au refus de la concertation,
pour essayer de canaliser préventivement et d'éviter les effets négatifs que
vous avez cités. C'est un travail de longue haleine qui, grâce au partenariat,
aboutira, je l'espère, sans porter atteinte à la liberté de la jeunesse de faire
la fête.