RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
À L'HÔPITAL D'AURILLAC
M. le président.
M. Yves Coussain a présenté une question, n° 1654, ainsi rédigée :
« M. Yves Coussain attire
l'attention de M. le ministre délégué à la santé sur les problèmes
rencontrés par l'hôpital d'Aurillac à l'occasion du passage aux 35 heures.
Les besoins générés par la réduction du temps de travail (RTT) sont évalués aux
strictes compensations à au moins 130 agents alors qu'il est seulement
prévu de créer 49 emplois dont 19 en 2002. Le personnel de l'hôpital
d'Aurillac conteste la mise en oeuvre de la RTT qui exigera dans ces conditions
une augmentation des amplitudes d'horaires, la remise en cause de fait du temps
de formation imputée pour partie sur la réduction du temps de travail, ainsi que
l'aggravation du travail en flux tendu. La qualité des soins est menacée dans la
mesure où les personnels soignants auront moins de temps à consacrer à leurs
patients. En fait, le protocole général, déjà jugé non satisfaisant par des
syndicats représentatifs, sera inapplicable. Il lui demande quelles mesures il
compte prendre pour une application de la RTT qui ne soit préjudiciable ni aux
patients et à leur santé ni au personnel qui estime que l'application en l'état
des 35 heures est une régression sociale. »
La parole est à M. Yves
Coussain, pour exposer sa question.
M. Yves Coussain. Mon
collègue Gilbert Meyer est intervenu sur les revendications justifiées des
médecins généralistes. Aucune réponse satisfaisante n'est apportée à ces
praticiens et la situation est bloquée.
En ce qui me concerne,
j'interviendrai sur les problèmes rencontrés par l'ensemble des hôpitaux de
France, en particulier par celui d'Aurillac, à l'occasion du passage aux
35 heures.
Pour l'hôpital
d'Aurillac, les besoins générés par la réduction du temps de travail sont
évalués, en stricte compensation, c'est-à-dire en dehors des besoins chroniques,
à 130 agents au moins. Or ce ne sont que 54 postes qui sont prévus sur
trois ans, dont 30 en 2002. C'est bien sûr insuffisant, même si une
réorganisation des tâches peut permettre une optimisation du temps de
travail.
Le personnel conteste
donc la mise en oeuvre de la RTT et cette contestation est partagée par le
personnel formateur de l'Institut de formation en soins infirmiers.
D'abord, la RTT entraînera une
augmentation des amplitudes d'horaires : douze heures par jour alors que le
protocole général national prévoit un maximum de dix heures et demie.
Ensuite, elle s'accompagnera d'une
imputation du temps de formation et de maladie sur le crédit d'heures RTT, pour
un cinquième, ce qui risque de provoquer des refus de formation de la part des
agents et donc, à terme, une baisse de leurs compétences.
Enfin, le travail en « flux tendus
», expression jusque-là réservée à l'industrie, aux services marchands et au
travail à la chaîne, va devenir une réalité dans les hôpitaux. Dans le secteur
des soins, qui exige une adaptation aux besoins des patients et une
personnalisation des relations, cette situation ne peut qu'avoir des effets
négatifs qui pourront entraîner des défaillances du point de vue de la qualité
des soins, les personnels concernés ayant moins de temps à consacrer à leurs
patients.
J'ajoute que le
protocole général, déjà jugé insatisfaisant par d'importants syndicats
représentatifs, sera inapplicable localement, comme dans la plupart des hôpitaux
français, par manque de moyens.
Quelles mesures le Gouvernement
compte-t-il prendre ? Quels moyens envisage-t-il d'attribuer afin que la
réduction du temps de travail ne soit préjudiciable ni aux patients, notamment
pas à leur santé, ni au personnel, qui estime que, en l'état, les 35 heures
marquent plus une régression sociale qu'une avancée ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le député, vous avez souhaité interroger M. Bernard Kouchner,
ministre délégué à la santé, sur la réglementation relative au temps de travail
des personnels hospitaliers, en particulier au centre hospitalier d'Aurillac.
M. Kouchner, qui ne peut être présent ce matin, vous prie de l'excuser ; il
tient néanmoins à vous apporter les éléments de réponse suivants.
La réduction du temps de travail
dans la fonction publique hospitalière a fait l'objet d'un processus soutenu de
négociation, qui a abouti à la création de 45 000 emplois. Ce nombre tient
compte, d'une part, des besoins liés à la baisse effective du temps de travail
pour les agents de la fonction publique hospitalière et, d'autre part, des
restructurations importantes intervenues depuis plusieurs années dans ce
secteur.
L'augmentation des
quotas d'entrée dans les écoles de formation des professions soignantes et le
renforcement des moyens de ces écoles ont également été décidés et sont
actuellement en application. Cet effort considérable traduit le souci du
Gouvernement de donner au service public hospitalier et social les moyens
d'assurer ses missions - continuité et accueil de tous - dans un
contexte où la demande des usagers s'accroît, manifestant ainsi la confiance de
nos concitoyens.
Par ailleurs,
les budgets correspondant à ces emplois ont été répartis entre les régions, et
l'allocation budgétaire entre les établissements prendra en considération les
données essentielles de ceux-ci, dont le temps de travail, le nombre d'agents,
l'activité, ainsi que la qualité du dossier présenté. La situation de chaque
établissement sera alors précisément examinée.
En outre, la négociation interne est
encouragée. Elle se concrétisera dans la mesure du possible par un accord local
entre la direction et les organisations syndicales représentatives.
Dans ce contexte, le centre
hospitalier d'Aurillac a reçu de l'agence régionale de l'hospitalisation une
allocation de moyens qui correspond aux critères de répartition et qui est en
adéquation avec sa situation. Pour les trois ans à venir, ces moyens s'élèvent,
pour les activités sanitaires et hors critère de qualité du dossier, à
54,38 postes.
Un complément
de dotation, correspondant à la qualité du dossier et aux moyens attribués dans
le cadre des activités de soins de longue durée, s'ajoutera à ce chiffre. La
négociation locale est en cours dans l'établissement.
Cette méthode, soutenue par un
dispositif juridique clair, complet et novateur sur de nombreux points, ainsi
que par des mesures budgétaires d'une ampleur exceptionnelle, permettra de
rétablir l'équité entre les personnels tout en reconnaissant à ceux-ci
d'importantes sujétions, et d'améliorer les conditions de travail de chaque
agent dans le respect de garanties réglementaires nouvelles et renforcées.
La mise en place de la réduction du
temps de travail dans la fonction publique hospitalière est un processus
évolutif, dont la montée en charge est prévue sur trois années. Vous n'ignorez
pas, monsieur le député, que 2002 est une période de lancement et
d'adaptation.
M. le président. La
parole est à M. Yves Coussain.
M. Yves Coussain. Vous
vous doutez, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette réponse ne satisfera pas
le personnel hospitalier dans son ensemble ni, en particulier, celui d'Aurillac.
Certes, l'année 2002 est celle du lancement de la mise en oeuvre des
35 heures, mais toutes les mesures nécessaires, tant sur le plan de la
formation que sur celui du financement, auraient pu être prévues depuis
longtemps.