REVENDICATIONS DES MÉDECINS
GÉNÉRALISTES
M. le président.
M. Gilbert Meyer a présenté une question, n° 1658, ainsi rédigée :
« M. Gilbert Meyer appelle
l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les
revendications des médecins généralistes dans le cadre des négociations engagées
avec la Caisse nationale d'assurance maladie. Ces négociations sont pour l'heure
dans l'impasse, les propositions avancées par la CNAM ayant été rejetées par les
syndicats qui les jugent déraisonnables. Les principaux points d'achoppement
portent sur la revalorisation des tarifs de consultation, la revalorisation des
honoraires de visites à domicile et la refonte du dispositif d'astreinte lors
des gardes. A travers le rejet de ces mesures, les organisations représentatives
des médecins généralistes ont aussi souhaité attirer l'attention du Gouvernement
sur le profond malaise et le sentiment d'exaspération qui se sont installés au
sein des différentes professions de santé. Ceux-ci ont, en effet, la sensation
justifiée de n'être ni écoutés ni, à plus forte raison, entendus. Le mouvement
de contestation qui s'est déclenché risque de se durcir ; à terme, c'est la
population, notamment les franges les plus exposées (personnes âgées, enfants,
etc.), qui va en subir les conséquences. Il lui demande, par conséquent, quelles
mesures elle entend prendre pour débloquer rapidement la situation. »
La parole est à M. Gilbert
Meyer, pour exposer sa question.
M. Gilbert Meyer. Les
négociations engagées entre les caisses d'assurance maladie et les médecins
généralistes se sont soldées, la semaine passée, par un échec. L'accord auquel
elles ont abouti n'a été signé que par le seul syndicat MG France, très
largement minoritaire au sein de la profession. Le principal syndicat de
médecins a, au contraire, fermement pris position contre la proposition
gouvernementale.
On ne peut dès
lors pas affirmer, comme le Gouvernement le fait pourtant, que la situation est
sur le point de se débloquer. J'en veux pour preuve supplémentaire, s'il en
fallait une, le maintien de la journée de protestation organisée par les
généralistes et soutenue quasiment par toutes les professions de santé.
Les raisons de cette crise sont
multiples, mais elles ont pourtant un point commun : la façon déplorable
avec laquelle le Gouvernement s'obstine à ignorer les attentes exprimées par des
acteurs du secteur de la santé confrontés à des difficultés d'exercice sans
cesse grandissantes.
Les
généralistes revendiquent, entre autres, à juste titre, une revalorisation
significative des tarifs de consultation, des honoraires de visite à domicile
- dont les taux remontent à 1993 -, et la refonte globale du système
d'astreinte lors des gardes. C'est d'ailleurs sur ces points particuliers que
porte le différend qui les oppose actuellement à la CNAM.
Ils attendent également des avancées
significatives en matière d'organisation de l'ensemble du secteur libéral. En
effet, ce dernier nécessite aujourd'hui d'être adapté aux particularité
géographiques, démographiques et sociologiques de chaque secteur sanitaire.
Sur ces questions, les discussions
font apparaître le même blocage. Tout porte donc à croire que vous laissez
délibérément le conflit se dégrader, au risque d'en faire supporter les
conséquences à la population.
De
façon générale, un profond malaise et un sentiment d'exaspération se sont
installés chez les professionnels de la santé, toutes spécialités confondues.
Les infirmiers libéraux, pour ne
citer qu'eux, viennent ainsi de résilier, en désespoir de cause, la convention
signée en 1997 avec la CNAM, faute d'avoir obtenu sa mise en oeuvre
effective. Ils n'en peuvent plus. La désorganisation de l'offre de soins, le
blocage des honoraires et des tarifs indemnitaires mettent nos services de soins
en péril.
Nous savons tous que,
dans les négociations en cours, la CNAM suit scrupuleusement les
instructions de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, même si
elle se défend de lui en donner.
Le secteur de la santé est en feu.
Le Gouvernement a par conséquent l'obligation de transmettre à tous les
professionnels de la santé un signe fort, en organisant un véritable dialogue
fondé sur des propositions acceptables. Compte-t-il le faire ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le député, les évolutions de notre système de soins suscitent de fortes
aspirations, tant de la part des patients que des soignants, et nous devons y
répondre par la concertation. Dès décembre 2000, Elisabeth Guigou a décidé
de lancer une grande concertation : les « Grenelle de la santé ». A cette
occasion, le malaise spécifique des professionnels libéraux a bien été perçu,
ainsi que la nécessité de définir une démarche pour y répondre dans un cadre
d'ensemble.
Ce malaise provenait,
d'abord, du dispositif de régulation des dépenses. C'est d'ailleurs pourquoi le
Gouvernement l'a profondément transformé en supprimant dès 1999 les
sanctions imposées aux médecins par le plan Juppé. Plus globalement, nous sommes
sur le point de réformer ce système par le biais de la proposition de loi sur
les relations conventionnelles, qui sera adoptée avant la fin de cette
législature.
Toutefois, ce
malaise était plus profond et lié à des interrogations fondamentales sur la
place du professionnel de santé dans le système de soins. Nous l'avons pris en
compte, et la loi de financement de la sécurité sociale de 2002 comporte
plusieurs réponses fortes, comme les aides à l'installation, le financement des
gardes libérales et le renforcement des réseaux de santé.
Nous avons également consenti un
effort très important en faveur de la formation des professionnels au regard des
besoins de la population. Le nombre de médecins, d'infirmiers et de
kinésithérapeutes n'a jamais été aussi élevé : par exemple, le nombre de
généralistes libéraux est passé de 40 000 en 1980 à 51 000
en 1990 et à 54 000 aujourd'hui, soit une croissance bien supérieure à
celle de la population, ce qui a permis d'améliorer la densité médicale.
Aujourd'hui, nous préparons l'avenir
en desserrant progressivement le numerus clausus,
contrairement à ce qui a été fait par le précédent gouvernement. C'est ainsi que
les différentes formations aux professions médicales et paramédicales ont vu
leur nombre d'étudiants augmenter.
Enfin, vous le savez, la loi de
modernisation sociale a profondément réformé les études médicales, afin de mieux
valoriser la médecine générale, désormais considérée comme une vraie
spécialité.
S'agissant des
honoraires, des mesures importantes en faveur de la médecine générale ont été
prises et il faut les rappeler : en 1998, la consultation a été revalorisée
de cinq francs, soit 0,76 euro, et le tarif de la visite a été porté à
39,6 euros pour les actes accomplis en urgence qui obligent le médecin à
quitter son cabinet ; en 2000, le tarif des visites auprès des personnes
âgées de plus de soixante-quinze ans prises en charge à 100 % a été majoré et
porté à 29,7 euros ; enfin, en 2001, le tarif de la consultation pour
les soins d'urgence effectués au cabinet a été porté à 26,9 euros, la
majoration s'ajoutant à la rémunération de base des soins.
Vous le savez, les négociations en
cours entre les caisses d'assurance maladie ont débouché sur une proposition de
plan pluriannuel de revalorisation de la médecine générale, prenant pleinement
en compte l'importance du rôle du médecin de famille, en particulier pour les
urgences de proximité. Ces propositions très significatives
- 730 millions d'euros, soit 4,8 milliards de francs sur trois
ans pour les 60 000 généralistes libéraux - permettent de bien
répondre aux problèmes soulevés, qui concernent la revalorisation des
honoraires, la prise en compte de la pénibilité des visites de nuit et de
week-end et la prise en charge des gardes. Le Gouvernement souhaite donc que
l'ensemble des organisations représentatives reconnaissent les avancées
contenues dans cet accord.
Vous
le savez, des rencontres auront lieu tout à l'heure avec le responsable de la
CNAM et demain avec les deux ministres concernés. La négociation et le dialogue
sont donc largement engagés. Gageons qu'ils avanceront et se préciseront dans
les heures et les jours qui viennent.
M. le président. La
parole est à M. Gilbert Meyer.
M. Gilbert Meyer. Je
vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour ces précisions. Cela dit, je
ferai deux observations.
Premièrement, heureusement que vous
disposiez du plan Juppé, sinon vous n'auriez pas eu de point de référence.
Deuxièmement, vous dites avoir
renforcé les effectifs. Toutefois, en ce qui concerne les infirmières, le nombre
de candidats et de candidates est pourtant aujourd'hui insuffisant au regard des
postes vacants. Je rappelle que, il y a quatre ans, vous avez diminué les quotas
de formation, provoquant ainsi la situation dans laquelle nous nous trouvons.
M. René André. C'est
exact !
M. Gilbert Meyer. Plus
généralement, derrière les mots, je discerne peu d'intentions dans votre
réponse. En tout cas, je n'y vois pas la trace d'une volonté pouvant déboucher
sur des actes et j'en suis désolé. La réaction du Gouvernement est peu en
rapport avec la gravité de la situation. Celui-ci place les professions de la
santé sur l'autel du sacrifice, remettant ainsi en cause la première priorité
des Français, l'accès aux soins. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat,
le Gouvernement doit débloquer la situation.