FINANCEMENT DU FONDS
D'INVESTISSEMENT
POUR LA PETITE ENFANCE
M. le président.
M. René André a présenté une question, n° 1661, ainsi rédigée :
« M. René André appelle
l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les mesures
qu'elle compte prendre pour alimenter le Fonds d'investissement pour la petite
enfance après que le Conseil constitutionnel a sanctionné les détournements
auxquels elle avait procédé pour l'abonder. »
La parole est à M. René André,
pour exposer sa question.
M. René André. Les
montages financiers auxquels le Gouvernement a procédé lors de l'élaboration de
la dernière loi de financement de la sécurité sociale - principalement
d'ailleurs pour financer les 35 heures - ont été faits au détriment du
respect du principe d'autonomie des branches de la sécurité sociale. Si bien
que, à l'époque, ce système de financement a été dénoncé par l'ensemble des
syndicats comme par les parlementaires de l'opposition.
Du reste, le Conseil constitutionnel
n'a pas manqué de sanctionner ces montages en annulant, dans sa décision du
18 décembre 2001, les différentes ponctions effectuées sur les
excédents de la branche famille, réaffirmant ainsi le principe de l'autonomie
des branches.
Cependant, cette
décision, tout à fait justifiée sur le fond, remet en cause le financement du
fonds d'investissement pour la petite enfance, créé par la loi de financement de
la sécurité sociale pour 2001, qui était doté d'un milliard et demi de
francs, vous me pardonnerez de parler encore en francs, mais chacun a
immédiatement fait la conversion en euros. Or ce fonds constitue un outil
apprécié pour développer localement des structures d'accueil de la petite
enfance, en partenariat avec les caisses d'allocations familiales et les
collectivités locales, et permet de répondre aux besoins des familles et à leurs
attentes.
Les nombreux projets
qui ont déjà été bâtis sont ou vont être remis en cause si un financement
pérenne - je dis bien pérenne - de ce fonds n'est pas rapidement mis
en place. Il ne serait pas normal que les familles pâtissent des conséquences de
montages financiers pour le moins hasardeux.
La décision du Conseil
constitutionnel devrait donc conduire le Gouvernement à clarifier les
affectations de crédits faites par le passé, ainsi qu'à envisager et à mettre en
place un financement pérenne du fonds.
Quelles sont les intentions du
Gouvernement en la matière ? Compte-t-il mettre en place réellement le fonds
d'investissement pour la petite enfance ou se contenter d'effets d'annonce ?
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire.
Monsieur le député, explicitement saisi sur ce point par l'opposition, le
Conseil constitutionnel a, le 18 décembre, annulé le dernier article du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui
prévoyait, comme en 2001, l'affectation au FIPE, le fonds d'investissement
pour la petite enfance, de 229 millions d'euros prélevés sur les excédents
de l'année 2000 de la CNAF, afin de financer la création de 20
000 places d'accueil supplémentaires.
Chacun s'accorde à reconnaître le
formidable succès qu'a été la « première tranche » du FIPE, que prévoyait la loi
de financement de la sécurité sociale de l'année dernière. Nous ne pouvons donc
que regretter que l'opposition ait cette fois-ci jugé opportun de déférer devant
le Conseil constitutionnel, pour des raisons de pure forme, l'article qui
prévoyait un nouvel abondement du fonds.
Je vous précise que, au cours des
dix-huit derniers mois, 1 600 dossiers ont été soumis à
Mme Ségolène Royal, soit autant que dans les dix dernières années. Ce
chiffre nous permet d'apprécier l'ampleur de l'attente de la société. La
décision du Conseil constitutionnel en apparaît que plus « décalée ».
Du reste, l'opposition n'avait pas
jugé utile d'attirer l'attention du juge constitutionnel sur le dispositif lors
de la précédente loi de financement. C'est le signe que la méthode utilisée par
le Gouvernement, qui était strictement la même, n'était pas aussi choquante que
cela.
L'opposition porte donc une
responsabilité très claire dans l'annulation d'une mesure pourtant très attendue
par les familles, par les opérateurs et par nombre de municipalités, dont toutes
n'appartiennent pas, tant s'en faut, à la majorité gouvernementale.
En matière de politique familiale,
vous et vos amis privilégiez d'autres voies que les nôtres, comme l'ont montré
les débats sur l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile.
Pour notre part, nous préférons
privilégier celles qui s'ouvrent au plus grand nombre et qui encouragent
effectivement l'augmentation du nombre des places de crèche ou auprès d'une
assistante maternelle.
Le
Gouvernement tient néanmoins à réaffirmer deux choses.
D'abord, la décision du Conseil
constitutionnel est sans effet sur le financement des projets qui ont d'ores et
déjà été acceptés par les CAF dans le cadre de la première tranche du fonds
d'investissement. A cet égard, je tiens à rassurer tous ceux qui sont engagés
dans des dossiers concrets.
Ensuite, cette décision ne remettra
pas en cause notre objectif de créer 20 000 places de crèche supplémentaires,
que le Gouvernement a annoncés. Nous étudions actuellement avec la CNAF le moyen
d'arriver à ce chiffre, toujours dans le cadre de la politique d'action sociale
de la branche famille.
Nous
annoncerons dans les prochaines semaines les modalités selon lesquelles les
engagements du Gouvernement seront tenus.
M. le président. La
parole est à M. René André.
M. René André.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai bien entendu. Convenez cependant
qu'une réponse, même formulée en termes modérés - il ne peut pas en aller
autrement dans cet hémicycle -, qui consiste à maudire ses juges, selon
l'expression consacrée, est quand même un peu « juste ».
Je vous ferai également observer que
l'opposition a bien fait de saisir le Conseil constitutionnel, puisque celui-ci
lui a donné raison. J'ajoute qu'elle l'a saisi en accord avec les deux syndicats
qui sont très impliqués dans le fonctionnement de la CNAF et qui avaient été
choqués par cette véritable usine à gaz que vous aviez imaginée pour aboutir à
un financement qui a été finalement remis en cause.
Plutôt que de vous livrer à des
lamentations sur le passé, que ne nous avez-vous indiqué comment vous alliez
financer les projets de la petite enfance, qui sont incontestablement très
attendus par la population ! Encore faut-il ne pas se contenter d'annoncer un
financement : il convient de le mettre réellement en oeuvre. Or, en
l'occurrence, vous saviez parfaitement que vous n'aviez pas les moyens d'assurer
ce financement.