SUPPRESSION DES CHANGEMENTS D'HEURE
D'HIVER ET D'ÉTÉ
Mme la présidente.
M. Jean Briane a présenté une question, n° 1684, ainsi rédigée :
« La convention de Washington de
1884 établit le système des 24 fuseaux horaires des temps universels
coordonnés confirmant les propositions des scientifiques exprimées en 1883
d'ordonner le temps à partir du système solaire dont dépend le rythme biologique
des êtres vivants et notamment des humains. Depuis 1976, sous prétexte
d'une très hypothétique économie d'énergie, la France vit à GMT + 1 en hiver et
GMT + 2 en été ou, plus exactement, d'avril à octobre. Ces changements d'heure,
qui ne reposent sur aucune base démocratique et qui, objectivement, ne se
justifient nullement, ne tiennent aucun compte des conséquences néfastes avérées
et scientifiquement démontrées de la pratique de la double heure d'été sur la
rupture du rythme biologique des gens et sur l'environnement. La rupture du
rythme biologique de millions de personnes constitue une atteinte au droit et à
la liberté fondamentaux de tout être humain de vivre à l'heure de son méridien,
droit et liberté inscrits dans la convention européenne des droits de l'homme.
M. Jean Briane demande ce que M. le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement compte faire pour faire respecter ces droits et
libertés fondamentaux et fait cesser une pratique de changement d'heure que plus
rien ne justifie. »
La parole est
à M. Jean-Briane, pour exposer sa question.
M. Jean Briane.
Monsieur le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, je
suis un irréductible opposant aux changements d'heure, qui me paraissent
totalement inutiles. Comme les travaux parlementaires seront suspendus le
22 février et que je n'ai pas l'intention de solliciter le renouvellement
de mon mandat - cela fait trente ans que je siège dans cette assemblée.
C'est la dernière fois que l'interpelle le Gouvernement sur ce sujet.
La convention de Washington
de 1884 établit le système des vingt-quatre fuseaux horaires des temps
universels coordonnés, confirmant les propositions des scientifiques exprimées
en 1883 à Rome, d'ordonner le temps à partir du système solaire dont dépend
le rythme biologique des êtres vivants, notamment des êtres humains.
Depuis 1976, sous le prétexte d'une très hypothétique économie d'énergie,
la France vit à GMT + 1 en hiver et à GMT + 2 en été, ou plus exactement depuis
quelque temps d'avril à octobre ; c'est totalement inapproprié à son fuseau
horaire géographique - fuseau zéro - correspondant à l'heure GMT.
Monsieur le ministre, ces
changements d'heure ne reposent sur aucune base démocratique et ne répondent à
aucune raison objective. Ils ne tiennent aucun compte des conséquences néfastes,
avérées et scientifiquement démontrées, de la pratique de l'heure d'été sur les
personnes, dont le rythme biologique est rompu, et sur l'environnement. Le
bien-être des personnes les plus vulnérables que sont les personnes âgées, les
enfants, les malades, s'en ressent. Au surplus, la commission européenne a
estimé en 1990 que les « prétendues » économies d'énergie sont infimes et
incertaines.
L'autre prétexte
souvent avancé est le temps que l'heure d'été permet de consacrer aux loisirs.
Or il n'est pas valable non plus, surtout depuis l'application des
35 heures, et compte tenu des possibilités d'optimisation des horaires de
travail. On peut bénéficier de l'amplitude des jours sans avoir à pratiquer de
tels changements d'heure.
La
rupture du rythme biologique de millions de personnes constitue une atteinte au
droit et à la liberté de tout être humain de vivre à l'heure de son méridien ;
droit et liberté inscrits dans la Convention européenne des droits de
l'homme.
Monsieur le ministre,
que compte donc faire le Gouvernement pour faire respecter ces droit et liberté
fondamentaux et faire cesser une pratique que plus rien ne justifie ?
Mme la présidente. La
parole est à M. le ministre de l'aménagement, du territoire et de
l'environnement.
M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement. Monsieur le député, la définition de l'heure légale et le
choix du fuseau horaire incombent aux Etats ; mais il y a une compétence
communautaire sur la date de changement d'heure lors du passage à l'heure d'été,
qui se définit comme la période de l'année pendant laquelle l'heure est avancée
de soixante minutes par rapport au reste de l'année, - en France
métropolitaine, GMT + 1.
Vous en
contestez la base démocratique. Or, monsieur le député, les Etats membres de
l'Union européenne, à une très grande majorité, se sont prononcés, de même que
le Parlement européen, élu au suffrage universel, en faveur de la reconduction
du système horaire européen qui harmonise les dates de changement d'heure dans
l'Union, en mars et en octobre. Ce système se fonde sur la huitième
directive 97/44/CE concernant les dispositions relatives à l'heure d'été,
pour les années 1998 à 2001.
Cette directive, adoptée le
22 juillet 1997 sur la base de l'article 95 du traité instituant
la Communauté européenne, prévoit le « rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des Etats membres qui ont pour
objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur ». Le Conseil
dans sa grande sagesse a donc choisi d'harmoniser les dates de changement
d'heure afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, qui s'impose à
tous les Etats membres, y compris à la France.
Le Conseil a néanmoins reconnu la
nécessité de continuer à réfléchir aux questions soulevées, par vous-même et par
d'autres ; je pense, notamment, à une association dont je connais bien la
présidente, Mme Gabarin, une amie de vingt-cinq ans, qui est « très allante
» s'agissant de cette question.
Un rapport a été demandé par la
Commission européenne et examiné en 1999 par les Etats membres. Sérieux et
documenté, il était assis sur des questionnaires nationaux et les nombreux
contacts pris avec des interlocuteurs institutionnels ou associatifs
- comme l'association, dont je faisais mention. Il faisait ressortir que
les opposants à l'heure d'été étaient « concentrés » en France et au Portugal et
qu'ils faisaient valoir les perturbations que le changement d'heure causerait
dans les secteurs de l'environnement, de la santé ou des transports.
Sur la base de ce travail de
réflexion, qui n'a pas conclu à des conséquences néfastes réellement tangibles,
la Commission européenne a proposé un nouveau texte reprenant le principe du
changement d'heure, avec toutefois un rapport d'évaluation prévu pour 2007.
Cette clause de rendez-vous, qui répond à vos préoccupations, permettra de
suivre l'impact de cette mesure, notamment dans le domaine de la santé. La
nouvelle directive n° 2000/84/CE a été adoptée en décembre dernier par le
Parlement européen et le Conseil, au terme d'une étroite coordination avec le
Comité économique et social et l'ensemble des parties prenantes.
Monsieur le député, je vous donne
donc rendez-vous en 2007. Peut-être ne serez-vous plus parlementaire ? A moins
que vous ne décidiez de vous représenter en 2007. Mais il est trop tôt pour
répondre à cette question... (Sourires.)
Mme la présidente. La
parole est à M. Jean Briane.
M. Jean Briane. Non,
je ne me représenterai pas. Mais je continuerai à suivre cette question au sein
du rassemblement européen pour le respect du système des fuseaux horaires des
temps universels coordonnés, qui vient d'être créé.
Monsieur le ministre, j'ai écouté
avec attention votre réponse, qui m'a pour le moins surpris. J'ai en effet dans
mon dossier nombre des questions qui ont été posées sur ce sujet par des
parlementaires, dont certains sont actuellement ministres. Si j'en juge par la
langue de bois dont ils font preuve depuis qu'ils sont devenus membres du
Gouvernement, il semble qu'ils aient complètement oublié l'action qu'ils
menaient auparavant !
Moi, j'ai
aussi été rapporteur sur cette question au Conseil de l'Europe, qui s'est
d'ailleurs prononcé pour le respect des fuseaux horaires, et je connais
parfaitement bien le dossier. Sachez que j'ai l'intention de saisir la Cour
européenne des droits de l'homme, dès lors que les procédures nationales de
recours auront été épuisées, puisqu'elle ne peut intervenir avant. J'espère
qu'un jour cette instance se substituera au gouvernement français pour trancher
cette question.
Oui, c'est vrai,
ce sont les Français qui, en 1976, en pleine crise pétrolière, et sous prétexte
d'économie d'énergie - restée toujours virtuelle d'ailleurs -, ont inventé la
double heure d'été, entraînant à leur suite les autres pays européens. Mais
l'Angleterre et l'Irlande ont refusé d'entrer dans le système et le Portugal,
pays le plus à l'Ouest en Europe, en est sorti car cela lui posait trop de
problèmes, s'agissant notamment des jeunes.
Monsieur le ministre, les arguments
relatifs aux économies d'énergie et à la directive communautaire sont usés.
C'est le Premier ministre qui est seul responsable de la fixation de l'heure
légale dans le pays. La directive européenne n'a pas lieu d'être dans la mesure
où, si l'on respecte les fuseaux horaires des temps universels coordonnés, tout
le monde est à l'heure de son méridien. Je comprends parfaitement que les
habitants des pays situés plus à l'Est que nous aient un autre point de vue. Ils
doivent d'ailleurs sourire de la bêtise faite par la France. Mais, monsieur le
ministre, quand on a commis une erreur, il faut savoir revenir en arrière et
faire le nécessaire pour la réparer.
Je déplore surtout qu'entre le
pouvoir et les citoyens, il existe un mur totalement opaque dressé par les
cabinets et les technostructures de l'Etat. Il y a trente ans que je siège sur
ces bancs et je sais de quoi je parle ! C'est tellement vrai du reste que
quasiment tous les groupes sociaux sont obligés de descendre dans la rue pour se
faire entendre : agents de police, gendarmes, enseignants, infirmières,
médecins, etc. Cela montre bien que quelque chose ne va plus dans le
fonctionnement de notre démocratie !
M. le ministre de l'aménagement
du territoire et de l'environnement. Nous nous éloignons de l'heure
d'été !
M. Jean Briane. Par
ailleurs, est-il admissible, et je le dis avec beaucoup de regret, qu'un
parlementaire qui s'adresse par écrit au Premier ministre pour l'entretenir, non
pas de ses affaires, mais d'un sujet qui concerne des millions de citoyens, ne
recoive même pas de réponse ? Quand un Premier ministre ne daigne plus répondre
à un représentant du peuple, c'est vraiment grave. Où est la démocratie ?
Dans ces conditions, faut-il
s'étonner que nombre de nos concitoyens, constatant qu'ils sont ignorés ou
méprisés, refusent de voter ? Le parti des abstentionnistes sera bientôt le plus
important en France !
Monsieur le
ministre, il faut absolument que cessent le mépris et l'indifférence dont font
l'objet les millions de Français qui souffrent de cette situation. Moi qui ai
toujours été un lève-tôt, je souffre aussi et je ne retrouve pas mes repères le
matin quand nous sommes à l'heure d'été.
Mme la présidente.
Veuillez conclure, monsieur Briane !
M. Jean Briane.
Monsieur le ministre, vous m'annoncez qu'un rendez-vous est fixé en 2007. Mais
je connais d'ores et déjà les intentions des technocrates de Bruxelles.
Peut-être faudra-t-il mener campagne et envisager un boycott. Je rappelle que
des élections vont bientôt avoir lieu...
Mme la présidente.
Concluez, monsieur Briane !
M. Jean Briane.
... si les citoyens ne sont pas écoutés et si l'on continue à les manipuler
ainsi, il faudra bien qu'ils se révoltent.
Mme la présidente. Je
ne pense pas que cette intervention appelle une réponse.