FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1721  de  M.   Lellouche Pierre ( Rassemblement pour la République - Paris ) QG
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  08/12/1999  page :  10630
Réponse publiée au JO le :  08/12/1999  page :  10630
Rubrique :  commerce extérieur
Tête d'analyse :  commerce intracommunautaire
Analyse :  viandes bovines. importations britanniques. contrôle
DEBAT : M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.
M. Pierre Lellouche. Ma question s'adressait également à M. le Premier ministre, mais je note qu'il a préféré les charmes du congrès du SPD à Berlin aux questions d'actualité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela montre en quelle estime il tient notre assemblée, en tout cas dans les priorités de son agenda. (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe socialiste.)
La question que je vais poser est pourtant grave, car elle touche à la décision que doit prendre le Gouvernement français demain quant à la levée de l'embargo sur le boeuf britannique. Elle intéresse tous les Français et je vous serais reconnaissant de me la laisser poser dans le calme. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Les données du problème sont connues. D'un côté, le comité scientifique directeur de l'Union européenne considère que le boeuf britannique est sans danger; une injonction est donc en cours contre la France pour que nous levions cet embargo. De l'autre, les experts français de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, que nous avons auditionnés ici même, à l'Assemblée nationale, dans le cadre de notre commission d'enquête, sont unanimes, qu'il s'agisse du Pr Dormont, de Mme Burger ou du Pr Carlier.
Les faits sont établis: environ 180 000 cas de vache folle ont été recensés en Angleterre depuis 1986; cette maladie est passée à l'homme il y a trois ans, en 1996; elle incube pendant trente ans chez l'homme - par conséquent, nous ne connaissons pas le nombre de personnes contaminées - et cinq ans chez l'animal. Or il nous est demandé d'importer des animaux britanniques nés après 1996.
Sur ces bases, je voudrais poser deux questions au Premier ministre.
D'abord, le Gouvernement français va-t-il abdiquer ses responsabilités politiques devant un groupe d'experts européens, ce qui ne serait conforme ni à notre conception du rôle du politique, ni à celle de la construction européenne ?
Ensuite, comment le gouvernement Jospin définit-il le principe dit de précaution ? On nous parle beaucoup, depuis quelques semaines, de la traçabilité et de l'étiquetage. Or, les Français doivent le savoir, ils ne constituent que des éléments d'une méthode de contrôle qui permet de s'assurer de la filière alimentaire.
M. Alain Calmat. Vous n'y connaissez rien, rien du tout !
M. René Lellouche. Ils ne devraient pas suffire pour permettre la mise sur le marché d'aliments potentiellement dangereux. Pourtant tel sera bien le cas. Allons-nous voir le Gouvernement français se réfugier derrière l'étiquetage pour mettre sur le marché des aliments dont les experts français admettent qu'ils sont potentiellement dangereux ?
Telles sont les questions que je voulais poser au Premier ministre. J'attends avec intérêt la réponse du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Provocateur !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, après la caricature vient le temps de la provocation ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Si le Premier ministre n'est pas présent cet après-midi, c'est qu'il a répondu à l'invitation du chancelier Schröder. Cela ne constitue en aucun cas un signe de défiance à l'égard du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. J'ai parlé du congrès du SPD à Berlin !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Premier ministre est présent toutes les semaines, deux fois par semaine, pour montrer sa considération à l'égard de l'Assemblée.
M. Didier Boulaud. Lui au moins, il reste jusqu'à la fin !
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je vous indique d'abord, monsieur Lellouche, que le Gouvernement qui, depuis le début de cette affaire, s'est toujours appuyé sur l'impératif de sécurité alimentaire et sur la défense du principe de précaution, n'est pas prêt à abdiquer devant un comité d'experts, fût-il européen. Bien au contraire, il se bat pied à pied, depuis trois mois, pour obtenir des garanties supplémentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. Pierre Lellouche. Quelles sont-elles ?
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Lellouche, nous n'abdiquerons pas davantage devant vous en obéissant à vos injonctions, le sujet est trop sérieux.
Le deuxième avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été rendu hier soir, en fin d'après-midi. Il fait l'objet d'un document de douze pages, sérieux et balancé à bien des égards. Le Gouvernement va l'étudier, engager une réflexion collective et il prendra sa décision dans les jours qui viennent, sans doute demain soir.
A nos yeux, il est essentiel que les impératifs de sécurité alimentaire et de santé publique l'emportent sur le débat politicien. A cet égard je me permets une petite réflexion.
Hier après-midi, j'ai lu qu'un parlementaire de l'opposition, généralement connu pour sa mesure, sa sagesse et sa formation scientifique, avait déclaré: «Dans ces conditions, je ne vois pas comment on peut lever l'embargo.» Or il a tenu ces propos avant que l'avis dont je viens de parler ait été rendu public. L'impératif politique l'emportait donc, en la circonstance, sur l'impératif de précaution sanitaire. (Protestations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Il faut donc prendre le temps d'étudier le rapport et aviser dans la sagesse. C'est ce que le Gouvernement fera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
RPR 11 REP_PUB Ile-de-France O