Texte de la QUESTION :
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M. Georges Sarre attire l'attention de M. le ministre délégué chargé des affaires européennes sur le recul des perspectives de l'élargissement à l'Est qui semble se dessiner au sein de l'Union européenne, ainsi que sur les inquiétudes à ce sujet des responsables politiques des pays candidats à l'adhésion. Il observe notamment qu'au sommet de Cardiff (juin 1998), les Quinze ont supprimé du document final un passage invitant les candidats à présenter le plus rapidement possible leurs positions de négociation dans les secteurs déjà passés en revue au titre de l'examen de conformité de leur législation à l'acquis communautaire - dont ils saluaient alors les « bons progrès ». Il relève également la faible mobilisation des ministres des affaires étrangères de l'Union, le 13 juillet dernier, en faveur de la proposition de la présidence autrichienne d'engager, dès le mois de novembre prochain, de véritables négociations sur les dossiers les moins sensibles (sciences et techniques, politique industrielle, télécommunications, culture et audiovisuel, PME ou politique étrangère), sans attendre l'achèvement de cette longue phase de « screening ». Il regrette en particulier la frilosité dont la France fit preuve à cette occasion, en se contentant de demander un « rapport » sur l'état d'avancement du « screening » - ce qui pourrait éventuellement lui permettre de s'opposer le moment venu, avec les hypocrites regrets d'usage, à toute accélération du processus d'élargissement. Dans ce contexte, il tient à rappeler avec force que l'élargissement de l'Europe est, comme le soulignait récemment le ministre polonais des Affaires étrangères, « une grande chance pour les économies occidentales, qui en seront les premières bénéficiaires avec plusieurs dizaines de millions de consommateurs nouveaux ». De même, en « créant » l'espoir dans les pays candidats pour qui elle signifie d'abord stabilité et sécurité, la perspective de l'intégration européenne « incite les gens à rester sur place, sachant qu'ils y trouveront des emplois et un avenir » et les gouvernements à poursuivre leur processus de modernisation, malgré les coûts de l'intégration. Convaincu que les pays candidats ont ainsi besoin de signes forts et clairs témoignant de la volonté de l'Union de ne pas retarder son ouverture à l'Est, il estime que ni les grandes questions auxquelles l'Union sera bientôt confrontée - ratification du traité d'Amsterdam, financement de l'Europe, réforme des institutions - ni les craintes qu'elles suscitent - à savoir, dans les pays du Sud, une diminution des avantages liés à la PAC ou aux fonds structurels et, en Allemagne et en Autriche notamment, l'invasion d'une main-d'oeuvre bon marché venue de l'Est - ne sauraient justifier l'attentisme, l'absence de stratégie et de vision, voire les velléités de blocage des Etats membres en matière d'élargissement. Il s'inquiète notamment que les Quinze n'aient pas encore eu le moindre débat pour décider des domaines dans lesquels ils sont prêts à accepter des périodes de transition et pour en fixer la durée. Estimant, à l'instar de M. Geremek, qu'il importe avant tout de « déterminer de façon claire s'il existe de part et d'autre la volonté politique d'élargir rapidement l'Union » et partageant son souhait de voir émerger, « dans l'esprit du triangle de Weimar », « un soutien commun de l'Allemagne et de la France à l'élargissement », il lui demande donc de préciser la vision et la stratégie françaises en la matière.
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Texte de la REPONSE :
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L'honorable parlementaire a bien voulu faire part au ministre délégué chargé des affaires européennes de ses inquiétudes s'agissant des perspectives de l'élargissement de l'Union européenne. La France encourage sans ambiguïté le processus d'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale. Elle est satisfaite du scénario de l'élargissement défini à Luxembourg, très largement inspiré de la vision française d'un processus inclusif, qui assure une égalité de traitement à tous les pays candidats. Le lancement d'un processus d'adhésion, dans le cadre de l'article O du traité sur l'Union européenne, garantit l'inclusion de tous les pays candidats, selon des rythmes adaptés à leur degré de préparation. Les rendez-vous réguliers prévus avec les Etats candidats, sur la base d'un rapport de la commission au conseil, permettront à ce dernier de décider de l'ouverture de nouvelles négociations d'adhésion. Comme le sait l'honorable parlementaire, après l'ouverture du processus d'élargissement le 30 mars, les négociations dans le cadre des conférences intergouvernementales ont été ouvertes le 31 mars avec six pays (la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovénie, l'Estonie et Chypre), sur la base des principes de négociation adoptés par l'Union européenne. Depuis lors, l'examen analytique de l'acquis se poursuit, à un rythme soutenu. S'agissant de l'articulation entre l'examen de l'acquis et l'engagement des négociations proprement dites pour les « 6 », la France adopte une attitude pragmatique. Il est évident qu'un examen préalable de l'ensemble de l'acquis permettrait de disposer d'une vision d'ensemble des problèmes à traiter dans le cadre des négociations. Pour autant, nous ne sommes pas fermés à l'idée d'examiner, au cas par cas, la possibilité d'engager les négociations sur tel ou tel chapitre, qui apparaîtrait autonome, avant la conclusion de l'ensemble de l'exercice d'examen de l'acquis. Ceci doit se faire sous le contrôle politique du conseil, dans la plus grande transparence. Il n'est pas acceptable qu'un chantier d'une portée politique majeure comme le processus d'élargissement soit traité comme une simple question technique. La responsabilité des gouvernements des Etats membres vis-à-vis des citoyens de l'Union est en jeu ; il en va, en effet, largement, de l'avenir de l'Europe. C'est pourquoi, lors du conseil « Affaires générales » du 13 juillet, la délégation française a demandé à la commission et à la présidence de présenter un rapport sur les enseignements à tirer de l'examen analytique de l'acquis, pour la session du conseil « Affaires générales » d'octobre. Sur cette base, les ministres des affaires étrangères des Etats membres devront décider des conditions d'engagement des négociations avec chacun des pays candidats, dans le cadre des conférences intergouvernementales. C'est dans ce cadre aussi que la question de Chypre devra être examinée afin de vérifier si les discussions engagées satisfont bien aux exigences posées par le Conseil européen. Il est crucial, notamment, que l'adhésion de Chypre contribue effectivement au règlement de la question politique. A défaut, le processus engagé ne pourrait qu'aviver les tensions régionales et perturber le fonctionnement de l'Union. Le Gouvernement français est, par ailleurs, très attaché à ce que la conduite des réformes internes à l'Union européenne ne retarde par le processus d'élargissement. Néanmoins, il est primordial de traiter les questions de la réforme institutionnelle et de l'Agenda 2000 avec toute l'attention requise. D'abord, la capacité de l'Union à fonctionner doit être préservée. Il est illusoire de laisser entendre que l'on pourrait faire l'économie d'une réforme institutionnelle qui est dans l'intérêt tant des pays candidats que des citoyens de l'Union. C'est pourquoi le Gouvernement français se réjouit de ce que les chefs d'Etat ou de gouvernement sont convenus à Cardiff que, « dès que le traité d'Amsterdam aura été ratifié, il conviendra de prendre une décision sur la question de savoir quand et comment traiter les questions institutionnelles qui n'auront pas été réglées à Amsterdam ». Ensuite, l'honorable parlementaire n'ignore pas que des chantiers très importants pour notre pays, qu'il s'agisse de l'avenir de la politique agricole commune, de la réforme des fonds structurels ou du prochain cadre financier du budget de l'Union, sont ouverts. Le Gouvernement français souhaite que les discussions sur l'Agenda 2000 aboutissent dans des conditions satisfaisantes, qui préservent largement les intérêts de notre pays. Il avait insisté auprès de ses partenaires sur la fixation d'un calendrier clair pour la conclusion de ces discussions. Le Conseil européen de Cardiff a répondu à cette demande : le principe d'une adoption définitive des propositions contenues dans l'Agenda 2000 avant les prochaines élections européennes en juin 1999 est posé.
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