Texte de la QUESTION :
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M. Daniel Boisserie appelle l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les dernières déclarations du Commissaire européen à la concurrence quant au prix du livre. D'une manière plus au moins avouée, la loi Lang sur le prix unique du livre est visée. Sous prétexte de liberté de concurrence et de dérégulation, il y a là une tentative de Bruxelles de mettre en cause les législations nationales protectrices. Si tel devait être le cas dans les années à venir, il est certain que l'on assisterait à la disparition de nombreuses maisons d'édition, à la perte de centaines d'emplois mais aussi à la disparition des auteurs d'avant-garde, innovants, audacieux ou tout simplement courageux, qui font la richesse de notre littérature. Il appelle donc à tout mettre en oeuvre afin de refuser ce « Munich » du livre et lui demande quelles mesures elle entend prendre afin de contrer cette offensive.
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Texte de la REPONSE :
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La Commission européenne a engagé, au mois de janvier 1998, une procédure à l'encontre du système de fixation du prix du livre entre éditeurs et libraires allemands et autrichiens. Elle a également mis en cause, au mois de mai dernier, le système de prix fixe du livre aux Pays-Bas au travers des dispositions concernant l'importation de livres. Ces procédures s'appuient sur l'article 85 du traité sur l'Union européenne qui fixe les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des services et des personnes. Toutefois, elles ne tiennent pas compte de l'article 128 dudit traité qui engage les instances communautaires à prendre en compte les aspects culturels dans l'application des autres dispositions du traité. C'est ainsi que les systèmes de prix fixe dans les zones linguistiques homogènes devraient pouvoir bénéficier des exemptions prévues par l'article 85. En premier lieu, le prix fixe évite une détérioration de la production et de la distribution du livre. En effet, l'instauration d'une concurrence uniquement basée sur les prix provoquerait la disparition d'un grand nombre de librairies se trouvant dans l'incapactié d'accorder des rabais comparables à ceux des grandes surfaces. Cette situation entraînerait deux types de conséquences : au niveau de la distribution, une moindre disponibilité géographique des ouvrages et, par voie de conséquence, des inégalités dans l'accès au livre, ainsi qu'une segmentation des points de vente entre, d'un côté, les quelques librairies vendant essentiellement des ouvrages exigeants et, de l'autre, des grandes surfaces ne commercialisant q'un assortiment réduit d'ouvrages ; au niveau de la production éditoriale à court terme, une baisse des prix dans le secteur ne permettant pas aux éditeurs de disposer de la base financière nécessaire à l'édition d'ouvrages dont le public est plus restreint, ce qui conduirait à une réduction de l'offre et, à moyen terme, à une augmentation des prix préjudiciable à la chaîne du livre comme aux consommateurs. En second lieu, le prix fixe du livre n'élimine pas la concurrence qui subsiste entre éditeurs et qui, au niveau de la distribution, est transférée des prix au service. Enfin, le prix fixe du livre en France n'est pas supérieure à celle de l'indice général des prix. Par contre, la libération du prix du livre aurait des effets inflationnistes dans la mesure où la fermeture de nombreux points de vente induirait une réduction des tirages moyens des ouvrages et une augmentation proportionnelle des prix que les rabais consentis par les libraires ne compenseraient qu'imparfaitement. L'exemple de la Grande-Bretagne l'illustre bien puisque, depuis la disparition du « net book agreement », le prix des ouvrages représentant les meilleures ventes a légèrement baissé, alors que celui des ouvrages spécialisés a fortement augmenté. Les solutions proposées par la Commission, octrois de subventions et instauration d'un régime distinct entre les livres « culturels » et les autres, paraissent soit contraires aux principes qui fondent l'action de l'Union européenne, soit inapplicables. Elles négligent l'indispensable péréquation entre succès commerciaux et livres à rotation lente, fondement de l'économie de la chaîne du livre. Si la loi française du 10 août 1981 n'est pas immédiatement visée par la Commission, une dérégulation du commerce intracommunautaire du livre pourrait la rendre en large partie inapplicable. Ce sont les raisons pour lesquelles le ministère de la culture et de la communication exerce une vigilance constante à l'égard de ces questions. A la suite des procédures engagées à l'encontre des systèmes de fixation du prix de vente du livre par la Commission européenne, il s'est rapproché des ministères en charge de ces dossiers dans les pays concernés (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) pour rédiger un mémorandum sur le prix du livre en Europe et particulièrement sur le principe de l'unicité du prix du livre par zone linguistique homogène. Ce texte, adressé aux services de la Commission (DG X et DG IV), a été débattu par les ministres de la culture des quinze Etats membres lors du conseil du 28 mai 1998. Ces actions devraient se renforcer au cours des prochains mois dans le cadre des présidences successives de l'Autriche et de l'Allemagne.
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