FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 18053  de  M.   Deniaud Yves ( Rassemblement pour la République - Orne ) QE
Ministère interrogé :  aménagement du territoire et environnement
Ministère attributaire :  aménagement du territoire et environnement
Question publiée au JO le :  03/08/1998  page :  4194
Réponse publiée au JO le :  18/01/1999  page :  326
Rubrique :  eau
Tête d'analyse :  politique de l'eau
Analyse :  redevance. conséquences. industries extractives
Texte de la QUESTION : M. Yves Deniaud appelle l'attention de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur le projet d'instauration d'une nouvelle redevance au titre de la « modification du régime des eaux », à laquelle seraient notamment assujetties les entreprises procédant à l'extraction de matériaux dans le lit majeur des cours d'eau et dans les nappes alluviales. Perçue au profit de Agences financières de Bassin, cette redevance aurait pour objet de financer la lutte contre les risques naturels d'inondation. Les producteurs de matériaux s'interrogent sur le bien-fondé et les conséquences économiques de cette nouvelle redevance, qui leur paraît injustifiée. En effet, il n'est pas démontré, loin de là, que les extractions de matériaux alluvionnaires aient un quelconque effet sur les risques d'inondation. D'autre part, l'évolution importante de la réglementation qui détermine les conditions particulièrement exigeantes auxquelles sont soumises les autorisations d'ouverture de carrières, la mise en place des SDAGE et des schémas départementaux de carrières, les progrès techniques constatés dans les exploitations sont propres à garantir l'absence d'impact sur les inondations. Par ailleurs, il est clair qu'une telle redevance renchérirait le coût des matériaux, et donc des ouvrages, avec des répercussions sur les budgets des maîtres d'ouvrage, et notamment des collectivités territoriales. Il lui demande en conséquence si elle n'envisage pas de réexaminer le fond de ce problème, et ceci pour éviter ainsi que des décisions soient prises sans une analyse préalable sérieuse du bien-fondé de la mesure envisagée et de ses conséquences sur le plan économique.
Texte de la REPONSE : Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant les conséquences de la mise en place de la redevance pour modification du régime des eaux (MRE). Le principe d'une redevance de ce type résulte de l'application de la loi sur l'eau de 1964 (art. 14) et du décret d'application du 14 septembre 1966 (art. 18). En vertu des dispositions de ces textes, les agences de l'eau sont autorisées à percevoir des redevances sur les personnes publiques ou privées, « soit qu'elles contribuent à la détérioration de la qualité de l'eau, soit qu'elles effectuent des prélèvements dans la ressource en eau, soit qu'elles modifient le régime des eaux dans tout ou une partie du bassin ». Seule l'assiette des deux premières a été définie par le décret de 1966. La réflexion en cours vise à combler cette lacune. En effet, comme cela a été annoncé à l'occasion du conseil des ministres du 9 septembre dernier, le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre dans notre pays une fiscalité écologique qui permettra une meilleure application du principe pollueur-payeur. Dans le domaine de l'eau, la décision a été prise, lors du conseil des ministres du 20 mai 1998, d'appliquer le principe « pollueur-payeur » à l'ensemble des activités susceptibles de perturber le régime des eaux. Ces activités sont celles qui peuvent aggraver les inondations, mais aussi déstabiliser les berges et le fond des cours d'eau, abaisser le niveau des nappes phréatiques ou en accroître la vulnérabilité aux pollutions et contribuer à la dégradation irréversible des écosystèmes aquatiques. A ce titre, les extractions de matériaux en lit majeur, qui fragilisent et peuvent déstabiliser la structure de la rivière (tant au niveau du lit majeur que du lit mineur) sont apparues comme un fait générateur incontestable d'une modification du régime des eaux et dans un certain nombre de cas de risques d'inondation. Cette activité, même conduite avec précaution et suivie d'une remise en état des lieux, crée des excavations plus ou moins importantes dans la vallée, au voisinage des cours d'eau. En cas de crue importante, ces excavations peuvent créer un risque de modification de l'écoulement général de la crue et de déplacement brutal du chenal principal, la succession de plans d'eau auprès de la rivière pouvant constituer, de fait, un prédécoupage pour un nouveau lit. Quand elles existent, les digues de protection de ces plans d'eau peuvent également constituer un obstacle à l'écoulement et contribuer à une réduction du champ d'expansion des crues. En outre, si la crue les franchit, des travaux très importants doivent alors être engagés pour ramener la rivière dans son lit initial lors de la décrue. D'autres effets peuvent également être craints tels que : la destruction de la végétation alluviale, la sape des berges en lit mineur, l'abaissement des nappes et des étiages, l'exposition des nappes aux pollutions accidentelles, notamment en période d'inondation, la suppression de la couche de filtrage des eaux de ruissellement. La mise en oeuvre de cette nouvelle mesure sera précédée d'une large concertation avec les représentants des élus et des organisations professionnelles, avec les administrations concernées et au sein des comités de bassin. Elle devra se faire avec progressivité pour atteindre en début de VIIIe programme des agences de l'eau (2002) le niveau d'environ 3 % du montant actuel des redevances perçues par les agences de l'eau. Sur le rendement total de cette mesure, estimé à environ 290 millions de francs en valeur actuelle, un peu moins de 12 % concerneraient l'activité d'extraction de granulats et, pour l'essentiel, les bassins de Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse. En conséquence, il convient de souligner la très faible incidence financière prévisible de cette mesure sur les entreprises d'extraction de granulats, de même que l'absence de distorsion de concurrence qu'elle provoquera dans une profession dont le marché intérieur est souvent captif. L'utilisation de cette recette sera étudiée dans le cadre de la concertation actuelle sur les modalités d'application au domaine de l'eau de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dont la création a été annoncée par le Gouvernement le 22 juillet dernier. En tout état de cause, sa création devra permettre d'améliorer les conditions de financement par les agences de l'eau des travaux d'entretien de cours d'eau et de prévention des inondations. En effet, comme l'a indiqué le Conseil d'Etat en 1994, ces actions ne peuvent, à l'heure actuelle, être financées par les agences de l'eau faute d'une redevance spécifique, assise sur les activités évoquées mais également sur toutes celles qui génèrent, d'une façon significative, une imperméabilisation des sols, des modifications hydrauliques, ou une réduction du champ d'expansion des crues.
RPR 11 REP_PUB Basse-Normandie O