FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 1805  de  Mme   Roudy Yvette ( Socialiste - Calvados ) QG
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  26/01/2000  page :  332
Réponse publiée au JO le :  26/01/2000  page :  332
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  machines et équipements
Analyse :  Moulinex. emploi et activité. Normandie
DEBAT : M. le président. La parole est à Mme Yvette Roudy.
Mme Yvette Roudy. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, ainsi qu'à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et au-delà, à M. le Premier ministre. S'y associent l'ensemble des députés socialistes du Calvados.
Il s'agit de ce que j'appelle l'affaire Moulinex. Car je me demande, monsieur le Premier ministre, si, après l'affaire Michelin, nous n'avons pas maintenant une affaire Moulinex.
Depuis plus de quatre ans, les salariés de Moulinex font des efforts considérables pour sauver leur entreprise.
M. François Goulard. Nationalisez Moulinex !
Mme Yvette Roudy. Or, depuis plus de quatre ans, leurs efforts ne sont ni reconnus ni récompensés. De plans sociaux en plans sociaux - nous en sommes maintenant au troisième -, la Normandie vit au rythme des suppressions d'emplois.
M. Lucien Degauchy. Résultat de la politique socialiste !
Mme Yvette Roudy. Pardonnez-moi de vous déranger, messieurs de l'opposition ! Me permettez-vous de continuer ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
La Normandie, disais-je, vit au rythme des suppressions d'emplois et des fermetures de sites annoncés par Pierre Blayau, PDG de Moulinex. Hier, Mamers et Argentan; aujourd'hui, Falaise, Caen et Saint-Lô. En 1996, 2 600 emplois ont été supprimés. D'ici à dix-huit mois, entre 1 500 et 2 000 emplois devraient l'être à nouveau, à en croire les dernières annonces de M. Blayau, ce matin même. Il y a quatre ans, Moulinex comptait plus de 8 000 emplois. Il n'y en aura bientôt plus que 4 500.
M. Lucien Degauchy. Avec les 35 heures, ce n'est pas fini !
Mme Yvette Roudy. Monsieur le Premier ministre, si un élu avait la responsabilité de l'entreprise Moulinex, il ne survivrait sûrement pas à un tel désastre humain et social.
M. Pierre Lellouche. Il ne survivrait pas non plus aux 35 heures !
Mme Yvette Roudy. Suivant une implacable logique libérale que je croyais d'un autre temps, des productions, des métiers, des savoir-faire entiers quitteront la France pour être transférés à l'étranger, où l'on se préoccupe peu de droits sociaux. Ainsi, les fours à micro-ondes seront fabriqués en Chine ou au Brésil, les aspirateurs en Pologne, les fers à repasser au Mexique. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Pierre Blayau, PDG de Moulinex, vient d'annoncer qu'il n'y aura pas de licenciements secs. Il s'engage sur la reconversion des salariés et l'implantation de nouvelles entreprises là où des sites seront supprimés - je pense à Falaise. Quelles assurances pouvons-nous avoir («Aucune !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe communiste)...
M. Patrice Carvalho. Moratoire !
Mme Yvette Roudy. ... quand on sait que, sur les 1 600 emplois promis par le même Pierre Blayau il y a trois ans, dans le cadre d'un premier plan de réindustrialisation, seuls 747 ont été créés, dont 7 % seulement sont revenus à des ex-employés de Moulinex ? Au moment où l'on nous annonce une reprise économique, de tels comportements sont-ils acceptables ?
Plusieurs députés du groupe communiste. Non !
Mme Yvette Roudy. Je demande aux pouvoirs publics, dont M. Blayau a certainement besoin de temps en temps, de faire preuve de la plus grande vigilance sur l'évolution de cette affaire. Et je demande la mise en place d'un plan de réindustrialisation sur l'ensemble de la Basse-Normandie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. En effet, madame la députée, malgré un plan de redressement très durement ressenti par des milliers de salariés depuis plusieurs années, Moulinex ne parvient pas à sortir de ses difficultés.
Plusieurs députés du groupe Radical, Citoyen et Vert. Et ses actionnaires ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Son chiffre d'affaires a diminué de 9 % au cours du dernier exercice et les pertes atteignent 213 millions au premier semestre. Cela est dû aux délocalisations que vous avez évoquées, à une politique de guerre de prix menée dans le monde entier...
M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas ça !
M. Richard Cazenave. Et les 35 heures ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et qui suppose que nous nous attaquions à cette question avec une grande détermination. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je veux d'ailleurs saluer, tout comme vous, les efforts des salariés soumis à ce régime depuis plusieurs années, ainsi que l'action déterminée et responsable des organisations syndicales.
Le président de Moulinex a annoncé plusieurs orientations stratégiques: partenariat pour certaines de ses productions, notamment celles de fours à micro-ondes et d'aspirateurs dans le Calvados - Moulinex semble envisager, j'y reviendrai, une reconversion de ces établissements; filialisation de certaines activités moteurs et composants à Saint-Lô et à Carpiquet - je souhaite clairement que Moulinex et son nouveau partenaire étudient la possibilité pour ces usines de fabriquer pour des tiers et pas uniquement pour elles-mêmes; réorganisation enfin pour les autres produits, qui pourrait conduire au renforcement du pôle industriel d'Alençon dans l'Orne, et développement du coeur de l'activité, appareils de cuisine et soins de la personne.
Les conséquences industrielles et sociales ne sont pas encore totalement cernées. Elles préoccupent, soyez-en assurés, le Gouvernement autant que la représentation nationale. Nous demandons à Moulinex de prendre toutes les dispositions pour limiter l'impact de sa stratégie sur l'outil industriel français. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comment faire ?
M. Pierre Lequiller. Passer aux 35 heures !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Pour commencer, nous devons scrupuleusement veiller à ce que la promesse faite par les dirigeants de l'entreprise, ce matin encore, de ne procéder à aucun licenciement sec soit strictement tenue. Avec ma collègue Martine Aubry, nous exigerons de l'entreprise qu'elle tienne cet engagement. L'entreprise Moulinex a déjà largement exploité avec un plan de Robien les possibilité d'aménager et de réduire le temps de travail. Mais elle doit maintenant tout faire afin que la progression vers les 35 heures puisse, en partie tout au moins, apporter la solution pour la main-d'oeuvre indirecte. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lequiller. Trente-deux heures ! N'hésitons pas !
M. Philippe Briand. A 32, on stabilise et à 30, on embauche !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Sur la réindustrialisation à venir dans les sites concernés, je vous rejoins. Nous exigeons de l'entreprise qu'elle assume sa part de responsabilités. Il convient d'abord de susciter la création de nouveaux emplois industriels. Vous avez eu raison d'indiquer que ce qui avait été annoncé voilà trois ans n'a pas encore été totalement réalisé.
Nous tenons également à ce que la mesure soit étalée dans le temps, afin de permettre la création effective d'emplois de substitution suffisamment à l'avance. Au vu de leur localisation définitive, et lorsque nous connaîtrons la totalité du plan et des suppressions d'emplois et que nous pourrons apprécier l'intensité des efforts fournis par l'entreprise, les pouvoirs publics pourront, comme c'est normal, les accompagner dans le respect des règles d'intervention prévues en la matière.
M. Pierre Lellouche. Et comme d'habitude, le contribuable paiera !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Nous interviendrons dans trois directions, pour aider l'entreprise à trouver de nouveaux produits pertinents grâce à l'innovation, pour localiser de nouveaux projets industriels.
M. Thierry Mariani. Baratin !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et pour encourager de nouveaux investissements créateurs d'emplois. Enfin, si besoin est, nous aiderons à la mise en place d'une société de conversion. Nous en étudions la possibilité,...
L'Etat est, vous le voyez, solidaire des territoires et des salariés concernés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En concertation avec tous les élus concernés, dont vous venez de rappeler la détermination, nous entendons continuer à avancer dans la bonne direction afin de préserver au mieux l'emploi, tout comme l'intérêt à long terme de ces territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. En attendant, ce sont 1 500 emplois en moins ! C'est nul !
SOC 11 REP_PUB Basse-Normandie O