FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 18123  de  Mme   Feidt Nicole ( Socialiste - Meurthe-et-Moselle ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  10/08/1998  page :  4369
Réponse publiée au JO le :  02/11/1998  page :  6006
Rubrique :  politique extérieure
Tête d'analyse :  Afghanistan
Analyse :  droits des femmes
Texte de la QUESTION : Mme Nicole Feidt appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation réservée aux femmes à Kaboul, capitale de l'Afghanistan. Elle lui rappelle que depuis l'arrivée des talibans en 1996, les femmes ont perdu peu à peu toute liberté et toute dignité, se voyant privées d'éducation et de soins, méprisées dans leurs conditions de vie quotidienne, victimes du fanatisme religieux et du totalitarisme politique. Elle lui indique que la récente expulsion du pays des organisations non gouvernementales (ONG) va renforcer encore plus l'isolement de ces femmes en les livrant pieds et poings liés à l'aveugle fanatisme des talibans. Au moment où les nations adoptent un traité destiné à punir les crimes contre l'humanité, et face à un tel mépris et à de telles atteintes à la dignité humaine, elle lui demande si le droit d'ingérence ne doit pas aujourd'hui avoir une signification forte. Elle lui demande donc de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement, tant en ce qui concerne son action auprès des instances internationales, que ses capacités à agir sur le plan diplomatique.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre des affaires étrangères sur la situation des femmes afghanes. La France a rappelé à plusieurs reprises, et dans toutes les enceintes appropriées, son profond attachement au respect de la condition de la femme, et sa traduction dans les faits, à savoir un accès équitable à la santé, à l'éducation et au travail. Notre pays défend activement ces principes au conseil de sécurité de l'ONU, où plusieurs résolutions ont été adoptées concernant l'Afghanistan. La résolution n° 1193 du 28 août dernier enjoint aux fractions afghanes de mettre un terme à la discrimination dont les femmes et les filles font l'objet et réaffirme que toutes les parties au conflit sont tenues de se conformer aux obligations que leur impose le droit international humanitaire. Nous avons travaillé activement à l'élaboration des résolutions sur l'Afghanistan dans les différentes enceintes appropriées, par exemple la commission des droits de l'homme. Le ministre des affaires étrangères a adressé le 31 juillet 1998 une lettre au haut commissaire aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, exprimant la préoccupation de la France à l'égard de la situation humanitaire et des droits de l'homme en Afghanistan, notamment en ce qui concerne la discrimination envers les femmes. L'Union européenne est également très impliquée dans la défense de ces principes. Une position commune a ainsi été adoptée le 26 janvier dernier. Ce texte, qui a également été transmis à tous les Etats ayant quelque influence sur les protagonistes, engage les factions afghanes à mettre un terme aux politiques discriminatoires et à reconnaître, à protéger et à promouvoir l'égalité des droits et la dignité des hommes et des femmes, y compris l'accès aux établissements d'enseignement et aux services de santé, l'emploi hors du foyer, l'intégrité physique et le droit de ne pas faire l'objet d'actes d'intimidation et de harcèlement. Les Etats de l'union s'engagent à attirer l'attention sur les conséquences des politiques discriminatoires pour la distribution de l'aide. A titre national, la France a été la première à refuser de financer des programmes pouvant présenter un caractère discriminatoire envers les femmes. Ce critère est déterminant dans l'octroi de subventions aux associations opérant en Afghanistan, en particulier dans les domaines de la santé et de l'éducation. Notre chargé d'affaires A.I. en Afghanistan, à l'occasion de ses missions sur place, accorde, dans chacun de ses entretiens avec des dirigeants taleban, une place centrale à la question du sort réservé aux femmes. Le Gouvernement français n'a pas, non plus, ménagé ses efforts pour que les ONG opérant en Afghanistan, expulsées le 20 juillet dernier, puissent y retourner dans des conditions acceptables par elles et conformes au droit international humanitaire. Alors que l'on constatait avant le 20 juillet une dégradation de la situation sur le terrain, on peut redouter qu'elle ne s'aggrave encore dans les mois qui viennent si les ONG ne peuvent travailler à nouveau dans le pays. Aussi sommes-nous désireux d'appuyer les efforts d'une communauté d'aide internationale, au sein de laquelle les ONG françaises jouent un rôle de tout premier plan, qui a le souci d'opérer à nouveau en Afghanistan, afin de soulager les populations locales. Nous avons travaillé dans ce sens en tenant dès la fin juillet une série de réunions avec les ONG françaises, la dernière en date s'étant tenue le 30 septembre. Nous avons, cet été, dépêché, à Kaboul notre chargé d'affaires, qui s'est entretenu avec le « ministre » taleban de la santé, et lui a fait valoir notre souhait de voir les ONG revenir en Aghanistan à condition que des garanties leurs soient données qu'elles pourront exercer leurs activités sans entraves de façon conforme au droit humanitaire et dans des conditions optimales de sécurité. Le même discours a été tenu par M. Pierre Lafrance, ambassadeur de France, auprès des trois Etats qui, ayant établi des relations diplomatiques avec les Taleban, peuvent exercer sur eux une certaine influence. Il s'agit du Pakistan, de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis. Si ces contacts diplomatiques ont permis de constater que les Taleban étaient disposés à accueillir à nouveau les ONG, ils ne semblent pas prêts néanmoins, à ce stade, à leur concéder les garanties requises. Des négociations se sont ouvertes via les Nations unies, qui n'ont pas permis, jusqu'à présent, d'enregistrer des progrès substantiels. La mission que mène actuellement dans la région le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, M. Lakhdar Brahimi, pourrait permettre d'identifier les conditions d'un retour des agences onusiennes, qui pourrait préfigurer celui des ONG. Nous restons en contact étroit sur ce sujet avec lui. La France tient à assurer l'honorable parlementaire qu'elle entend continuer à oeuvrer en direction d'un règlement de la crise humanitaire, tant sur le plan bilatéral, lors des entretiens de notre chargé d'affaires, qui devrait se rendre à Kaboul dans les prochaines semaines, que par des contacts au niveau régional et une action, concertée avec les ONG, au niveau multilatéral.
SOC 11 REP_PUB Lorraine O